Les gilets jaunes, étatistes de fait
Le mouvement des gilets jaunes a été stabilisé en décembre dernier au prix d’une grave entorse aux engagements budgétaires de l’Etat. Un ensemble de mesures coûtant 10 milliards, on s’en souvient. C’était sans doute une réaction appropriée du gouvernement à une violente mise en cause de ce dernier par des citoyens excédés par beaucoup de traits et certaines mesures du nouveau pouvoir politique.
Mais au lieu d’analyser le problème économique et social à l’origine de leur colère afin d’agir sur leurs causes, le président de la république a lancé un grand débat qui est vite devenu déversoir de doléances et demande de décisions gouvernementales catégorielles. Se plaçant ainsi au centre de la scène alors que l’absence de perspective de progrès individuel est un des plus puissants moteurs des gilets jaunes. C’est faire supposer que l’Etat est responsable de la reconnaissance et de la récompense des talents de tous ordres qui sont à l’origine des progrès des travailleurs. Parlons clair, bien des entrepreneurs ont été surpris que les rebelles en jaune ne demandent pas d’abord aux entreprises pour lesquelles ils travaillent d’améliorer leur situation personnelle. Curieux échange des rôles : on ne demande pas aux patrons de dire si on bosse bien ou mal. Non, c’est vers l’Etat, son chef, ses ministres et hauts fonctionnaires qu’on se tourne pour progresser. Comme s’il était capable de le dire !
Ainsi, chacun attend de l’Etat qu’il démontre des capacités dont il est notoirement dépourvu dans la gestion du secteur public. Ça n’a pas d’importance, nos concitoyens et les médias continuent, réflexe pavlovien, de se tourner vers le personnage principal du spectacle, disert mais inefficace. Bien sûr il y trouve son compte mais ceci est une autre histoire, attachons-nous au tableau d’ensemble.
Le grand âge : nouvelle ruée vers l’étatisme
Un nouvel exemple vient de surgir dans un débat brûlant et impromptu sur la prise en charge du grand âge.
Le coût des établissements en charge de personnes dépendantes est nettement supérieur à la médiane des pensions des retraités. Qui payera l’écart ? Pavlov déboule au galop dans tous les médias : où « l’Etat » va-t-il trouver les fonds nécessaires pour prendre en charge le risque de la dépendance ? Et bien sûr ouvrir et gérer des Ehpad publics avec le désintéressement qui fait forcément défaut aux chaînes privées rapaces et inhumaines. Les médias et les « diseux » n’en finissent pas de gloser sur ce thème.
Les solutions ne sont pas du ressort de l’Etat
Rien de tout cela ne va de soi pourtant !
D’abord si on choisit de collectiviser les dépenses dépendance, il faudrait avoir le courage d’abolir l’article 205 du Code Civil qui impose aux descendants l’obligation alimentaire (ce qui veut dire aussi habitat vêtement, etc.) pour subvenir aux besoins de leurs parents indigents. Cette obligation justifie aujourd’hui la reprise (sur les patrimoines transmis et par les départements qui les assument initialement) des dépenses publiques d’assistance aux seniors dépendant.
Ensuite peut-on parler de « risque » dans le cas du grand âge ? Keynes a bien déclaré que dans le long terme nous serons tous morts. Alors cette fameuse et si cruelle dépendance, elle finira bien par nous frapper tous. Risque 100%.
Ensuite, même si notre société redoute la vue de la mort, nous sommes bien conscients que le principal combattant contre la dépendance, c’est la personne concernée. Et qu’elle luttera sans doute mieux la plupart du temps dans un environnement familier que dans un EHPAD. Surtout si elle a su garder des relations personnelles qui entretiennent ou permettent les moments où l’on échappe à la solitude.
Ensuite des solutions pratiques existent pour faciliter la vie des personnes dépendantes. Ensuite la définition de normes dans les maisons de retraite est toujours susceptible d’amélioration avant de fonctionnariser leur personnel. Ensuite… Je m’arrête là.
La priorité est la lutte contre la grande pauvreté
Que la mise en place de ces solutions puisse se heurter à l’obstacle de l’indigence familiale, c’est évident. Il faut alors appeler les choses par leur nom. C’est de lutte contre la grande pauvreté qu’il s’agit. Lutte à laquelle les social-démocraties européennes se sont vertueusement engagées il y a quelques décennies.
Elles devraient à coup sûr savoir la conduire et la gagner, cette guerre-là, avant de se proposer des actions aussi délicates que la prise en charge de la dépendance. En tout cas, halte à l’étatisme et au déferlement de réactions pavloviennes en faveur de son extension déraisonnable.