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Les murs infranchissables de la forteresse bureaucratique

par Bernard Zimmern
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L’une des illustrations les plus claires du caractère infranchissable des murs de la forteresse bureaucratique nous est apparue lors de la constitution du cabinet Raffarin après les élections régionales de mars 2004.
Le ministre chargé des PME change, Renaud Dutreil est promu ministre de la Fonction publique, mais laisse derrière lui, au secrétariat d’État aux PME, R., celui qui nous avait barrés pour la commission des investisseurs providentiels.

Ce dernier y est devenu indispensable. Rendez-vous avec le secrétaire d’État sur le sujet de la création d’entreprise ? R. y participe comme expert. Rendez-vous avec un groupe de parlementaires sur ce sujet ? C’est lui qui prépare les réponses. Un parlementaire veut-il discuter avec Bercy sur ce sujet ? R. est convoqué à la réunion.

Voici un jeune, n’ayant aucune expérience de l’entreprise, qui ne l’a connue qu’à travers ses cours et les livres, qui n’en a jamais créé une et qui s’est taillé un petit empire à l’intérieur de l’administration. Peut-être à cause de son aplomb, peut-être parce que les autres en connaissent encore moins que lui, peut-être parce qu’il s’est fait la réputation d’être le spécialiste et que personne ne conteste cette réputation, c’est lui qui est devenu l’expert de la création d’entreprises au sein du ministère des Finances et de la constellation, ministère de l’Industrie, secrétariat des PME qui gravite autour. Le voilà qui, de fait, mène la politique de la France sur un sujet crucial qu’il ne connaît pas.

Il y a quelques années, l’iFRAP réalise une étude sur la C.C.C.E. devenu le C.F.D., puis l’A.F.D.. Un camarade, à l’époque membre du Commissariat au Plan, invite l’iFRAP à participer aux discussions concernant l’avenir de l’Afrique francophone, et nous envoyons un de nos collègues. Il est accueilli à l’arrivée par une douzaine de fonctionnaires et de professeurs qui lui ont tous demandé, les uns après les autres, à quelle administration appartenait l’iFRAP. L’idée qu’un organisme qui ne soit pas public, puisse participer à l’élaboration du plan, ne leur était tout simplement pas venue à l’esprit.

Cette attitude se retrouve dans la plupart des commissions publiques, chargées d’élaborer des diagnostics et de formuler les politiques publiques. Le Conseil National des Impôts, sujet qui intéresse au premier chef le secteur privé, ne rassemble que des fonctionnaires ou des professeurs – qui sont aussi payés par l’Etat – ; le Conseil d’Analyse Economique chargé de conseiller le Premier ministre, ne comportait sous Jospin, que des fonctionnaires et professeurs.

Le résultat est une totale aberration, tant dans les diagnostics que dans les remèdes : et une absence quasi totale de critique de l’action administrative, ou du moins de critiques qui aillent au-delà de ce qui est bienséant entre personnes appartenant au même clan.

Le rapport du Conseil des Impôts de 2003 mettait aussi en accusation les niches fiscales, c’est à dire les centaines d’exceptions aux règles générales, ce qui complique certes le code, non sans se demander si ces exceptions ne permettraient pas de rendre le poids de la fiscalité, un des plus lourds, vivables pour ceux qui le supportent.

Le rapport reprenait aussi, sans se poser de questions, une des antiennes de la D.G.I., qui voudrait que les Français soient d’horribles fraudeurs ; à témoin les redressements fiscaux de l’ordre de 15 milliards d’euros… en oubliant de mentionner que près des 2/3 de ces redressements ne sont jamais perçus par le Trésor Public, parce que la plus grande partie en est annulée comme sans fondements. Ce sont des redressements faits pour permettre aux inspecteurs d’atteindre les quotas statistiques qui leur sont fixés en travaillant en général le moins possible, et donc n’importe comment. Lorsqu’après des années de procédures interminables, les questions arrivent devant les tribunaux pour être tranchées, la D.G.I. préfère annuler son redressement, pour éviter de se voir déjugée publiquement.

L’incapacité de l’administration à formuler des solutions réalistes se mesure aux échecs rencontrés par ses plus brillants représentants, les inspecteurs des finances, lorsqu’ils ont été promus à la tête de grandes entreprises privées. On a pu parler de promotion Titanic (de l’E.N.A.) en parlant de Jean-Marie Messier, Jean-Yves Haberer, Michel Bon.

Heureusement, il y a des sanctions : Michel Bon, qui a fait perdre 60 milliards d’euros à France Télécom a reçu une amende de 10.000 euros de la Cour de Discipline Budgétaire, qui jouxte la Cour des comptes d’où sortent tant de nos notables, depuis Jacques Chirac jusqu’à François Hollande.

 

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