La grande illusion

par Yves Buchsenschutz
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Nous assistons depuis la rentrée à un fantastique cafouillage politico économique qui ne peut que donner un énorme mal de tête aux français. A l’image traditionnelle de politiques essayant au moins – à défaut d’y arriver – de gouverner intelligemment le pays, s’est manifestement substitué ces jours-ci  une préoccupation unique : les élections des années prochaines et, en particulier, la future présidentielle : la liste des candidats s’allonge !

De même, chez les politiques, on peut distinguer deux attitudes : soit essayer d’arrêter l’hémorragie en proposant des solutions, soit conforter les Français dans leurs choix instinctifs : ne rien faire, ne toucher à rien d’important, en particulier les retraites et le temps de travail, faire payer les autres, faire payer les entreprises et les riches, conforter l’État et la fonction publique.

Ils et nous sommes coincés entre :

L’évaluation raisonnable de la situation – tragique ou normale ? À traiter d’urgence ou à repousser ? Cela fait déjà longtemps que la France cache la poussière sous le tapis !

DEPENSES PUBLIQUES (en Mds d’€)

ANNEEPIBRETRAITESSANTEAutres SOCTOT SOCIALETAT hors DtSce DETTETOTAL ETATCOLL LOCALEAutres
/UE
TOT GENERALEVOLUTIONDEP.PUB
/PIB
202023404503101108703103834830030154866%
2021246046032510589032036356305301581102%64%
20222640470290958553054234731030154298%58%
202326854753059087031049359315301574102%59%
202427804803109088031552367320301597101%57%
202529004953259591533060390330301665104%57%
DELTA 4515-1545202242300117
2025/2020124%110%105%86%105%106%158%112%110%100%108%

Nous sommes au total à un niveau de dépenses publiques de 57 % du PIB (chiffre qui peut varier un peu en fonction des périmètres considérés) : Record mondial !

  • ce pourcentage revient de loin en particulier à cause de la crise historique de la COVID. Il s’est amélioré mais reste extrêmement lourd ;
  • le social est le poids-lourd des dépenses et à l’intérieur de celui-ci les retraites, ce qui plaide de manière évidente pour un aménagement du système actuel, quel qu’il soit ;
  • le service de la dette est hors de contrôle et entraîne la dérive globale du poids de l’État ;
  • le social, via les retraites, l’État via la dette, mais aussi  les collectivités locales, DÉRAPENT…

Les solutions possibles : augmentation des prélèvements divers, en fait des impôts donc des recettes ou des économies drastiques et austérité,  mais alors quoi et qui ?

Il semble que nous soyons face à un concours de tir à la corde :

  • d’un côté les « riches et les entreprises », lesquels expliquent qu’ils subissent déjà les prélèvements les plus élevés au moins d’Europe, tant en IRPP, qu’en taxation de la fortune ;
  • de l’autre les « pauvres et les consommateurs » qui ont l’impression de voir baisser leur niveau de vie au moins relatif1. Dans les années récentes, le taux d’enrichissement des « riches » a été supérieur à celui de la moyenne de la population car il est loin d’y être strictement connecté.

Il est en fait beaucoup plus international que celui des « pauvres » et le monde a mieux performé que la France. Mais le taux d’enrichissement « disponible » des « pauvres » est loin de s’être dégradé, que ce soit en relatif (taux de pauvreté) ou en valeur absolue de niveau de vie . A noter que l’indice de GINI français varie peu, contrairement aux États-Unis par exemple, ou l’écart entre riches et pauvres a manifestement réaugmenté ces dernières années.

Tableau d’évolution du Gini du niveau de vie

Ce qui est vrai :

Chacun d’entre nous est sensible à son niveau de vie en niveau mais aussi à son évolution. Le niveau des Français était assez bon dans les années 90, il est, depuis plusieurs années, devenu progressivement mauvais par rapport aux pays comparables (<> OCDE), faute de croissance et d’améliorations. Notre pays a atténué cette défaillance par l’extension déraisonnable de l’État Nounou, à qui il a été demandé tout et n’importe quoi, tant en termes de temps de travail, que de système de retraite ou  de prise en charge incohérente de dépenses individuelles progressivement collectivisées (préservatifs, ressemelage des chaussures, subventions des achats de voitures ou de machines à laver, vélos, logements, primes d’énergie, de Noël, médiathèques  etc…. un vrai inventaire à la Prévert).

