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Ecart international des dépenses publiques

par Bertrand Nouel
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Dépenses publiques, comparaison internationale.

La France est championne internationale des dépenses publiques, comme des prélèvements obligatoires, on le sait et on le proclame à tout bout de champ. Mais cela mérite quelques précisions. Ce calcul est effectué en pourcentage du PIB, qui est une mesure annuelle de la richesse d’un pays, autrement dit de la valeur ajoutée apportée par ses agents économiques. C’est ainsi que pour l’année 2022, dernière année où l’on dispose de statistiques, les dépenses publiques de la France ont atteint 58,3 %  de son PIB, alors que pour la moyenne de l’UE ou par exemple l’Allemagne ces mêmes dépenses n’ont atteint que 49,6% du PIB correspondant. 

Il est d’abord intéressant de savoir pour quelles fonctions cet écart entre la France et ces autres pays se manifeste, ce qui peut permettre d’estimer là où des efforts devraient être réalisés dans le but de réduire l’appel aux emprunts couvrant l’insuffisance des ressources publiques. D’autre part, puisque cet écart est calculé sous forme d’un rapport entre les dépenses et le PIB, n’est-il pas nécessaire de se préoccuper de l’insuffisance du dénominateur du rapport, à savoir le PIB, tout autant et même plus que de l’importance du numérateur, les dépenses ?  Mais à quel terme cela est-il envisageable ?

Où se situe l’origine des écarts de dépenses ?

Le site FIPECO, animé par François Ecalle, nous fournit une étude détaillée des dépenses dans les diverses fonctions de l’État (18 fonctions au total)1  pour la France, l’UE, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas, et ce pour l’année 2022. La source des données est Eurostat ;

On voit que la France consacre des dépenses publiques supérieures à l’UE et à ces pays dans tous les domaines, à l’exception de la fonction sécurité intérieure et justice, où il y a égalité à 1,7% du PIB, et de la fonction recherche fondamentale, où les sommes consacrées par la France sont (hélas!) inférieures, particulièrement par rapport à l’Allemagne (0,3% contre 1%).

Les fonctions où la France dépense le plus sont avant tout celles de la protection sociale : 32,9% du PIB, soit 5,7% de plus que dans l’UE, et 4% de plus qu’en Allemagne et en Italie, et particulièrement pour les retraites (14,4% au lieu de 11,9% dans l’UE et en Allemagne, les Pays-Bas étant dans une situation spéciale en raison de la faiblesse de son système public de retraite (seulement 6,1%). Mais les autres fonctions de la protection sociale ( santé, famille, chômage, aide au logement) sont aussi toutes plus dépensières en France, entre 0,2 et 0,5%, à l’exception de l’exclusion sociale pour l’Italie et les Pays-Bas.

Les écarts pour la santé ne sont pas aussi importants (sauf pour les services ambulatoires (0,9%) et dans une moindre mesure pour les hôpitaux (0,5%) mais il comptent beaucoup en valeur absolue en raison du coût global de la santé (12,2% du PIB en France).

En 2022 pour le défense, la France est en tête excepté pour le Grèce et les pays baltes (1,8% en France contre 1% en Allemagne).

Pour l’enseignement (5,2% du PIB), le coût total en France est supérieur d’environ 0,5%, mais cela est dû uniquement à l’enseignement secondaire.

Les intérêts de la dette (2% du PIB) sont très variables, mais très supérieurs à ce qu’ils sont en Allemagne (0,7%) ou aux Pays-Bas (0,3%).

La cause réside dans l’insuffisance du PIB.

Mieux que d’afficher la liste du PIB par habitant dans les pays européens, dont les chiffres varient d’ailleurs selon les sources, nous allons prendre comme exemple la protection sociale, fonction où, comme nous l’avons vu, les écarts entre la France et les autres pays sont les plus forts. Le tableau suivant concerne l’année 2022.

PaysPIB réel par tête (€)Dépenses de PS* par tête(€)% de PIB
Allemagne43.26012.91130,01
Danemark57.62010.76128,06
France37.330 12.37833,98
Pays-Bas51.48012.61027,12
Italie32.3309.96229,77
Espagne26.7707.62525,87
*Protection sociale. Source : Eurostat

Observations.

Les pays retenus peuvent être ainsi classés :

Deux pays ont un PIB relativement faible, l’Italie et l’Espagne, et sont restés modérés dans les dépenses sociales. Conséquence, les dépenses de PS sont relativement faibles et plus supportables.

Deux autres pays, le Danemark et les Pays-Bas ont un PIB élevé, ce qui autorise des dépenses sociales assez élevées malgré une faible contribution des ressources publiques.

Un pays, l’Allemagne, est modéré en tout, PIB, part du PIB consacré aux dépenses sociales, valeur absolue de ces dépenses.

Enfin, la France se trouve dans une situation atypique : des dépenses sociales en valeur absolue parmi les plus élevées, mais un PIB moyen à faible en rapport, d’où un pourcentage record de contribution des dépenses en pourcentage de ce PIB.

Conclusion.

La meilleure réponse à l’excès des dépenses publiques réside évidemment dans l’augmentation du PIB. Une hausse de 10%, au niveau de l’Allemagne, augmenterait de 45% les ressources publiques, dont près d’un tiers pourrait être consacré à la protection sociale… Mais cela relève du vœu pieux à court et même moyen terme et dans tous les cas prendrait du temps.

Au plan de l’équilibre des comptes publics, il y a peu à attendre d’une politique de rabot des dépenses publiques, sauf en matière de protection sociale, et particulièrement de retraite, là où les écarts atteignent ou dépassent 4% du PIB. Il y a certainement à améliorer la gestion et l’efficacité des dépenses, mais ceci ne répondra pas et de loin à l’ensemble de la question et au problème de la dette publique.

La masse salariale totale, cotisations comprises, des administrations publiques (APU) est selon Fipeco de 12,3% du PIB, soit 346 milliards. La réduire de 10%, ce qui serait déjà considérable et politiquement difficile à vendre, ne diminuerait les dépenses publiques que de 1,2%. Insuffisant !

A signaler par ailleurs que le système boucle : comme le poids des prestations est trop lourd, on charge la barque des entreprises, lesquelles perdent leur compétitivité et coupent dans les investissements et  développements, c’est-à-dire la croissance potentielle du PIB.

Il n’y a pas d’autre solution à court ou moyen terme que de mettre les citoyens à contribution en baissant les prestations de protection sociale, diminuant les domaines et montants d’intervention de l’État – ce à quoi le gouvernement actuel dit s’opposer, et favoriser le développement du PIB, ce dont nous n’avons pas les moyens, à défaut de la volonté! D’autres pays pourtant l’ont fait.

  1. Protection sociale (6 fonctions), Aides à la pierre et équipements collectifs, Enseignement, Loisirs et culture, Protection de l’environnement, Affaires économiques (2 fonctions),Sécurité intérieure et justice, Défense, Recherche fondamentale, Services généraux, Intérêts de la dette publique.
    ↩︎

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1 commenter

moulin mars 15, 2025 - 8:05 pm

Il me semble, que le PIB par travailleur est assez bon (j’ai pas les chiffres). Une solution pour un rattrapage de PIB serait de favoriser les entreprises qui sont en croissance (donc ayant une certaine supériorité), en les aidant à sélectionner, former et intégrer les personnes disponibles dans leurs territoires. Si ce sont des industries, en favorisant le travail posté qui permettrait d’économiser du capital et du temps de construction.

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