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Le Canada en pointe sur les Business Angels

par Dominique Mercier
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Paru en avril 2012, un rapport universitaire canadien sur les incitatifs fiscaux dédiés aux Business Angels constitue un cas quasi unique d’analyse de ce type, en tout cas en français. Les deux auteurs y reconnaissent un grand nombre de vérités fondamentales.

Les Business Angels comme unique solution pour faire émerger les entreprises à potentiel

Le rapport [[Incitatifs fiscaux dédiés aux anges investisseurs, Cécile Carpentier et Jean-Marc Suret, avril 2012, publié par le Centre Interuniversitaire de recherche en analyse des organisations.]] reconnaît premièrement que les business angels sont indispensables pour financer le démarrage des entreprises. Il constate, fort justement, que le capital risque ne se positionne que très marginalement sur des financements de démarrage, malgré les avantages fiscaux qui leur ont été accordés.

Les auteurs constatent également que les crédits d’impôt sur les sociétés ou le revenu pour les entreprises qui engagent des dépenses de R&D n’ont eu que peu d’effets sur l’innovation au Canada. Ils reconnaissent ainsi que la solution au problème d’innovation se trouve non pas dans des dispositifs de ce type mais bien davantage dans un meilleur financement des starts up. Ils rappellent que c’est une petite minorité d’entreprises, les gazelles, c’est-à-dire les jeunes entreprises à forte croissance [[Entreprises de moins de 5 ans, dont l’emploi croît de 20% au minimum pendant 3 années consécutives (soit plus de 72% de croissance en trois ans).]], qui créent l’essentiel de l’emploi, et que « l’identification de ces entreprises est difficile a priori ».

Ils concluent donc que l’objectif de tout dispositif fiscal pour les business angels doit être de les encourager à investir dans les gazelles. Il est d’ailleurs frappant que des dispositifs du type banques publiques, comme la BPI française (fusion entre Oséo, CDC Entreprises et le FSI) ne soient pas mentionnés dans l’étude. Cela s’explique : si les sociétés de capital risque échouent à être rentables sur les financements de démarrage, comment des banques publiques pourraient-elles l’être ?

Une définition pertinente des business angels

Les auteurs distinguent bien les business angels des autres investisseurs individuels. Le Business Angel n’a pas au préalable de relation familiale ou amicale avec le chef d’entreprise, il investit car il croit que l’entreprise a du potentiel et se distingue donc des « investisseurs d’affection » dont les motivations peuvent être très différentes. Outre ce critère, il ne suffit pas d’investir dans une entreprise pour pouvoir être qualifié de business angels : il faut aussi lui apporter son expertise et son réseau.

Les auteurs soulignent que seuls des investisseurs ayant un passé de chef d’entreprise ou dans les affaires sont capables de repérer et d’aider à la croissance des entreprises à potentiel. En réalité, il ne suffit donc pas d’être un individu indépendant ayant de l’argent et du temps à consacrer, il faut aussi avoir développé des compétences précises. A fortiori, il est évident qu’un fonctionnaire ne peut pas être un Business Angel : il n’a pas développé de telles compétences, il ne serait capable ni de repérer une pépite dans le magma des start-up ni de lui apporter aucun réseau ou expertise pertinente pour la faire décoller.

Dernier critère distinctif, le Business Angel agit seul. Le rapport rappelle que très peu d’entre eux sont constitués en réseau : entre 10.000 et 15.000 sur un total de 235.000 à un million aux USA. Cela corrobore l’idée évoquée plus haut selon laquelle le financement de pépites est par nature une activité individuelle.

Les objectifs innovants de l’étude

L’étude cherche ensuite à évaluer et comparer les dispositifs fiscaux existants pour les Business Angels, faisant un tour d’horizon international avant de formuler des recommandations. Le rapport rappelle à juste titre que quel que soit le cas de figure, les dispositifs fiscaux doivent être ciblés sur les entreprise dont le financement comporte un risque, à savoir les entreprises au démarrage, et à l’exclusion de certains secteurs dont la rentabilité est assurée. Ils soulignent que le poids administratif des programmes doit être limité au minimum parce que le cycle de vie des produits et donc des opportunités d’affaires est très court. Ils préconisent par ailleurs une évaluation périodique des programmes : une des difficultés de l’analyse provient en effet de l’absence d’évaluation a posteriori de la plupart des dispositifs mis en œuvre dans les différents pays.

La continuation d’un travail de longue haleine

Cette étude est à mettre en rapport avec d’autres études canadiennes remarquables sur le sujet. A la différence de la France, le Canada a compris depuis longtemps la nécessité de suivre le financement des PME. L’Enquête sur le financement des petites et moyennes entreprises, enquête triennale de Statistique Canada lancée en 2001, mesure la demande et les sources de financement des PME canadiennes, y compris des données sur les demandes, les profils d’entreprises et les caractéristiques démographiques des propriétaires.

Cette étude permet notamment d’estimer l’investissement individuel au Canada [[ Cf. rapport complémentaire Estimation de l’investissement individuel au Canada, Allan Riding, mars 2005.]]. Par investissement individuel, les auteurs entendent les investissements faits dans des entreprises, mis à part les actions cotées en bourse, les fonds mutuels et les actions. Malgré certaines réserves dues à la difficulté d’obtenir des données, le total de l’investissement individuel représenterait au Canada (pays de 35 millions d’habitants) de l’ordre de 11 milliards de dollars canadiens. Sur ce total, plus du tiers serait fait par les business angels. Ces montants correspondent à ceux des États-Unis (en proportion de la population de 316 millions d’habitants), qui est de l’ordre de 100 milliards pour l’investissement individuel et de l’ordre de 25 milliards pour l’investissement par les Business Angels. Le montant d’investissement moyen par Business Angel est le même au Canada et aux USA, de l’ordre de 140.000 dollars, à un niveau semblable également à l’investissement moyen britannique via l’EIS [[EIS : Enterprise Investment Scheme : déduction d’impôt de 30% sur un investissement allant jusqu’à 1 million de livres pour un individu dans une ou des entreprises répondant aux conditions fixées (notamment condition de taille : moins de 50 salariés, et de secteur).]] (70.000 livres).

A l’instar des deux principaux pays anglo-saxon, le marché de l’investissement individuel au Canada a donc un volume notable, et la recherche canadienne s’y intéresse de près afin de le rendre encore plus performant. Nous réservons pour un prochain article l’analyse comparée des différents dispositifs fiscaux présentés dans ces rapports.

 

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