Dans le système mondial, on observe une baisse significative du taux de pauvreté, mais tous les pays n’évoluent pas de la même manière. Par contre la concurrence impose plus ou moins rapidement un certain alignement de règles du jeu. Il est visible que l’Europe a voulu être en avance sur le monde en termes de normes, de législation, de sécurité, d’écologie etc… et que la France a voulu, en plus, être en avance sur l’Europe ! Le résultat : 2la baisse de sa compétitivité générale, qui se traduit immédiatement dans la balance commerciale d’une part et dans l’écrasement des classes moyennes. Celles-ci se trouvent en compétition frontale avec des pays émergents, moins disant, en particulier sur les salaires mais dont les entreprises supportent des normes et des charges beaucoup plus faibles.

Il est à noter que ce phénomène est également très observable aux États-Unis et est probablement à l’origine de la politique délibérée de protectionnisme du président TRUMP.

Le problème est que les droits de douane en renchérissant « artificiellement » le prix des produits importés, pour protéger les produits locaux, entraîne en général une augmentation des prix pour les consommateurs, c’est-à dire de l’inflation. Il semblerait que les Américains commencent à s’en apercevoir !

Et l’on en vient au paradoxe général de cette situation :

Nous devons réaligner notre niveau de vie sur un fonctionnement à l’équilibre entre recettes et dépenses budgétaires et de plus rembourser la dette passée car la charge d’intérêt devient intolérable.

Dans ce but nous devons maintenir notre fiscalité et notre système social dans une zone similaire à celle de nos pays concurrents : sinon notre compétitivité sera contestée et les entreprises, puis les entrepreneurs finiront par s’en aller ou délocaliser, et l’emploi et le chômage prendront le relais.

Il faut bien comprendre que le système est irrémédiablement corrélé : taxer les entreprises revient quelque part à taxer les riches mais aussi à moyen terme les investisseurs (les dividendes), les salariés (les augmentations) et la création d’emplois…

La première réaction par ailleurs sera d’augmenter les tarifs chaque fois que cela sera possible, ce qui fera payer en définitive… le consommateur ! Diminuer l’absentéisme ou le chômage contraindra les travailleurs et augmentera leur temps de travail effectif…

À ce propos l’exemple des GAFA est particulièrement intéressant à analyser : comment arriver à les taxer réellement alors que nous sommes incapables de les remplacer ? La société Internet, s’il en existait une, pourrait demain instaurer un tarif pour une prestation quasi gratuite à ce jour et transférer la charge réelle au… consommateur… Chaque agent cherchera en permanence à se défausser sur un autre.

À date, nous ne pouvons sortir de la souricière dans laquelle nous nous sommes égarés que de cinq manières :

le report sur le consommateur par l’augmentation des prix et la diminution des gratuités de l’État. (de facto une altération du niveau de vie) ;

le report sur le salarié-producteur et son temps de travail par l’allongement du temps de travail (conséquence qualité de vie) ;

le report sur les actionnaires et les salariés par leur rémunération : niveaux des dividendes, salaires et impôts (conséquence fuite des cerveaux ou report sur le consommateur) ;

le report sur les retraités : âge, montant et durée de cotisation (qualité de vie mais ils vivent déjà plus longtemps et mieux !) ;

le report sur une diminution des indemnités sociales diverses :  chômage, maladie, handicap….qualité de vie ;

Enfin le report sur la diminution de la R&D, de la recherche d’innovation et l’investissement mais ce dernier chapitre (en général le premier retenu) consiste à sacrifier l’avenir comme la natalité d’ailleurs.

NOTRE PAYS A BESOIN D’UNE CURE DE DÉSINTOXICATION COMPLÈTE

Une piste serait de commencer par arrêter toutes les nouvelles dépenses non absolument nécessaires :

▶︎ ie les nouvelles gratuités de l’État comme par exemple ajouter 1mois de congé parental pour 1 naissance dans un pays qui ne travaille déjà pas assez est criminel ;

▶︎ Ie le nouveau rond-point ou la verdification des villes …qui ne seront jamais à la campagne peuvent attendre ;

▶︎ Ie les embauches de fonctionnaires en jouant sur la mobilité et les départs à la retraite ;

▶︎ Revenir en arrière sur la collectivisation de la consommation : connaissez-vous quelqu’un qui n’a pas la TV ou un téléphone portable ? Il paraît que l’abonnement à un club sportif fait partie des dépenses « vitales » ! Que chacun assume ses choix !

