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La fraude sociale, importante et insupportable pour les Français, doit être combattue

par Bertrand Nouel
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Bruno Le Maire a récemment déclaré qu’il fallait lutter contre la fraude sociale aux allocations commise par les étrangers : «Nos compatriotes, légitimement, en ont ras-le-bol de la fraude. Ils en ont ras-le-bol de voir des personnes qui peuvent toucher des aides payées par le contribuable les renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu’ils n’y ont pas droit. Ce n’est pas fait pour ça, le modèle social ! »

Il a ainsi été soutenu par Gérald Darmanin : « On les connaît tous, ces abus, des gens qui restent 6 mois sur le territoire national et qui vont ailleurs toucher des prestations sociales. » Et la gauche de s’indigner lourdement en accusant ces déclarations de racisme, et en reprochant à leurs auteurs de s’attacher en priorité à ce type de fraude, en feignant d’oublier que son montant est extrêmement faible au regard de la fraude aux cotisations et aux impôts.
Laissons de côté l’accusation ridicule de racisme, selon laquelle certaines vérités doivent rester cachées et ne légitimeraient pas d’actions correctives, pour d’abord contester que la fraude aux prestations serait financièrement négligeable, et ensuite faire valoir que fraude aux prestations et fraude fiscale ne sont pas à mettre dans le même tiroir.

Fraude aux prestations ou allocations sociales, de quoi s’agit-il ?

Les fraudes financières correspondent à plusieurs catégories. La summa divisio pourrait être la distinction entre fraudes aux prestations et fraude aux cotisations ou impôts, car dans les fraudes fiscales comme dans les fraudes sociales ces deux types existent : par exemple, en matière de fraude fiscale, la fameuse et détestable fraude « carrousel » consistant à obtenir le remboursement de montants de TVA jamais payés.
Ici, nous nous intéressons uniquement à la fraude sociale aux prestations, sans contester qu’elle coexiste avec la fraude aux cotisations sociales, ainsi qu’avec toutes les fraudes fiscales, et que celles-ci sont d’un montant bien plus important que celle-là. Il n’empêche que la fraude aux prestations est très loin d’être négligeable. L’opposition des gauches évoque un chiffre de 1 milliard d’euros, mais en commettant la confusion (volontaire) entre fraude détectée et fraude réelle (1,2 milliard de fraude détectée). Or, comme on va le voir, la fraude totale est considérablement plus élevée que la fraude détectée, la Cnaf évaluant cette dernière à seulement 15% de la fraude totale.
En septembre 2020 puis en octobre 2021, Charles Prats, un ex-magistrat chargé de la coordination au niveau national de la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, a publié sous le titre Le Cartel des fraudes deux livres très documentés sur les deux types de fraude. L’auteur se fonde notamment sur des travaux parlementaires et des réponses de l’administration. Il estime l’ampleur de la fraude aux prestations sociales à jusqu’à 50 milliards d’euros au minimum, mais ce chiffre, en particulier extrapolé à partir du nombre de cartes vitales existantes, très supérieur à celui de la population française, est très contesté par le gouvernement, qui nie le caractère significatif de ce chiffre, qu’il ramène à 150.000 au lieu des plusieurs millions évoqués par le magistrat.
Quant à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, à laquelle ce dernier se réfère, elle se refuse en réalité à retenir aucune évaluation, tout en déplorant l’absence de travail de la Sécurité sociale sur le sujet. Il semble toutefois que le rapporteur, M. Brindeau, ait verbalement évoqué un chiffre compris entre 14 et 45 milliards, mais le vague de l’évaluation ainsi que le fait qu’elle ne figure pas dans le rapport est suffisamment éloquent. Un des problèmes provient notamment de ce que la différenciation entre erreurs et fraudes est extrêmement difficile à effectuer, ce qui cependant ne change rien à la nécessité d’agir, ce que les administrations n’ont pas fait – et ce qui justifie l’intervention récente du gouvernement.
Au même moment, en septembre 2020, la Cour des comptes, missionnée par le Sénat, remet son rapport sur la fraude aux prestations sociales. La Cour a fait porter son enquête sur 521 milliards de prestations sur un total de 787 milliards de prestations sociales. De même que la commission de l’AN, elle se refuse à chiffrer la fraude, dans la mesure où elle constate qu’aucun des organismes payeurs ne conduit de recherche sur le sujet et n’est donc en mesure de fournir des renseignements. Seule la Cnaf (branche famille de la Sécurité sociale) a effectué ces recherches, et est arrivé à la conclusion que pour l’année 2019 la fraude doit être estimée à 2,3 milliards, ce qui porterait alors la fraude à 3,2% des prestations versées. La Cour remarque un manque caractérisé de contrôles, lesquels sont très inférieurs en nombre aux obligations des différentes caisses, avec pour résultat un nombre aussi très faible de fraudes détectées par rapport au chiffre des fraudes commises. Aucune extrapolation à l’ensemble des 800 milliards de prestations versées ne peut cependant être faite.
Le seul travail concret sur lequel on puisse se fonder est en définitive celui de la Cnaf, qui retient le chiffre moyen de 3,2%, soit 2,3 milliards sur un total de prestations versées de 72 milliards, qui recoupe différents travaux qui retiennent le pourcentage de 3%. Le chiffre minimum et conservateur de 14 milliards, cité par le rapporteur de l’AN, peut alors être retenu, ce qui n’est nullement négligeable, ni en valeur absolue, ni par rapport à l’ensemble des fraudes sociales et fiscales dont la France est victime. La plus récente évaluation de la fraude fiscale réelle, comprenant l’évasion fiscale, se situe entre 60 et 80 milliards, tandis que la fraude fiscale détectée donne lieu pour 2022 à une mise en recouvrement par Bercy de 14.6 milliards (nous aurions donc un rapport d’environ 1 à 10 entre fraude sociale détectée et fraude fiscale détectée, et un rapport plus faible entre les fraudes totales évaluées des deux catégories).

