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Les depenses publiques en France (3ème partie et fin)  

par Philippe Baccou
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L’étude comparative sur les dépenses publiques en France et dans l’Union européenne publiée par l’IRDEME s’achève par son troisième volet, portant sur la fonction « protection sociale », principale cause du surcroît de dépenses de notre pays.

4) Des écarts de dépenses publiques de protection sociale importants, mais à relativiser.

À la différence des autres dépenses publiques, les dépenses de protection sociale sont principalement des dépenses de redistribution monétaire. Pour les analyser plus finement, il convient de les décomposer en sous-fonctions, ce que permettent les données d’Eurostat.

a) Maladie et invalidité.

Cette sous-fonction, rappelons-le, décrit principalement le versement de prestations en espèces : indemnités d’assurance maladie, pensions d’invalidité. Pour la maladie, les prestations en nature sont comptabilisées dans la fonction « santé ».

Ce n’est pas là qu’il faut chercher à identifier un surplus marqué de dépense publique de la France par rapport à la moyenne européenne. L’Allemagne, en particulier, dépense 0,5 point de plus que la France en proportion du PIB.

2023Eurostat dép. publiques maladie invalidité (% PIB)
UE2,7
Allemagne3,3
Espagne2,7
France2,8
Italie1,7
Pays-Bas4,5
Pologne1,9

b) Vieillesse, survie

La survie correspond principalement aux pensions de réversion des systèmes publics de retraite. Vieillesse et survie, réunis, consommaient en moyenne près de 12 % du PIB de l’Union européenne en 2023. La France y consacrait 2,8 points de PIB de plus que l’UE et 3,3 points de plus que l’Allemagne.

2023Eurostat dépenses pub. vieillesse (% PIB)Eurostat dépenses pub. survie (% PIB)Eurostat dép. pub. vieillesse survie (% PIB)
UE10,41,411,8
Allemagne9,51,811,3
Espagne10,22,212,4
France13,11,414,6
Italie13,62,416
Pays-Bas5,905,9
Pologne10,21,511,7

Ces dépenses publiques de « vieillesse-survie » ne sont pas comparables aux dépenses dites de « pensions », calculées également par Eurostat. Cela tient, d’une part, à des différences dans la nature des prestations retenues dans le calcul, d’autre part, et surtout, au fait que les dépenses de vieillesse-survie n’incluent que des régimes publics obligatoires, alors que les dépenses de pensions incluent également des régimes privés. Cela explique, par exemple (voir les deux premières colonnes du tableau ci-après concernant l’année 2022), l’écart considérable de 5,3 points de PIB entre les deux mesures, constaté pour les Pays-Bas : dans ce pays, le versement des pensions de retraite est assuré, pour une bonne part, par des régimes privés professionnels dits « à prestations définies », dans lesquels les employeurs s’engagent sur le niveau futur de la pension.

2022Eurostat dép. publiques vieillesse survie(% PIB)Eurostat dépenses de pensions
 (% PIB)
Âge effectif moyen de prise de retraite (années)*Part de la population dépassant l’âge effectif (%)
UE11,712,3  
Allemagne11,511,663,524,5
Espagne12,213,06224,1
France14,614,761,525,7
Italie15,815,562,527,3
Pays-Bas5,811,164,520,5
Pologne10,710,26321,7
*Source : OCDE, Pensions at a glance 2023, p. 191 ; moyenne des âges effectifs de sortie du marché du travail pour les hommes et les femmes, arrondie à 0,5 près.

Le principal levier permettant de limiter le poids des retraites dans les dépenses publiques est le recul de l’âge effectif moyen de sortie du marché du travail, ou de prise de retraite (3e colonne du tableau ci-dessus). Cet âge est assez largement déconnecté de l’âge légal. Il a tendance à se relever dans tous les pays, y compris la France. Un relèvement de 1,5 année, portant l’âge effectif moyen à 63 ans, aurait suffi en 2022 à permettre de baisser de plus d’un point la part des dépenses publiques « vieillesse-survie » dans le PIB français.

À terme, le facteur déterminant est démographique. Aucun miracle n’est à attendre, que ce soit en régime de répartition ou de capitalisation, dans un pays où le taux de fécondité reste trop bas par rapport à ceux de ses voisins. C’est le cas, notamment, de l’Italie et de l’Espagne.  A contrario, la France, dans l’avenir, devrait se placer en meilleure position relative, du fait de son dynamisme démographique supérieur à celui de la plupart des pays d’Europe.

c) Famille.

Comme la Pologne, la France a un plus haut niveau de redistribution en faveur des familles que la moyenne de l’UE et que l’Allemagne : respectivement, 0,4 point et 0,5 point de PIB en plus.

