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Demain, la productivité, c’est-à-dire la richesse

par Yves Buchsenschutz
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Petite anecdote

Une société dont l’informatique était bloquée, convoqua un spécialiste extérieur pour décoincer la situation. L’homme arrive, va vers un écran, l’allume et parcourt un certain nombre d’icônes et de fichiers. Après 10 minutes de recherche il se tourne vers le directeur qui l’a fait appeler et lui indique un bouton en lui disant : « s’il vous plaît, pressez sur ce bouton ! ». Le directeur s’exécute et l’ensemble de l’informatique se remet à fonctionner. Le directeur se tourne vers le consultant, le félicite, le remercie chaleureusement et lui demande de lui envoyer sa note d’honoraires. Ce dernier s’en va et envoie quelques jours après une facture de 1.000 €, libellée comme suit : « intervention informatique dans la société S. ». A réception, le directeur s’indigne : « quoi ? 1.000 € pour 10 minutes d’intervention, c’est exorbitant ! Demandez-lui une facture détaillée. » Ce qui fut fait. Le consultant renvoya une facture libellée désormais de la manière suivante : « indiquer le bouton sur lequel il est nécessaire d’appuyer : 1 euro ; identifier le bouton susnommé : 999 € ; TOTAL 1.000€.

Le levier universel de la richesse : la productivité

La société avance par un levier principal qui est l’amélioration de la productivité. À l’origine les hommes ont d’abord été des chasseurs-cueilleurs et sur dix individus, les 10 se livraient continuellement à cette activité. Il est possible d’ailleurs que dès cette époque une certaine spécialisation se soit instaurée entre les chasseurs proprement dits et ce que nous pourrions appeler des rabatteurs aujourd’hui. Si la chasse de ces 10 personnes en est devenue plus efficace que la somme de celles des 10 individus pris isolément, ces derniers venaient d’inventer la productivité.

Comment « produire plus » avec un nombre d’individus donné, ou bien :
Comment « produire la même chose » avec un nombre d’individus réduit.
Dans les deux cas la « production » par tête, et pour simplifier, la richesse, s’est améliorée.
Accessoirement, du temps disponible a été libéré qui va pouvoir être consacré à imaginer la couche suivante de productivité.

Après la cueillette et la chasse, les hommes sont passés à l’agriculture, plus efficace et plus productive, puis n’ont cessé d’empiler les améliorations pour n’employer plus à ce jour, que moins de 4% de la population active dans les pays développés, pour nourrir la société, alors que 90% ou presque des individus s’y consacraient encore dans les années 1900. A suivi, la révolution industrielle.

Vive la mondialisation productivité

La dernière couche massive de productivité a été la mondialisation, fort injustement taxée aujourd’hui de tous les maux alors qu’elle a permis l’accès à l’aisance de la plus grande partie des populations des pays développés et la sortie de la pauvreté « absolue » d’un nombre grandissant de pays en voie de développement. Elle repose sur une optimisation mondiale de l’allocation géographique de la production permise d’un côté par les progrès extraordinaires du transfert et de la rapidité de l’information, et d’autre part de l’efficacité et du faible coût des transports en particulier maritimes. Elle ne s’est bien entendue pas faite sans cris ni douleurs, mais ceci n’est pas nouveau (rappelons-nous déjà les canuts) et c’est tout de même grâce à elle que désormais la famine a disparu de Chine et que l’ouvrier français peut acheter sa télévision 200 € et son tee-shirt 10 (ce qu’il oublie souvent de reconnaître).

La productivité demain

La question est : quelle sera la prochaine couche ? On entend le plus souvent parler désormais de la révolution numérique. Il est certes tentant de penser que l’amélioration des systèmes d’information et en particulier de leur massification permettra des gains substantiels de productivité : par exemple on parle depuis des années en France d’un dossier médical unique. Chaque individu pourrait avoir demain une sorte de casier informatique virtuel dans lequel la totalité des informations concernant sa santé serait stockée. Dès lors, plus de double visite, plus de triple examen et d’attentes inutiles, etc. ce serait un grand progrès. Se pose le problème de la confidentialité mais il a été résolu dans bien d’autres cas similaires pourvu qu’on veuille bien s’en donner la peine. Beaucoup d’échanges monétaires peuvent également s’automatiser : d’où la montée en puissance par exemple des prélèvements, etc.

Les quatre vraies raisons

Il me semble qu’en parallèle cette révolution de l’information devrait permettre (et d’ailleurs permet déjà) une amélioration importante de l’allocation des ressources et en particulier des investissements. Nous avons tous un marteau que nous n’utilisons que 2 × 10 minutes par an ce qui en termes de saturation des outils de production est une véritable catastrophe. Pour les marteaux ce n’est pas très grave mais c’est la même chose pour les voitures ou pour les logements. Le principal intérêt de Vélib’, d’Auto lib’, ou d’AirBNB c’est d’abord le partage et en conséquence la saturation de l’utilisation du capital investi. Nous pouvons désormais éclater massivement la propriété entre détention du bien et usufruit de ce dernier ou de la prestation correspondante, surtout si elle est disponible immédiatement. Je pense qu’il ne faut pas confondre l’amélioration de la saturation des investissements avec la révolution numérique qui la rend possible. D’immenses progrès ont par ailleurs été réalisés dans la gestion de la « Supply Chain »[[La supply chain est l’enchaînement : achats + production + logistique = le produit fini délivré au consommateur]]. C’est le succès d’Amazon[[On glose beaucoup sur ce mode de financement mais c’est déjà depuis longtemps celui des médias : presse et télévision.]] qui l’a d’ailleurs couplé avec la notion de plate-forme (lieu d’échange protéiforme d’information et de produits entre les producteurs et les consommateurs) et le mode de financement par la publicité (vente de carnets d’adresses indexées avec les habitudes d’achat)[[à noter qu’un système comme Vélib’ à Paris a mis presque trois ans à se stabiliser et à être réellement utile du point de vue du consommateur. Le changement en cours à commencé il y a plus d’un an et il est encore loin d’être satisfaisant.]], indolore pour le consommateur.

Que le meilleur gagne, à armes égales

Se pose dès lors la question, comme toujours, de la compétition entre l’ancien système (par exemple les hôtels ou les magasins physiques) et le nouveau (air BNB ou Amazon). Comme Schumpeter, je dirais « Que le meilleur gagne ». Encore faut-il que les conditions de concurrence soient claires et équitables. Les logements mis à disposition par les particuliers devraient se plier aux mêmes règlements de conformité que les hôtels, que ce soit en matière de prestations, de sécurité ou de fiscalité et réciproquement ; la livraison d’Amazon doit être aussi fiable et contrôlable que le geste d’achat physique pour le consommateur et la prestation du magasin doit se comparer à celle du site : livraisons en particulier, etc. Un gros travail réglementaire et fiscal est encore à réaliser, qui se doit d’être efficace mais ne doit pas étouffer, sous prétexte de perpétuer des rentes, l’éclosion de nouvelles productivités.

 

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