▶︎ Simuler l’effet final des mesures envisagées : qui va payer en définitive la charge ? (voir exemple GAFA) ;

Partager la charge :

Prendre le virage de l’austérité fermement mais progressivement : 1% de décalage de revalorisation des retraites par an est jouable, 10 % en 1 fois désorganiserait le système.

Susciter et soutenir des entrepreneurs innovants : ce sont l’avenir et la croissance du PIB, source de l’enrichissement de tous.

Jouer la carte du PRODUCTEUR (entreprise + salariés) plutôt que celle du CONSOMMATEUR car c’est l’avenir pour chercher une sortie par la croissance du PIB et de l’emploi (passer de 25 millions de productifs pour 45 millions d’inactifs à 30-40 puis 35-35).


  1. Les « riches » sont – en moyenne – plus performant et prennent plus de risques donc évoluent plus vite ! ↩︎
  2. c’est un problème général à tous les pays dits développés car le coût de leur main-d’œuvre est plus élevé que dans les pays émergents qui inondent donc les marchés de ces derniers de produits à bas coût. ↩︎

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4 commentaires

moulin novembre 29, 2025 - 12:37 pm

Que ferait un dirigeant expérimenté pour diminuer les dépenses de consommation et d’importation et augmenter la production, alors que les actifs productifs sont déjà écrasés par les prélèvements à destination des inactifs ? Où pourrait il trouver des marges de manœuvre pour stimuler les actifs et rendre productifs les inactifs en âge de travailler ?

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Yves Montenay novembre 29, 2025 - 3:30 pm

Attention ! L’adresse de mon site Web était erronée, j’ai rectifié en copiant collant celle indiquée par Google.
Yves Montenay
Quant à l’article, il me paraît fondé sur le plan comptable et financier, mais ignorer les phénomènes de fonds qui produisent les sommes dont on parle. Par exemple, et peut-être en premier, la détérioration de la qualité de l’enseignement. Je regrette de ne pas voir davantage de débat sur ce sujet chez nos députés. Il y a bien sûr aussi de démographie, d’où ma surprise de voir « mégoter » sur le congé de paternité ou de maternité.

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Philippe Odouard novembre 30, 2025 - 1:29 am

Cher Monsieur
Votre analyse est tres interessante, mais vous oubliez de faire payer les profiteurs du systeme.
– Chomage: Une loi a ete passee par le parlement et abandonnee par Attal. Moins d’indemnites de chomage incite les chomeurs a prendre un travail
– Journees de carence augmentes pour tous, fonctionnaires et agents du prive. Ce sont des vacances au frais du contribuables. Interdiction de compensation pour ces jours manques par les entreprises. Prevoir un minimum de jour d’absence par an payes limites a 5-6 jours.
– Limiter les indemnites de tout type aux gens qui y ont cotises. Retraite, chomage, AME, Securite sociale….
– Limiter l’immigration en nombre et ne donner de visa que pour les competences en manque dans le pays. Beaucoup de pays en Europe le font deja.
Au total, economies substantielles et pas de reductions pour ceux qui travaillent ou ont contribue.

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Yves Montenay novembre 30, 2025 - 8:42 pm

Tout à fait d’accord, à part une nuance sur le congé parental, car les coups de rabot de la politique familiale par les gouvernements de gauche sous prétexte d’égalitarisme ont contribué à la baisse de la fécondité, qui est notre problème principal. Et qui va s’aggraver, comme à l’étranger.

Je vois venir le moment où les plus opposés à l’immigration demanderont une exception pour les aides-soignants, puis pour lever tel ou tel blocage signalé par les entreprises. C’est déjà le cas d’une grande partie de l’Europe où on se fait élire sur la promesse de limiter l’immigration, mais où on multiplie les dérogations, car elles sont mieux comprises par l’opinion.

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