La droite ayant désigné son champion, nous allons pouvoir comparer les programmes des candidats de manière un peu plus sereine et solide. Il ne faut tout de même pas s’exagérer leur importance tant le résultat constaté est en définitive la multiplication d’un programme par sa probabilité de mise en œuvre, laquelle est bien souvent plus déterminante que le programme lui-même.
Historiquement, il me paraît clair, et si comme on le dit, la France vote à droite, que cette dernière en 2017 avait choisi le candidat Fillon, précisément parce que sa crédibilité pour réaliser un programme plutôt plus difficile et dur que les autres, était perçue comme plus probable. (Comme quoi d’ailleurs les peuples sont prêts parfois à fournir des efforts et à se réformer au moins dans leurs intentions). Ce dernier éliminé pour des raisons exogènes, le président Macron a décroché la timbale car il a bénéficié, compte tenu de sa jeunesse et de son énergie, d’un présupposé de réalisateur qui de fait ne s’est pas réalisé, tant à cause de la double crise des gilets jaunes suivie de la COVID, que de ses flottements et hésitations à mener réellement des réformes à risque.
On revient donc à la case départ de la solution universelle de notre pays et de ses membres et corps constitués : IL NOUS FAUT PLUS DE MOYENS ! Sur la répétition à satiété du plus de moyens, je pense que je n’aurai pas beaucoup de mal à convaincre. Pêle-mêle il faut plus de moyens à l’école, à la police, à la justice, à l’hôpital, à l’Etat, à l’aide sociale, au logement, aux fonctionnaires… c’est également un discours récurrent non seulement des intéressés mais aussi de leurs syndicats, de leurs usagers, plus curieusement parfois même de leurs patrons. Les salariés eux-mêmes souhaitent plus de salaire, c’est-à-dire, traduit en bon français : plus de moyens.
Or il se trouve, que « le plus de moyens » est tout, sauf la solution. Réfléchissons, pour un même objectif, plus de moyens entraîne plus de charges, qui entraîne plus d’impôts qui entraîne moins de niveau de vie disponible pour les contribuables, ainsi que moins de compétitivité pour les entreprises, éventuellement de l’inflation, une détérioration des comptes de la nation et de la balance commerciale, enfin une asphyxie des entreprises, et des fermetures, et la montée du chômage !
On a l’impression, rétrospectivement, que tous, et en particulier la fonction publique, ignorent complètement ce que c’est que la PRODUCTIVITE. C’est pourtant la base de tout enrichissement d’une société ou plutôt de ses membres. Une société s’enrichit essentiellement grâce à la productivité, et accessoirement l’innovation. Intéressons-nous d’abord à la productivité.
La productivité, c’est obtenir le même résultat avec MOINS de moyens, ou au choix, obtenir avec les mêmes moyens PLUS de résultats. Ce qui, divisé par les individus ayant participé, donne une augmentation des gains pour chaque personne. Si pour soigner 100 personnes il me faut 30 soignants et que pour soigner 150 personnes il m’en faut 45, je n’ai fait aucune productivité et le salaire du médecin ou de l’infirmière ne s’améliorera pas ! C’est une augmentation proportionnelle des moyens. Il y aura productivité si j’arrive à soigner 150 personnes avec 35 ou 40 soignants par exemple. Je suis dubitatif sur la nécessité de donner ces explications complètement élémentaires, mais il semble que ce concept n’a pas pénétré des pans entiers de notre société. S’y ajoutent des dérives du genre que la productivité va être faite en demandant plus d’efforts à chacun, ou plus de temps de travail : non. La productivité consiste à trouver des solutions plus simples, plus efficaces qui demanderont tout simplement moins de travail pour un même résultat. Cela pourra passer par des organisations, par des investissements, par des astuces ou innovations diverses mais ce n’est que comme cela que notre enrichissement individuel s’est construit au fil du temps.
