Début juin, Emmanuel Macron a entrepris d’effectuer un tour de France pour « prendre le pouls du pays » : officiellement, il souhaite simplement aller au-devant des Français pour s’informer de ce qu’ils souhaitent. Il a appelé cela un « pèlerinage laïc ».
La campagne présidentielle a donc bien démarré. Mais il s’est produit un incident à Tain l’Hermitage, dans la Drôme : un jeune Français de 28 ans lui a administré une gifle alors qu’il voulait prendre un bain de foule. Aussitôt, grand émoi au plan national, mais aucun commentateur de l’actualité politique n’a expliqué que ce n’est pas le Président de la République qui a pris une claque, mais simplement le candidat Emmanuel Macron. Il s’est agi d’un banal incident dans une campagne présidentielle, bien plus que d’un outrage fait au représentant de la nation. Certes, cet incident est regrettable, mais il est tout simplement le résultat du comportement imprudent d’un président qui a désacralisé sa fonction pour tenter de récolter des voix.
Abandonner, en effet, sa fonction de chef de l’Etat pour aller s’informer lui-même, sur le terrain, pendant deux mois, des besoins des Français, est une démarche surprenante de la part d’un chef d’Etat en pays démocratique. Elle est même quelque peu insultante à l’égard des députés et des sénateurs qui composent le Parlement, puisque ce sont eux qui, dans un régime démocratique, sont censés représenter le peuple et être son porte-voix. Est-ce à dire, donc, que les membres du Parlement, dans notre pays, ne seraient pas représentatifs de la nation et qu’ils se trouveraient déconnectés de leurs électeurs ? Cette démarche, par ailleurs, est anti-démocratique en ce sens qu’elle postule que la compréhension des besoins et des aspirations de l’ensemble du peuple français faite par un homme seul va se trouver plus pertinente, plus fondée, que celle de tous les membres du Parlement réunis dans les deux assemblées ? Elle est le propre d’un homme imbu de sa personne, et elle signifie qu’il ne fait nullement confiance aux élus du Parlement pour traduire les besoins et les aspirations des citoyens. De surcroît, une raison supplémentaire pour la trouver tout à fait déplacée, elle va se faire aux frais des contribuables sans que les dépenses de cette campagne électorale – car c’en est bien une -, n’aient vocation à figurer, demain, dans les comptes de campagne du candidat Macron, alors que l’on sait que notre législation est très tatillonne sur les frais de campagne des candidats. Et Nicolas Sarkozy en sait aujourd’hui quelque chose.
Il faut donc en revenir au fonctionnement de nos institutions. On lit sur le site « vie-publique.fr » : « La Ve République n’est pas un régime parlementaire classique. Le général de Gaulle, fondateur de la Ve République, a précisé que le gouvernement devait prendre en charge les contingences, le Président étant responsable de la place de la France sur la scène internationale, de sa défense, et plus largement des choix essentiels engageant son avenir ». En s’en référant à cette vision du rôle du chef de l’Etat dans notre cinquième république on ne voit donc pas ce à quoi va servir ce « pèlerinage laïc » qu’Emmanuel Macron entreprend de faire maintenant, sinon à tenter de se rendre sympathique aux yeux des futurs électeurs. Sa démarche est strictement électorale et le Figaro du mardi 1er juin a titré fort justement, en première page : « Emmanuel Macron, le pari de la campagne permanente ».
Il y avait eu, lors des précédentes élections présidentielles, il faut le rappeler, ce qui avait permis de bâtir le programme électoral du candidat Macron, « La Grande Marche » : elle avait consisté à recueillir par un porte-à-porte effectué par un très grand nombre d’enquêteurs bénévoles les préoccupations des Français dans leur quotidien, et le candidat Macron avait pu annoncer ainsi aux électeurs que son programme était le résultat de « 100.000 conversations recueillies lors d’un porte-à-porte inédit ». Cette façon de procéder est bien dans la manière d’opérer d’Emmanuel Macron : elle consiste à se laisser guider par la base pour montrer la voie à la nation. Porté au pouvoir, il a d’ailleurs réitéré cette démarche avec le « Grand débat », au lendemain de la crise des gilets jaunes.
