À l’occasion de la sortie en France du film turc d’Emin Alper Burning Days, il nous a semblé intéressant de revenir sur le concept de démocratie sociale.
L’histoire se passe en Turquie, dans une bourgade pauvre et isolée. Un nouveau procureur, représentant officiel de la loi, va se trouver confronté à des habitudes locales pour le moins irrationnelles et illégales. Avec une certaine rigidité certes, il va tenter de remettre « de l’ordre » dans une situation que l’auteur a embrouillée à plaisir : traditions, népotisme, violences de toutes sortes (viols, battues, manifestations, menaces, racismes, homophobie, etc.) gestion dévoyée du bien public, en particulier de l’eau, par des édiles indéboulonnables. Rigide et maladroit, bien qu’honnête, il finirait lynché comme dans un western mais… nous préférons ne pas dévoiler la fin. L’auteur a probablement trop accumulé de preuves mais voici un film qui pose crûment la question de la validité de la voix de la foule, à défaut d’être celle d’électeurs, un peu plus sereins et éclairés. Accessoirement, c’est un reportage intéressant sur la vie d’une bourgade en Turquie profonde dans les années 2020.
Nous nous étions exprimés début Février à propos du concept de « démocratie sociale » prôné par Laurent Berger, secrétaire en titre de la CFDT, dans le cadre des débats sur la loi « retraites ».
En résumé, notre organisation constitutionnelle est basée sur une démocratie universelle et représentative (tout le monde est appelé à voter pour élire des représentants qui proposeront et voteront des lois, un exécutif chargé de les proposer également et surtout de les appliquer, une justice qui contrôlera l’ensemble du système. C’est le socle des règles de vie entre les citoyens, membres de la société (rien de vraiment nouveau depuis Montesquieu et la séparation des pouvoirs, à quelques réglages près).
La thèse de Monsieur Berger est qu’il existe une deuxième forme de démocratie qu’il a baptisée « démocratie sociale », probablement pour la rendre plus digeste, laquelle serait la manifestation de rue. Ceci n’est pas réellement une innovation et l’histoire de la France en particulier, de révolution en révolution, en compte de multiples, sans compter les jacqueries et autres guerres de religion. Le problème est que le système parlementaire a très exactement été inventé pour essayer d’échapper à ce type de « démocratie », lequel a généralement débouché sur des phases de chaos et de répressions plus ou moins violentes et un nombre conséquent de dictateurs. C’est pourtant le secret espoir de son soutien (objectif, diraient les marxistes), Jean-Luc Mélenchon, leader de la NUPES.
Le 1er mai a-t-il éructé : « Il faut mettre bas la mauvaise république … ! ». Il a tenu un discours radical au cours de ce qui est devenu la énième manifestation des retraites (à noter l’habileté qui consiste à empiler une nouvelle manifestation sur une manifestation existante, ce qui permet d’additionner allègrement le nombre de participants)[[On dirait Nespresso en train de lancer une nouvelle variété.]]. Il s’agit, excusez du peu, de mettre à bas la mauvaise république. À défaut de pouvoir être élu président de la République, Jean-Luc Mélenchon se verrait bien rester dans l’Histoire comme un nouveau Saint-Just ou tel autre membre de thermidor.
Les conséquences de cette tentative de mise en place de la démocratie sociale par cette 13e journée de mobilisation contre la réforme des retraites sont tout de même intéressantes à examiner :
1. Probablement de l’ordre de 15 millions de journées de travail perdues, soit grossièrement une demi-journée d’arrêt de production de l’entreprise France.
2. Une gêne importante pour l’ensemble de la population non-gréviste qui, à chaque fois (treize fois cette fois-ci), doit trouver des aménagements à son organisation de vie, voire perdre une journée de travail.
