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DLF, un État secret dans l’État

par Bernard Zimmern
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La plus grande surprise qui nous soit arrivée à propos de la DLF, une direction du ministère des Finances et à ce titre rattachée au moins partiellement au secrétariat au Budget, est d’entendre un des principaux adjoints du ministre du Budget, auquel nous disions, à propos d’une information manquante pour une mesure législative : mais demandez-la à la DLF, nous répondre : mais vous plaisantez, la DLF ne répond pas aux questions du ministre, du moins pas à celles auxquelles elle ne veut pas répondre.

Il est vrai que, notamment sous Nicolas Sarkozy, la DLF a eu une position hiérarchique ambivalente, partiellement rattachée au ministère de l’Économie avec Christine Lagarde et au ministère des Finances avec Éric Woerth.
Un très puissant chargé de mission, Christophe Bonnard, inspecteur des finances, assurait sous Sarkozy la liaison entre les deux branches ; mais être sous deux ministres, c’est n’être sous personne.

Cette indépendance s’est d’autant plus affirmée que la DLF a eu comme directeur, ou plutôt directrice, pendant 12 ans une femme, Marie-Christine Lepetit, qui, sous des dehors extrêmement effacés, était en fait une très forte personnalité.
Ayant fait Polytechnique, entrée ensuite à l’ENA et sortie dans le corps prestigieux – mais au total le plus destructeur de richesse – qu’est l’Inspection des finances, directement détachée à la direction générale des impôts, puis à la DLF, elle rentra au cabinet d’Alain Juppé en 1995 comme conseiller technique et c’est elle qui aurait convaincu Alain Juppé d’introduire un plafonnement de la déduction d’imposition ISF.
Cette mesure qui va entraîner un exode massif de grandes fortunes allant se réfugier notamment en Suisse ou, plus grave, de jeunes entrepreneurs ayant réussi qui partent s’établir en Belgique, décapitant ainsi l’un des trésors les plus importants d’une nation : ceux qui savent créer des entreprises et en faire des réussites internationales, un talent rarissime.

Madame Lepetit est extrêmement discrète. Elle a fait quelques apparitions publiques dans les dernières années, mais Google ne régurgite guère de photos, seulement une audition à la commission des finances de Sénat en 2010, apparemment sur le remplacement de la taxe professionnelle par la taxe économique territoriale, où avec autorité elle explique aux sénateurs et notamment au rapporteur général du budget qui en baille, toutes les dispositions prises par la DLF pour mettre en musique ce changement important. Il est assez clair de cette audition que les parlementaires n’ont guère à fournir d’avis, tout a été réglé par la DLF qui a organisé au mieux la sortie des textes compte-tenu des urgences.

L’étonnant est la déclaration que nous a faite Madame Lepetit lorsque, descendant du cabinet du ministre, à l’époque Nicolas Sarkozy, après y avoir fait une présentation de notre « note de 24 pages », elle nous dit combien elle comprenait notre démarche car elle était elle-même la fille d’un petit entrepreneur.
Cela nous a beaucoup marqués car, dans la suite, elle a paru totalement insensible aux problèmes de ces petits entrepreneurs et à tout ce qui pourrait aider à les multiplier, comme le montre l’épisode de l’EIRL, l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Cette mesure était destinée à éviter à une entreprise individuelle, le cas le plus fréquent en France où la plupart des petits commerces ou entreprises artisanales ne sont pas incorporés, que le patrimoine personnel soit englouti avec le patrimoine professionnel le jour d’un dépôt de bilan.
C’est la mesure qu’a fait voter Hervé Novelli au printemps 2010, permettant à une entreprise individuelle de séparer le patrimoine personnel du patrimoine industriel pour que le premier ne soit pas impliqué en cas de faillite du second.

L’EIRL, Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée, est une affectation de patrimoine, pas une création d’entreprise, et la loi avait bien pris soin de noter qu’il ne s’agissait pas d’une personne morale et donc pas d’une entité taxable.
Le 29 décembre au soir de cette même année, lorsqu’il n’y a presque plus personne en séance, la DLF faisait voter un texte assimilant l’EIRL à l’EURL, une SARL à actionnaire unique, et rendant ainsi les affectations à une EIRL taxable.

Pour faire bon poids, la DLF publiait dans la foulée une instruction qui taxait à l’impôt sur les plus-values le patrimoine apporté à l’EIRL mais aussi celui qui n’était pas apporté ! L’EIRL en serait morte si une intervention d’Hervé Novelli n’avait conduit dans une nouvelle loi rectificative de finances à faire annuler le texte du 29 décembre, ou plus exactement à le rendre optionnel ce qui revient au même.

Mais le rôle le plus néfaste de la DLF a certainement été d’empêcher la création de gazelles, ces entreprises à forte croissance qui font l’emploi, en incitant ou laissant inciter ceux qui ont des revenus ou une fortune à investir dans des collections, des œuvres d’art, de l’immobilier, mais pas dans les créations ou les premiers développements de nos jeunes entreprises.

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