Il existe aux États-Unis deux structures juridiques et fiscales qui répondent très bien aux besoins des créateurs d’entreprises : les S corporations et les LLC – Limited Liability Company – qui sont des formes juridiques très employées car elles combinent deux avantages :
– la responsabilité limitée : contrairement aux sociétés de personnes qui engagent le patrimoine personnel des créateurs ;
– la transparence fiscale, qui évite la double imposition des bénéfices au niveau de l’entreprise puis de l’actionnaire : les entreprises ne paient pas d’impôt sur leurs bénéfices, car les bénéfices ou les pertes sont remontées au niveau de l’actionnaire au pro rata de sa participation et l’actionnaire paie l’impôt sur le revenu, en y intégrant ces bénéfices ou ces pertes.
Les conditions fixées par l’IRS, la DGI américaine, étaient au début, qu’il y ait moins de 75 actionnaires, que tous les actionnaires soient des résidents fiscaux américains, et qu’il n’y ait qu’une seule catégorie d’actions, mais elles ont été progressivement élargies.
Quant aux activités, elles ne doivent pas être financières (banque, assurance).
Pour la LLC : il n’y avait pas de condition particulière quant aux actionnaires. Les seules restrictions concernent les activités, qui ne doivent pas être financières.
Les LLC sont des structures récentes. Elles n’existaient que dans deux états avant 1990 et ont fait l’objet d’une clarification importante par l’IRS en 1996 devant le risque de requalification en C corporation, et l’incidence fiscale pénalisante pour l’actionnaire.
Elles se sont depuis beaucoup développées.
Dès 2000, les Sub S représentaient 55% des corporations (c’est-à-dire des sociétés qui envoient des déclarations de bénéfice à l’IRS). Elles représentaient 2,7 millions d’entreprises et 5 millions d’actionnaires environ.
Les LLC étaient passées de 17.000 en 1993 à 470.000 en 1998.
Avec les LLC elles représentaient seulement 10,2% de l’emploi des entreprises répertoriées dans le Survey of Consumer Finances de 1989 et 54,4% en 2013
Comme visible sur le graphique en fin d’article, elles sont devenues la forme prépondérante de création d’entreprises.
Ces structures possèdent deux caractéristiques importantes :
– on peut facilement convertir une S en C et le contraire, autant de fois que l’on veut. Il s’agit simplement pour les actionnaires de révoquer le choix du régime de la S corporation (ou de la LLC). C’est une décision qui doit cependant être prise à l’unanimité des actionnaires ;
– il n’y a pas de plafond pour les sommes qui peuvent être déduites des revenus des actionnaires en cas de pertes. La seule limitation est le montant investi par l’actionnaire.
LES S CORPORATIONS EXPLIQUENT LE SUCCES ECONOMIQUE AMERICAIN
L’économie américaine est l’une des machines à créer des entreprises et des emplois les plus performantes : en 20 ans, l’emploi a crû de près de 50%, permettant d’absorber une croissance annuelle de la population active de l’ordre de 2,5%, 5 fois le taux de croissance de la population active française. Et la croissance du parc d’entreprises a été proportionnelle, montrant qu’il y a bien un lien direct entre la croissance des entreprises et la croissance de l’emploi.
La S combine la limitation de responsabilité des actionnaires, limitée à leur apport et non pas portant sur tous leurs biens, comme les associations en participation, avec les avantages de la transparence fiscale.
C’est la formule idéale pour débuter une société car les débuts d’une entreprise sont les plus risqués, c’est la période où les pertes sont les plus probables et il est donc intéressant pour les actionnaires de voir ces pertes transférées vers eux car ils en récupèrent presque immédiatement environ la moitié à travers les réductions d’impôt sur le revenu.
Cette formule est d’autant plus intéressante que lorsque l’entreprise s’est installée et commence à faire des bénéfices, il est possible d’abandonner le statut de la S pour le statut de la C corporation qui est le statut usuel, celui de la plupart des grandes entreprises. Dans ce statut, les bénéfices sont taxés au niveau de la firme avant d’être distribués et il y a une double imposition puisqu’ils sont taxés à nouveau lorsqu’il y a distribution de dividendes.
Mais la pratique des PME américaines est de ne pas ou peu distribuer et d’accumuler car l’investisseur préfère voir la valeur de son capital croître, vendre et réaliser des plus-values que de toucher des dividendes. En effet, la taxation des plus-values est généralement moitié de celle des dividendes (du moins jusqu’à la récente réforme fiscale de Bush junior ramenant la taxation des dividendes à 15%)
Il y avait donc un encouragement formidable à placer de l’argent dans les entreprises nouvelles car l’État prend la moitié du risque à sa charge et en cas de profit, le taux de taxation des plus-values est environ la moitié de celui des revenus d’autres formes de placement.
Qu’attend-on pour copier en France ?
En fait, le mécanisme de la Sub S a été copiée par la loi d’août 2008 dans son article 30 qui est devenu l’article 239 bis AB.
Mais la portée de cet article a été complètement torpillée par la DLF (direction de la législation fiscale) qui a imposé l’application simultanée de l’article 156 I du CGI qui « tunnellise » la possibilité de déduire les pertes de profits de même nature.
En d’autres termes, les pertes encourues dans le financement d’une création d’entreprise qui appartiendrait aux BIC ne pourraient être déduites que de bénéfices BIC et non de revenus salariaux ou de revenus mobiliers. Aucune restriction de cette nature ne figure, bien entendu, dans la loi américaine.
Par exemple, un chef d’entreprise qui aurait vendu et aurait des revenus de portefeuille ne pourrait déduire ses pertes faites dans un investissement comme Business Angel, de ces revenus.
Toutes les tentatives que nous avons menées pour faire comprendre que ce traitement aboutissait à empêcher l’émergence des Business Angels dont nous manquons désespérément, se sont heurtées à la résistance de la DLF qui nous a fait répondre par un membre du cabinet de Christine Lagarde, que la France ne pouvait faire machine arrière sur 20 ans de conquête de la tunnellisation par la DLF.
Tant pis pour l’emploi.