3. Plus de 1000 policiers, gendarmes ou sapeurs-pompiers blessés depuis le début de l’épisode « retraites ». Concernant les manifestants il est impossible d’avoir même une évaluation (quoi ? Comment ? Où ?) mais si l’on en juge par leur cris et la presse, ce n’est certainement pas inférieur au chiffre de leurs adversaires. Au total, on s’approche de la moitié des morts par an sur la route ! (il est vrai que ce ne sont pas des morts, mais il n’y a que treize journées ).
4. Le seul 1er mai en France, 540 interpellations et 406 policiers blessés. Rien qu’à Paris, 305 interpellations et 108 policiers blessés.
5. Des coûts de sécurité qui ne cessent de s’amplifier. Il semblerait que le sacre de Charles III va coûter à l’Angleterre environ 100 millions de livres mais surtout que 60 % de cette somme a été, qui l’eût imaginé, consacrée à la sécurité ! « LE » problème des jeux Olympiques à Paris, c’est celui de la sécurité. On prenait l’avion autrefois en liste d’attente en 10 minutes, aujourd’hui on fait la queue aux contrôles.
6. Une image de la France vis-à-vis de l’étranger très détériorée : Paris = les poubelles et les émeutes : vive le tourisme ! et le refus de regarder le vieillissement de la population (un progrès pourtant) en face, et de s’adapter en conséquence…
7. Des coûts de détérioration de boutiques, de mobilier urbain, etc. inchiffrables mais réels et qui se traduiront en impôts en prime d’assurance.
8. Le développement d’actions similaires par d’autres minorités : les chasseurs et les agriculteurs auraient souillé par du fumier et autres détritus plus de 40 « permanences » écologiques. Encourageons-les ! Pourquoi pas eux ?
Conclusions : en théorie, ces problèmes devraient être réglés dans les différentes instances de régulation de la nation et bénis ensuite par la justice. On est bien obligé de constater aujourd’hui que le système ne fonctionne pas, ou plus du tout, ou très mal. La responsabilité de la justice dans ce débat est loin d’être inexistante, à cause d’un fonctionnement incompréhensible pour le citoyen lambda tant dans ses décisions que dans ses délais et dans son application, il serait bon que cette dernière se penche de manière plus efficace sur ses résultats plutôt que de se retrancher derrière des explications. La justice « explicative » et « restaurative », délivrant trois ans après les faits des peines non effectuées par manque de place dans les prisons, cela ne semble tout simplement pas fonctionner !
Accessoirement, le système éducatif, qu’il soit familial ou national, devrait également s’interroger sur les valeurs qu’il inculque aux futurs citoyens.
Quant aux syndicats, ils semblent tout à fait capables de manifester sans violence quand ils en ont décidé ainsi.
3 commentaires
¿ démocratie sociale?
« »La Démocratie sociale consiste à promouvoir la construction d’une citoyenneté sociale se traduisant dans les faits par des élections sociales qui permettent aux salariés cotisants d’élire les conseils d’administration des organismes tels que la Sécurité sociale, chômage, maladie, retraites… les Prud’hommes « »
Le fait que les retraites de base soient massivement payées par l’impôt et la dette (au contraire des retraites comme Agirc-Arrco et quelques autres) a privé la démocratie sociale et les syndicats des capacités à régler les problèmes de financement et reporté la charge sur le gouvernement et le parlement où les actifs sont minoritaires .
La rue, où les fonctionnaires et régimes spéciaux déficitaires étaient sur représentés, était un mauvais substitut de la démocratie sociale.
Les démocrates sociaux ont effectivement été impuissants à dépasser la simple opposition brute sans proposer d’alternatives qu’auraient pu soutenir par des votes réguliers les différentes populations d’actifs, aux intérêts divergents.
« Burning Days » ou la faillite de la démocratie sociale
Démocratie sociale est un pléonasme, ce sont ces mots fabriqués par une gauche à court de moyens culturels et intellectuels qui forge ces absurdités : grand bien leur fasse ! On voit le résultat.
« Burning Days » ou la faillite de la démocratie sociale
A contrario, on peut aussi considérer qu’il s’agit d’un oxymore.