Cette notion est contestée par certains patrons car elle demande évidemment des remises en cause, des efforts, et de l’imagination ; elle est honnie en général par les syndicats qui y voient systématiquement une manière détournée de « faire suer le burnous » en augmentant la quantité de travail à fournir ; elle semble purement et simplement ignorée par la fonction publique chez qui la terreur du changement, le désir d’augmenter le périmètre de « l’intérêt général », voire d’agrandir son territoire pour paraître plus importante, éclipse largement la notion d’efficacité. Elle se protège généralement en complexifiant les procédures pour compenser les productivités potentielles. Un très bel exemple est celui de la retenue à la source de l’IRPP, lequel a permis de faire de la productivité en automatisant et informatisant l’IRPP, et de la consommer immédiatement en complexité en faisant calculer aux assujettis leur impôt quatre fois par an au lieu d’une, et en augmentant les renseignements demandés ! Si vous louez un appartement maintenant, l’administration qui vous demandait autrefois le montant du loyer perçu, pertinent, veut maintenant également connaître l’identité du locataire, s’il a changé, etc. Qui va lire tout cela à part un éventuel ordinateur anonyme ?
La répartition des gains de productivité peut avoir en général trois destinations :
• Les clients puis les consommateurs sous la forme d’une baisse du prix des produits ;
• Les salariés sous la forme d’une hausse de salaire ou d’une baisse du temps de travail ;
• L’entreprise sous la forme d’une augmentation de ses profits.
Nous pourrions parler longuement de la répartition mais c’est un autre sujet et d’ailleurs, le résultat est le plus souvent réparti.
Il faudrait donc un jour que tout un chacun comprenne que demander plus de moyens sans augmenter la production cela consiste à demander de s’appauvrir ! Je suppose que mes concitoyens n’ont pas compris ce mécanisme car sinon ils ne seraient pas en train de demander sans arrêt plus de moyens pour le même résultat. S’il n’y a pas d’amélioration de la productivité, la question de la répartition ne se posera même pas. Il n’y aura que des pertes à partager. (On peut toujours demander aux autres de les combler mais cela a toujours une fin).
Deux remarques encore avant de quitter ce concept :
la compétitivité d’un pays, comparé à des pays similaires (i.e. ayant en gros les mêmes coûts unitaires) se résume souvent à son niveau de productivité.
L’amélioration globale de la productivité d’un pays comme la France est comprise globalement entre 1 et 2 % par an, ce qui est beaucoup moins que pendant les 30 glorieuses. C’est notre niveau moyen d’enrichissement annuel (insuffisant, non ?)
La productivité : comment ?
Les principaux paramètres qui peuvent influer significativement sur la productivité sont au moins au nombre de trois :
• Une combinaison plus efficace de la main-d’œuvre et des moyens de production existants qui permet à production constante une diminution des intrants : main-d’œuvre et/ou matière, voire consommations diverses comme l’énergie par exemple. Cela relève essentiellement de l’organisation ;
• Des investissements en matériel plus efficace, qui permet des économies de personnel et/ou d’intrants, mais il va falloir supporter le coût ou l’amortissement de cette dépense non directement productive ;
• Souvent des effets d’échelle : une ligne qui produit 100 000 unités par heure est en général plus productive que deux lignes de 50 000, mais ce n’est pas toujours vrai.
La productivité quand ?
• Une bonne manière de détecter des productivités potentielles est la comparaison entre des entités similaires. Si pour la même production j’emploie le double de personnes que mon concurrent, il y a probablement une source d’amélioration potentielle. On peut comparer au choix, 2 Hypermarchés, un hôpital et une clinique privée, la justice dans divers pays… ;
• Lorsque l’on observe dans une organisation des doublons ou des dysfonctionnements ;
• L’expérience prouve d’ailleurs, en pratique, que moyennant un délai raisonnable entre deux interventions, de l’ordre de 1 ou 2 ans par exemple, il y a toujours des possibilités d’amélioration de la productivité des systèmes soumis à une étude sérieuse[[Seuls les industriels en fait sont confrontés normalement en permanence à cette question qui est une composante fondamentale de la compétitivité.]].
Si je vous parle de ce problème c’est parce que des élections approchent, que tout un chacun se « place » pour le futur et commence par demander « plus de moyens », ce qui, j’espère vous l’avoir démontré, ne peut qu’entraîner un appauvrissement général.
Si les Français veulent s’enrichir et accessoirement redresser leur classement dans une série de domaines comme l’enseignement, la santé, mais aussi l’automobile ou la production d’énergies renouvelables, ils doivent s’attaquer sérieusement à leur productivité.
Pour y arriver, il faut identifier les chantiers (nous y reviendrons).
