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La fausse baisse du chômage

par Dominique Mercier
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Les médias n’ont pas manqué de parler de la soi-disant baisse du nombre de chômeurs, ni la ministre du Travail de dire « Oui, ces chiffres sont satisfaisants ». En réalité, un examen attentif montre que toutes ces données sont extrêmement relatives et que sur le front du chômage il n’y a aucune raison de se réjouir.

Tout le monde s’extasie devant une baisse du nombre de chômeurs de quelque 24.000 entre août et septembre 2015. Mais cette baisse est en réalité incroyablement non significative. Ainsi le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A (sans emploi, en recherche active d’emploi) baisse effectivement de 24.000 en septembre, mais si l’on regarde les chiffres de l’INSEE… il avait augmenté de 20.000 en août. Soit en fait une diminution de seulement 4.000 chômeurs depuis juillet.

Il faut noter par ailleurs que les données sur lesquelles communique le gouvernement sont toutes des données « CVS » c’est-à-dire corrigées des variations saisonnières, ce ne sont pas les données brutes, c’est-à-dire les données réelles de ceux qui sont inscrits dans telle ou telle catégorie de demandeurs d’emploi[[Ceci a pour intérêt de ne pas faire d’interprétations abusives de la série statistique alors que la saisonnalité explique certaines évolutions.]]. Si l’on regarde les données brutes, on remarque en reprenant le cas précédent que le nombre de demandeurs d’emploi réels de catégorie A a augmenté depuis juillet… de 130.000. Les données utilisées par le gouvernement sont donc bien des données retraitées, et tous les économistes savent à quel point tout retraitement peut être sujet à des biais, ce qui rend des variations aussi petites extrêmement relatives.

On peut noter également que parmi les motifs de fin d’inscription à Pôle emploi figurent les « cessations d’inscription pour défaut d’actualisation », qui représentent chaque mois environ 200.000 sorties, soit 44% du total des sorties. Or, il est impossible de savoir combien de ces personnes ont en réalité retrouvé un travail et manqué de le signaler à Pôle emploi[[qui a comptabilisé 95.000 reprises d’emploi en septembre]] et combien sont toujours sans emploi mais n’ont pas actualisé leur inscription. Une personne toujours au chômage ayant droit à des indemnités ne manquera pas de pointer à Pôle Emploi pour les recevoir. Mais quant à ceux qui n’ont pas ou plus droit à des indemnités, on peut présumer qu’une bonne partie considère tout simplement que c’est inutile de le faire, ce qui n’est pas étonnant au vu des performances déplorables de Pôle Emploi pour placer les chômeurs.

À cela s’ajoutent les radiations administratives (43.000 en septembre), prononcées à 90% pour des refus de répondre aux convocations ou relances de Pôle emploi. On s’en doute, ces radiations ne signifient pas davantage que les personnes aient trouvé du travail…

Ainsi on voit bien d’une part que seules les tendances de long terme peuvent donner une idée juste de l’évolution du marché du travail et d’autre part que si l’on veut évaluer le chômage réel, on ne peut se borner à regarder le nombre de chômeurs officiels de la catégorie A.

Estimation du chômage réel

Les Américains savent depuis longtemps que la définition officielle du chômage (celle du BIT ou celle – presque identique – des chômeurs de catégorie A) est très insuffisante. C’est pourquoi ils calculent toujours the « real unemployment », qui inclut les personnes à temps partiel involontaire (celles qui auraient souhaité un temps plein) et les personnes inactives ne cherchant pas de travail mais qui voudraient travailler (les chômeurs découragés). Il y a deux ans, nous avions fait une estimation de ce chômage réel pour la France. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Depuis le début du mandat de François Hollande, le nombre de chômeurs officiels a augmenté de 680.000, chiffre déjà astronomique. Mais c’est la partie émergée de l’iceberg. Comme on l’a dit, il faut y ajouter l’augmentation des inactifs désirant travailler mais ne cherchant pas de travail, qui s’élève, d’après Eurostat, à 460.000 personnes supplémentaires entre 2012 et 2014. On constate également que sur cette même période, le nombre de travailleurs à temps partiel involontaires a augmenté de 510.000 (chiffre Eurostat également). Ainsi, pour 680.000 chômeurs supplémentaires au sens officiel, il y a depuis le début du mandat de François Hollande environ 1,7 million de chômeurs supplémentaires au sens réel.

Au total, si l’on calcule le « real unemployment » français sur la base de la définition américaine, on s’aperçoit qu’aujourd’hui il n’est pas de 10% ni 11% mais de 21%, avec non pas 3,5 millions mais 6,5 millions de chômeurs réels.

Du fait de notre modèle social français qui pousse à l’inactivité (allocations variées, retraites précoces, salaires faibles à cause des charges sociales) on pourrait même aller plus loin dans l’analyse, constatant que notre nombre d’inactifs désirant travailler, est particulièrement faible par rapport à nos voisins allemands ou britanniques. Les observations empiriques montrent en effet que les personnes inactives désirant travailler représentent souvent un total relativement proche du nombre de chômeurs officiels. Ainsi, en réalité, dans un système plus « normal », le nombre d’inactifs désirant travailler ne serait pas de 1 million mais d’environ 2,5 millions, amenant notre « real unemployment » à 24%.

Enfin, on peut se demander si cela a du sens d’inclure les emplois publics dans notre calcul puisque les fonctionnaires ne peuvent être mis au chômage. Si on calcule le taux de chômage du privé, on obtient alors un taux de… 27% de chômage.

Sur le front de l’emploi, il y a donc effectivement peu de raisons de se réjouir.

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2 commentaires

F. Lainée novembre 1, 2015 - 6:01 pm

A consommer sans modération
Toujous décapant et bien argumenté. Un plaisir à lire pour glisser dans les conversations trop convenues entre consommateurs de la pensée unique…

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moliberte novembre 2, 2015 - 9:15 pm

Un actif sur deux n'a pas le droit au travail dans certaines régions !
Dans certaines zones du Nord Pas de calais Picardie ou du Languedoc Roussillon, moins d'un actif sur deux à le droit au travail : cela risque d'amener les extrêmes au pouvoir, le front actuellement et les cocos à la fin des années 70. En France, 20 millions de véritables emplois sont proposés ( des emplois qui permettent de vivre et de payer un loyer !) alors que 40 millions peuvent travailler(de 15 à 65 ans, avec ceux qui vont maintenant à 70 ans ainsi que certains qui vont jusqu'au bout de leur existence !). Au niveau mondial, nous aurons bientôt 5 milliards de travailleurs potentiels, du jamais vu ! Si l'on libère la créativité et que l'on dérégule l'interdiction de travailler, cela peut marcher, mais c'est un véritable défi qui nous est proposé là !

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