Puis il y eut le « Ségur de la santé », et ensuite « La convention citoyenne pour le climat». Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, le chef de l’Etat n’est donc pas un « leader » : il agit à la manière du fervent républicain social Alexandre Ledru-Rollin qui, on le sait, avait dit, voyant ses troupes lui échapper : « Il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef ». En somme, le candidat Macron ne se pose pas en conducteur du peuple, mais en simple Premier ministre, c’est-à-dire en homme qui a pour tâche de gérer le quotidien en prenant en charge « les contingences ».
Tout cela est consternant, d’autant que les sondages abondent pour informer nos dirigeants sur les préoccupations des Français. Un sondage IPSOS de septembre 2020, par exemple, indiquait que 78 % des Français estiment que le pays est en déclin au plan économique ; et une étude IPSOS, réalisée en janvier dernier avec le concours du CEVIPOF, le centre d’études politiques de Sciences Po, indiquait que 70 % des Français considèrent qu’il y a trop d’étrangers en France. Les vagues successives d’immigrés qui se déversent sur le pays changent en effet notre identité : le même sondage, en 2009, indiquait qu’il s’agissait de seulement 49 % des sondés. Voilà donc les deux enjeux majeurs auxquels les Français vont demander à leur futur président de s’attaquer : redresser l’économie du pays et sauvegarder son identité. Nul besoin d’aller arpenter pendant deux mois tout le pays pour savoir quels sont les sujets majeurs de préoccupation des Français.
Le rôle du chef de l’Etat, selon la tradition gaullienne, est d’être le guide de la nation, le gouvernement se chargeant des actions à mener pour mettre en œuvre les mesures permettant d’atteindre les objectifs fixés par le chef de l‘Etat, en tenant compte des « contingences ». On se souvient que le général de Gaulle avait montré au pays par son sens de l’Etat et ses visions prospectives, la voie à suivre : il y eut le 18 juin 1940, où il était bien seul à Londres, un pari très risqué qui permit à la France de figurer au rang des vainqueurs dans le conflit de la seconde guerre mondiale, puis le redressement du pays après 1945 avec la dotation de l’arme nucléaire à la France pour l’élever au rang des grandes puissances, puis la reconnaissance de la Chine avant tous les autres pays occidentaux, puis l’abandon de l’Algérie aux Algériens malgré la victoire par les armes sur la rébellion, etc. Chaque fois, il s’est agi de montrer la voie pour assurer l’avenir du pays. Le général de Gaule n’allait guère chercher dans la foule son inspiration pour guider le pays : il proposait aux Français des objectifs stimulants incitant le peuple de cette grande nation à rester fidèle à sa vocation.
Ce que l’on attend du futur chef de l’Etat c’est qu’il redresse la situation économique du pays, ce qui, on le sait, va nécessiter que les Français se tendent pendant des années dans l’effort, et qu’il permette à la France de sauvegarder son âme, c’est-à-dire son identité : rien donc de subalterne. Tout le reste en découlera : le niveau de vie des Français, la cohésion de la nation, et la fierté d’être Français. Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron va sur sa fin : on peut se rappeler ce commentaire de Churchill sur le déroulement de la guerre menée contre le troisième Reich, à un moment crucial, en novembre 1942 : « Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement ».
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Election présidentielle : élire un leader pour la nation, ou un sinistre désenchanteur ?
« Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron va sur sa fin » écrit monsieur Sicard. Plaise à Dieu qu’il n’en ait pas un deuxième, car tout ce qu’il a entrepris, rien n’a été fini. Et comme on dit dans nos campagnes: » Grand diseux, petit faiseux. » Et le pire, c’est que tout le monde en France est plus pauvre qu’avant.