La fraude sociale aux prestations n’a pas, compte tenu de son caractère particulièrement insupportable, à être comparé aux fraudes fiscales.

Économiquement, qu’il s’agisse de revenus ou de biens taxables non déclarés ou de fraudes aux prestations, le résultat financier est le même, excepté que dans le premier cas l’État est privé de ressources et dans le second il s’agit de dépenses indues. Moralement, ce n’est pas du tout perçu de la même façon. Tout citoyen cherche légitimement à payer le moins d’impôts possible, et il y est encouragé par tous les conseillers fiscaux, de même que par l’État lui-même, qui reconnaît la lourdeur de la fiscalité et l’obligation pour lui de ne pas l’alourdir encore. C’est Pierre Moscovici, actuel président de la Cour des comptes et ex-ministre des Finances sous la présidence du socialiste François Hollande, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière au sein de la commission Juncker, qui en 2013 se dit « très sensible au ras-le bol fiscal [ressenti] de la part [des] concitoyens », et qui réitère sa déclaration plusieurs fois, jusqu’en 2019 en affirmant que le « ras-le-bol fiscal doit être entendu ». C’est encore Bruno Le Maire qui affirme constamment refuser d’augmenter les impôts. C’est reconnaître la légitimité de l’optimisation fiscale, sans aller bien entendu jusqu’à justifier la fraude fiscale.
Tout autre chose est la fraude aux prestations qui consiste à se faire attribuer par l’État des aides auxquelles on n’a pas droit. Jamais on ne fera admettre à un Français qu’il faille mettre sur le même plan un contribuable qui accepte le sans-facture de la part d’un artisan venu réparer une fuite d’eau dans son appartement, et une personne établissant de faux documents pour se prétendre éligible à des aides sociales, ou demandant par exemple à se faire rembourser des frais imaginaires d’accouchements plusieurs fois par an. Les citoyens, et particulièrement ceux de la classe moyenne, ne manquent pas d’être exaspérés par cette situation, où ils voient qu’ils sont écrasés d’impôts, qu’on leur demande de se serrer la ceinture, et que leurs impôts servent à verser des aides frauduleuses alors que leurs propres ressources les excluent pour eux-mêmes, souvent de très peu, du bénéfice de ces aides.

Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale

Il n’entre pas dans l’objet de ce papier d’étudier ce rapport daté de septembre 2020, extrêmement fourni et long de plusieurs centaines de pages. Florilège :
– Le rapport étudie particulièrement la « fraude documentaire et à l’identité » qu’il considère comme la porte d’entrée essentielle de la fraude. Ce problème existe pour les titres d’identité français, mais surtout pour les titres provenant de personnes nées à l’étranger, en raison du manque de fiabilité des actes de l’état civil qu’ils produisent. Selon le ministère de l’Intérieur, « la fraude aux actes d’état civil étrangers est vraisemblablement le risque majeur dans ce domaine. Il se double du risque d’usurpation d’identité ou d’utilisation indue d’un titre, titre de séjour en particulier ». Le risque est particulièrement important en Afrique de l’Ouest, mais existe aussi en Afrique de l’Est et en Asie centrale.

– L’immatriculation pose d’importants problèmes, particulièrement pour les personnes nées à l’étranger, en raison du nombre jugé considérable d’actes de naissance faux.
Dans l’ensemble, « le rapporteur a acquis la conviction qu’il existe un chiffre noir de la fraude documentaire et à l’immatriculation qui emporte également pour conséquence une sous-évaluation de la fraude sociale en général ».