Privilégier les chantiers de réorganisation, car ce sont ceux qui, pas soignés, coûtent en général le plus cher. (Les chantiers nécessitant des investissements, avec ou sans effet d’échelle, seront plus difficiles à mener dans un contexte d’argent rare et de déficit).
il faut ensuite que chacun, responsable, employé, syndicat, opinion publique, soit persuadé que réaliser la productivité dans ce domaine est une absolue nécessité, de préférence une condition de survie. Le programme devient alors une ardente obligation.
il faut confier ensuite l’étude de la réorganisation à ceux qui la font fonctionner ! Formés, encadrés, aidés, détachés pour un temps à cette recherche d’amélioration, mais responsables en définitive de l’identification et de la mise en place de nouvelles solutions qui, si elles ne sont pas issues d’eux-mêmes ne seront jamais mises en place.
Un benchmark rapide entre des activités ou des pays voisins permet d’identifier rapidement des gisements géants de progrès potentiels :
• Dans le domaine de la santé, en France, 35 % des dépenses sont consacrées à l’administration alors qu’un pays comme l’Allemagne se limite à 25 % ! C’est énorme ! Accessoirement, une clinique privée « coûte » aujourd’hui 30 % moins cher à la sécurité sociale que le public. La recherche n’explique pas tout ;
• Dans le domaine de l’éducation, le ministère de l’éducation nationale compte 1 200 000 personnes « en poste » salariées, alors que le nombre d’enseignants devant les élèves ne sont que 870 000 ! On se demande sérieusement ce que peuvent bien faire les 320 000 autres ? Comme dans la santé, l’éducation privée coûte moins cher à l’État que le public et les consommateurs se battent pour y rentrer ;
• La France compte près de 5,6 millions de fonctionnaires pour 65 millions d’habitants alors qu’en Allemagne on n’en compte que 4,9 pour 82 millions habitants. Cherchons l’erreur ?
• La justice met dix ans à juger une affaire un tant soit peu compliquée et chacun d’entre nous est devenu incapable de citer les différents juges qui gravitent autour de la même affaire (juges d’instruction, du siège, du parquet, d’application des peines, etc.)
• L’armée n’a pas réussi à informatiser sa paie (projet Louvois abandonné) ;
• Notre code du travail est dix fois plus épais que celui de la Suisse… ;
• Les fraudes fiscales et sociales atteignent des sommets astronomiques (voir Prats) et incompréhensibles : des retraités en série de 120 ans ! ;
• Les retraites, faute de réformes, sont en quasi-faillites.
• Le privé[[Le privé est loin d’être indemne du problème de productivité mais comme il y a une sanction au bout, cela se termine plus vite.]]
Par où commençons-nous ?
Un bon moyen de trier dans les idées et de calculer l’espérance mathématique de gain = (gain potentiel x probabilité de le réaliser).
Seconde partie : PLUS DE MOYENS, pour un Etat plus efficace
2 commentaires
Productivité globale des facteurs de production
La productivité fait effectivement partie du quotidien des entreprises privées, car elle conditionne les résultats mais aussi et surtout ce qui permet de le générer, c’est à dire le bien-être des salariés (possibilité d’embaucher et / ou d’augmenter les rémunérations), les relations avec les fournisseurs (quantité, qualité et prix des produits et services achetés, y compris les nouvelles exigences en matière de développement durable), la capacité d’investissement et d’innovation, et finalement la pérennité de l’entreprise elle-même.
Le problème des services publics est qu’il est compliqué d’en calculer la productivité, puisque la « production » (le numérateur de la productivité) n’étant pas marchande elle est évaluée dans le calcul du PIB non pas par la valeur ajoutée comme pour le secteur marchand, mais à partir des dépenses (c’est à dire le diviseur). Plus on augmente les dépenses, plus on augmente l’évaluation de la production. Plus de moyens = mathématiquement plus de production !
Plus de moyens ou de productivité ?
Excellente analyse très fouillée et très argumentée, que chacun ressent chaque jour dans son quotidien lorsque, face à un fonctionnement qui pourrait être largement amélioré de façon simple, vous constatez que toute évolution est impossible car il y a de multiples décideurs impliqués et qui ne s’entendent pas entre eux, une réglementation intangible, un désintérêt total des politiques, des personnels opposés, etc…
En fait la « vraie » difficulté provient des multiples blocages de notre organisation. Il faudrait une autre étude qui s’attaque à ces blocages, qui les analyse et essaie de dégager des suggestions pour décoincer le système.
Ce serait très intéressant. Je serais ravi d’y contribuer…