Pour la quatrième fois depuis juillet 2022, la BCE a relevé le taux d’intérêt en zone euro. L’objectif de ces hausses est la lutte contre l’inflation, en ralentissant la vitesse de circulation de l’argent et en diminuant la masse monétaire pour réduire le volume de crédit. Cette politique économique nous conduit à poser la question de l’efficacité de la lutte contre l’inflation.
La conjoncture actuelle se caractérise par trois contextes, la reprise de l’après COVID, la situation en Ukraine et, sur le long terme, des politiques de « quantitative easing » dans pratiquement tous les pays développés y compris le Japon. Tous ces pays subissent aujourd’hui l’inflation. Se pose alors la question de savoir pour quelles raisons, au niveau mondial, on a connu depuis deux décennies une certaine stabilité des prix alors que beaucoup d’économies étaient proches du plein emploi. On peut faire les hypothèses suivantes : augmentations des relations d’échanges concurrentiels avec les pays en voie de développement, croissance des investissements d’innovation et de productivité, stratégies de prix des entreprises, préférence pour l’épargne due au vieillissement démographique et à la diminution du pouvoir de négociation des salariés…
En Europe, l’inflation de 2022 a été déclenchée par la hausse des prix de l’énergie et celles des produits alimentaires de base, c’est-à-dire des produits dont la consommation est peu substituable et qui ont une élasticité-prix plutôt faible. Aux Etats Unis dont l’activité est moins dépendante de l’énergie importée, le déclencheur de l’inflation a été les hausses de salaires dans un contexte de plein emploi.
Dans ces conditions, les entreprises particulièrement concernées par l’énergie et l’alimentaire et, qui ont la possibilité de le faire, répercutent ces hausses sur leurs prix de vente dans des délais plus ou moins conformes à leurs catalogues. Ces produits de base constituant une part importante dans les salaires du bas de l’échelle, la pression sur les salaires ne s’est pas fait attendre. On entre alors dans un processus global, en spirale, susceptible de créer à terme des anticipations continues et incontrôlables. Les hausses de prix se propagent latéralement avec des effets de cliquet qui expliquent que les baisses récentes des prix de l’énergie ne pourront se répercuter sur les indices globaux et que le ralentissement du rythme de croissance de l’inflation sera plus lent que celui de l’augmentation parce que les entreprises augmentent plus leurs prix face à une demande positive qu’elles ne les baissent quand la demande chute.
Pour une économie, les augmentations de prix des biens et services non compensées par plus d’exportations se traduisent par un transfert de richesse susceptible d’être accrue si le déséquilibre de la balance commerciale provoque une baisse du taux de la monnaie
Quelle est l’efficacité de la politique du taux d’intérêt ?
Dans un article sur plusieurs modèles économétriques concernant les effets de la hausse des taux d’intérêt sur la croissance économique française[[Voir sur le site officiel de Sciences-po : Les effets de la hausse des taux d’intérêt]], l’OFCE retient que la hausse des taux d’intérêt agit essentiellement sur les coûts d’usage du capital et donc sur le niveau d’investissement. L’impact sur la consommation des ménages reste controversé. Compte tenu du niveau de l’inflation, du fait que les taux d’intérêt avant l’inflation étaient faibles, l’OFCE prévoit que l’impact de la hausse des taux d’intérêt soit d’environ 0,7 % sur les PIB de 2024 et 2025.
Concernant l’inflation, « l’impact sur les prix serait négatif mais demeurerait modeste, compris entre 0,3 et 0,4 % » avec bien entendu une incertitude importante compte tenu des hypothèses de conjoncture retenues.
Selon le modèle de la Banque de France, « le taux d’intérêt de court terme, déterminée par la Banque Centrale Européenne, affecte les anticipations des agents tandis que le taux d’intérêt de long terme des obligations publiques joue sur la demande de facteurs de production de long terme. » On peut cependant s’attendre à ce que les hausses des taux d’intérêt contribuent à entretenir des prévisions globales négatives susceptibles d’engendrer la récession.
Dans le processus de décision d’investissement, les variations de la demande anticipée sont en générale plus influentes que les modifications des coûts dues à une augmentation du taux d’intérêt. Pour 2023 on peut s’attendre à ce que les anticipations de récession aient plus d’impact que les augmentations des taux d’intérêt sur la consommation et l’investissement. Ce qui serait à craindre, c’est l’apparition d’une inflation d’anticipations alors que les prix de l’énergie vont baisser.
Des inflations européenne et américaines on retiendra surtout l’importance du facteur de déclenchement alors que depuis plus de dix ans la masse monétaire augmentait sans provoquer d’inflation ce qui s’explique probablement par l’épargne morte.
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Ressources complémentaires sur l’inflation
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