– Les réseaux criminels dont de plus en plus actifs : « Ces indices concordants, ainsi que certaines affaires évoquées plus haut, permettent donc de supposer que les enjeux financiers liés à la captation des ressources de la solidarité par des réseaux criminels sont considérables. »

– Le rapport note l’augmentation très forte de la fraude durant les dernières années, par exemple 27% en une seule année (2019) de fraudes à l’identité constatées aux frontières : « Le rapporteur note à la fois la progression extrêmement forte, en deux ans, de la fraude documentaire détectée par les préfectures et celle de la part des infractions détectées par les services de police et de gendarmerie comprenant une fraude à l’identité ; il note également qu’il ne s’agit là que de la partie visible, car détectée, de la réalité de cette fraude ».

– Les contrôles sont très insuffisants, et le rapport relève par exemple le refus de la Cnaf de chercher à évaluer la fraude. « Le rapporteur considère comme très préjudiciable l’absence de procédures de contrôle de l’usurpation de l’identité au sein des organismes sociaux ». À noter aussi que, créé en 2008 et présidé en principe par le Premier ministre, le Comité national de lutte contre la fraude (CNLF) ne se réunit plus depuis plusieurs années.

– En matière de prestations de retraite, le rapporteur a pu déclarer que « Cela choque nos concitoyens de savoir qu’il existe 400 000 retraités en Algérie [sur un total de 1.200.000 étrangers, NDLR] qui touchent 1,2 milliard d’euros de prestations chaque année, alors que nous savons pertinemment que nombre d’entre eux sont morts ». Voici ce qui a pu directement et légitimement inspirer la déclaration du chef de l’État, n’est-ce pas ?

L’opposition de gauche à contre-emploi

En fustigeant le ministre de l’Économie pour ses propos, l’opposition aboutit au résultat contraire à ses vœux, qui sont d’éviter une prétendue stigmatisation des Maghrébins. La réalité, c’est que le problème posé par les étrangers (et nécessairement par les Maghrébins qui représentent par exemple un tiers des bénéficiaires étrangers de retraites) est archi-connu, un secret de Polichinelle. Les Français voient bien que ce problème ne fait pas l’objet de mesures permettant d’y remédier, et qu’il s’agit d’un véritable tabou.
En prétendant qu’il s’agit d’un faux problème aux conséquences insignifiantes, ce qui est tout à fait inexact comme on vient de le voir, l’opposition ne fait qu’exacerber le mécontentement des Français, et bien évidemment leurs réactions xénophobes ou, pire, racistes. L’opposition a tout faux.
Oui, il faut sortir du tabou, oui il faut reconnaître la lâcheté des gouvernements successifs et de l’administration, oui il faut enfin agir.

 

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5 commentaires

Régis GLORIEUX mai 5, 2023 - 7:53 am

La fraude sociale, importante et insupportable pour les Français, doit être combattue
Si tous ces régimes « publiques » étaient gérés par des organisations privées selon un cahier des charges à respecter, par exemple des compagnies d’assurances ou des mutuelles qui, elles, feraient correctement leur travail car ce serait dans leur intérêt, la fraude serait probablement bien moindre , et en tout cas, ne serait pas à charge de l’Etat ni de la collectivité. Mais en France, tout ce qui est « privé » est suspecté d’ignominie (cf. les sociétés d’autoroutes, les entreprises de l’énergie et du luxe qui s’en mettent plein les poches et enrichissent indument leurs actionnaires, etc.)

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zelectron mai 5, 2023 - 1:46 pm

La fraude sociale doit être combattue
Je rejoint Régis GLORIEUX pour transférer au privé ces affaires en le faisant avec doigté, petit à petit, pour éviter tout blocage des syndicats et si d’ordinaire ils commençaient à jouer à ce jeu là, les GàV ne sont pas faites pour les chiens (complicité de vols en réunion et autres chefs d’accusation).

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zelectron mai 5, 2023 - 1:59 pm

La fraude sociale doit être éliminée
J’ajoute que les entreprises en charge de ces travaux seraient surveillées étroitement et si il s’avérait qu’il y ait faute, il y aurait donc rupture de contrat sans indemnités ni préavis (séquestre par une brigade financière détachée de Bercy)

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Laurent Guyot-Sionnest mai 5, 2023 - 3:05 pm

Les Directions Fonctionnaires sont responsables de ces gabegies
Les Directions Fonctionnaires sont responsables de ces gabegies.
Distribuer l’argent des autres c’est tellement agréable et ça fait bien grandir les services , alors contrôler, non, vous n’y pensez pas.
Juste après les « politiques » qui ne contrôlent pas les fonctionnaires et se font balader par les corps constitués pour leur propre service.

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zelectron mai 16, 2023 - 3:58 pm

Cette fraude sert pour une grande partie à nos ennemis
lorsqu’il s’agit de financer les groupes islamistes la fraude sociale est une aubaine inespérée, tout le monde sait ce qu’on peut se procurer ainsi telle et tel . . . .

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