Page d'accueil Regards sur l'actualité Japon : le mur sur lequel butte Shinzo Abe et la myopie internationale

Japon : le mur sur lequel butte Shinzo Abe et la myopie internationale

par Bernard Zimmern
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Le Wall Street Journal du 11 février confirme ce que l’on craignait : l’apparent échec du plan de Shinzo Abe, Premier ministre, pour ranimer l’économie japonaise, fondé sur une politique d’inondation monétaire similaire à celle pratiquée par la Banque Fédérale américaine sous les noms de « quantitative easing » ou par la Banque Centrale Européenne.

Ces politiques supposent qu’en abaissant le coût du crédit, les emprunteurs seront plus nombreux et qu’il en résultera une augmentation des investissements par les entreprises.
Mais encore faut-il qu’il y ait des emprunteurs et des entrepreneurs pour créer des entreprises et des emplois, pas seulement pour acheter de l’immobilier.

Or c’est une donnée de l’économie contemporaine que les entreprises existantes voient leurs emplois se réduire, ne serait-ce que par le jeu de la simple productivité, et que la seule création d’emplois provient des entreprises nouvelles.
Or nous avons consulté le « Japanese Handbook » qui fournit les principales statistiques sur le Japon, ainsi que la publication de l’OCDE sur ce pays, et il est impossible d’y trouver aucun chiffre sur les créations d’entreprises.

Il s’agirait d’une myopie internationale qui n’aurait pas encore fait pénétrer dans les milieux économiques le rôle absolument critique de ces créations.
Une myopie populaire en France puisqu’encore récemment, notre gouvernement a voulu nous faire croire qu’avec le CICE, l’emploi allait repartir alors que cette mesure ne vise que les entreprises existantes. La dernière annonce de Manuel Valls d’un plan pour encourager la création et le développement des Business Angels devrait être beaucoup plus efficace.

L’ironie de l’histoire est que Shinzo Abe était le directeur de cabinet de Jun’ichir? Koizumi, le Premier ministre qui tenta d’introduire une législation pour multiplier les Business Angels en 2005-2006 avec son ministre de l’économie Takenaka.
Le Japon s’était développé dans l’après-guerre en croisant les technologies dont ses grands groupes avaient la maîtrise comme la mécanique de précision et l’électronique. Mais ces croisements avaient leurs limites que le Japon a touchées avec la crise de 1998 ; elle n’est pas étrangère à l’arrivée au pouvoir de Koizumi sur la promesse électorale de casser le monopole de la Poste qui touchait non seulement la distribution du courrier mais était également la principale caisse de retraite.

Son jeune ministre des finances, Takenaka, un économiste universitaire, avait compris qu’il ne pourrait effectuer de réforme sérieuse s’il suivait les politiques proposées par son ministère des finances, dont la plupart des membres sortent de l’université impériale de Tokyo, l’équivalent de notre ENA. Il avait donc constitué des groupes de travail dont étaient exclus ces membres, et ce sont ces groupes qui avaient conduit à mettre en place une législation inspirée des États-Unis pour développer les Business Angels. Cette législation est décrite sur le site de l’iFRAP sous le titre « des Français l’ont rêvé, les Japonais l’on fait ». Malheureusement, dès la démission de Koizumi, le ministère des finances a peu à peu supprimé toutes ces mesures et il est à parier que la création de nouvelles entreprises au Japon est parallèle à celle que connaît la France, c’est-à-dire la moitié ou le tiers de ce qui serait nécessaire pour relancer la croissance.

Il est intéressant de jeter un regard posthume sur cette législation voulant développer une fiscalité des Business Angels. « La fiscalité des business Angels consiste en un dispositif fiscal incitatif destiné à encourager le financement des jeunes entreprises à fort potentiel de développement par des investisseurs privés » : tel était le texte présentant cette législation. Elle permettait à des particuliers de déduire les montants investis dans une gazelle du montant de leurs plus-values taxables et ce sans plafond. Compte tenu des taux d’imposition japonais, cela revenait en fait à faire assumer par l’État la moitié du coût d’investissement.

Cet avantage à l’entrée s’accompagnait d’un avantage à la sortie réduisant la taxation sur les plus-values à la moitié. Il faut savoir qu’au moins à l’époque, les plus-values étaient incluses dans le revenu et taxées donc au même taux.

De l’expérience japonaise, il ne semble donc pas qu’une économie puisse se développer sans se renouveler ; serait-ce la grande loi du vivant s’appliquant une fois de plus ?

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