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Pour une révolution dans la sphère publique

par Bernard Biedermann
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Christian Eckert est un homme intelligent, sérieux et compétent, mais il déçoit lorsqu’il affirme avec une tranquille assurance : « je ne sais pas comment 300.000 fonctionnaires peuvent être supprimés ». Avec les campagnes qui démarrent, ce débat est ouvert mais peu de politiques osent vraiment préciser dans quels services des réformes se traduiraient par des suppressions de postes dans la sphère publique.
Ce genre de proposition est d’autant plus délicat à défendre que l’on manque d’infirmières, de pompiers, de policiers, de gardiens de prisons, mêmes si ces postes à pourvoir ne représentent qu’un faible pourcentage par rapport aux 5,5 millions de fonctionnaires.
Alors, quelles sont les pistes à envisager ?

Nous en suggérons trois : une augmentation de la durée du travail, une nouvelle culture de gouvernance, et une révolution numérique au sein de la fonction publique française.

Augmentation de la durée du travail

Pour mieux comprendre les enjeux il convient de raisonner en termes relatifs :
Une baisse de 300.000 emplois sur 5,5 millions représenteraient 5,5% d’emplois de fonctionnaires en moins ; comment atteindre cet objectif ?
– le passage aux 35 heures, c’est-à-dire de 1.584 à 1.607 heures annuelles travaillées représenterait 1,5% (source INSEE) ;
– Le passage de 35 à 37 heures représenterait 5,7%

Le total de ces gains, 1,5% + 5,7%, serait donc de 7,2%, ce qui laisse encore de la marge par rapport aux 5,5%.

Instauration d’une nouvelle culture de gouvernance

Mais au-delà de la durée de travail, il nous semble qu’une nouvelle culture de gouvernance s’impose. Le niveau d’étude des employés et des cadres de la fonction publique a bien évolué et justifie une plus grande autonomie et plus de responsabilités déléguées, s’inspirant davantage du principe de subsidiarité. De manière liée, il faudrait que les employés de la fonction publique bénéficient d’une rémunération fondée sur le travail et les résultats. Cela, non seulement serait plus juste, mais entrainerait de meilleures performances de la part des fonctionnaires et donc de meilleures prestations à l’égard des citoyens.

Il ne s’agit en fait ni plus ni moins que de pratiquer de la gestion de compétences, système où les carrières sont fondées sur les « atouts » des employés au regard des compétences nécessaires pour le poste, et non sur les diplômes, les examens ou l’ancienneté, comme cela est toujours le cas à l’heure actuelle en France.

Un article[[Annie Hongedhem, Sylvia Norton et Sarah Sheepers, Modèles de gestion des compétences en Europe, 2005.]] de la Revue française d’administration publique donne un aperçu de l’origine de ce modèle :

« La notion de gestion des compétences fit une première apparition dans le secteur privé, aux États-Unis et en Grande-Bretagne dans les années quatre-vingts. Il s’agissait alors d’une réponse apportée aux défis soulevés par les changements économiques liés à la mondialisation, à une concurrence internationale grandissante et aux transformations technologiques. En premier lieu, on essaya d’accroître le niveau de performance des systèmes éducatifs […]. En second lieu, on se pencha sur la force de travail et son manque de qualification : la Grande-Bretagne introduisit un système, dirigé par l’industrie elle-même, destiné à établir des critères de performance pour chacun de ses secteurs ; les États-Unis suivirent l’exemple britannique en établissant en 1994 un système similaire. »[[Modèles de gestion des compétences en Europe, Annie Hongedhem, Sylvia Norton, Sarah Sheepers.]]

Mais ce qui est valable pour le secteur privé l’est tout autant pour le secteur public, et l’on constate que la gestion des compétences a fait son apparition dans un grand nombre de pays d’Europe : Royaume-Uni, Belgique, etc. Basée sur une évaluation des performances et des compétences afférentes, elle est sans doute par ailleurs un moyen privilégié pour transformer une bureaucratie inefficace en une organisation moderne et flexible.

Améliorer les performances numériques de la fonction publique française

Au niveau européen, les services publics français se situent au 13ème rang[[DESI, Commission Européenne.]] sur 28 en termes de performances numériques, ce qui n’est pas catastrophique, mais néanmoins notable pour un pays dont le poids de l’État dépasse les 57% et qui doit baisser ses charges pour être compétitif. On peut donc penser qu’il y a là un troisième levier pour réduire les charges de personnel de l’État et augmenter sa productivité. En France nous pourrions notamment nous inspirer de l’Estonie, à la pointe du numérique en Europe grâce à l’impulsion de son président, et qui connait une importante dématérialisation de ses services administratifs. Ainsi, par exemple, 95% des Estoniens paient leur impôt en ligne, et 18 minutes sont suffisantes pour créer et enregistrer une société en ligne. Aujourd’hui, ce pays est ainsi parmi les premiers dans les classements mondiaux en termes de start-up par habitant…

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