Est-ce pour autant excessif ? Non, car cette générosité est un investissement plus important en faveur de la reproduction de la population. Elle favorise donc, à terme, un meilleur équilibre du système de retraites et un plus grand dynamisme économique (innovation, création d’entreprises et d’emplois).

2023Eurostat dépenses publiques famille (% PIB)
UE1,9
Allemagne1,8
Espagne1
France2,3
Italie1,4
Pays-Bas2
Pologne2,4

d) Emploi.

Le poids de ces dépenses publiques est relativement limité, avec un écart de 0,4 point pour la France par rapport à la moyenne européenne, mais minime par rapport à l’Allemagne. Les réformes en cours devraient faire baisser un peu le poids des dépenses pour l’emploi en France, sans qu’il faille en attendre des économies massives.

2023Eurostat dépenses publiques emploi (% PIB)
UE1,2
Allemagne1,5
Espagne1,5
France1,6
Italie0,9
Pays-Bas0,6
Pologne0,2

e) Logement.

2023Eurostat dépenses pub. logement (% PIB)
UE0,3
Allemagne0,4
Espagne0,0
France0,7
Italie0,0
Pays-Bas0,4
Pologne0,0

Il s’agit ici des prestations sociales à la personne, du type de l’allocation logement. Leur poids dans le PIB n’est pas gigantesque, mais il excède tout de même de 0,3 à 0,4 point la moyenne de l’Union européenne ou le chiffre constaté en Allemagne. En combinant ce poste avec les dépenses du type « aide à la pierre » ou « politique de la ville » (voir la deuxième partie de la publication de la présente étude), cela fait apparaître un net excès global de la dépense publique française pour le logement et la ville, par rapport à nos voisins.

f) Lutte contre l’exclusion sociale.

Ce poste regroupe principalement des prestations relatives à la lutte contre la pauvreté (RSA, prime d’activité) ou à l’immigration (aide aux demandeurs d’asile).

Ici encore, la France se distingue de la moyenne des pays de l’UE, et plus nettement de l’Allemagne, par un niveau de dépenses publiques plus important en proportion du PIB.

2023Eurostat dépenses publiques exclusion (% PIB)
UE1,0
Allemagne0,6
Espagne0,7
France1,3
Italie0,9
Pays-Bas2,0
Pologne0,4

Au terme de cette exploration, il devient possible de comprendre un peu mieux le pourquoi du surprenant écart du poids des dépenses publiques entre la France et ses partenaires de l’UE, notamment l’Allemagne.

Pour partie (environ un quart, soit 2 points de PIB), l’écart constaté en 2023 paraît explicable par un partage différent des modes de financement de dépenses de même nature, aussi lourdes à financer par la collectivité, quel que soit le système retenu : santé, retraites en partie.

Pour une autre partie, plus réduite (un point de PIB), l’écart s’expliquait par des choix de politique publique à long terme qui honorent la France : en bradant moins l’effort de défense, en investissant plus dans la politique familiale, la France a fait moins de bêtises que ses voisins, qui regrettent, et risquent de regretter de plus en plus, certains de leurs choix passés.

Une troisième partie (au moins deux points de PIB) correspond à des dépenses, plus coûteuses en moyenne en France, sur des fonctions pour lesquelles semble se poser un vrai problème d’efficacité et d’utilité de la dépense publique : interventions économiques, urbanisme et logement, culture et audio-visuel, environnement, exclusion et minima sociaux notamment.

Reste le gros poste consacré aux retraites, pour lequel l’écart actuel avec nos voisins, de l’ordre de 3 points de PIB, n’est qu’en partie imputable à des différences de mode de financement. Pour le surplus, cet écart pourrait être principalement résorbé de deux façons :

* en premier lieu, par un relèvement plus rapide en France de l’âge effectif de départ (objectif atteignable indépendamment de toute réforme de l’âge légal de départ) ; cet ajustement aurait le double avantage d’alléger le poids des dépenses de retraite et d’accroître le volume de travail, donc de cotisations, permettant de financer les retraites ;

* en second lieu, par l’effet d’une situation démographique plus favorable, ou moins défavorable, en France que chez la plupart de ses voisins : à l’horizon de quelques dizaines d’années, les perspectives des systèmes de retraite en Italie et en Espagne, notamment, sont bien plus inquiétantes que chez nous. Même vis-à-vis de l’Allemagne, l’avantage démographique de la France, certes plus faible, aura pour effet de rééquilibrer quelque peu la situation relative des deux pays.

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5 commentaires

zelectron juin 6, 2025 - 12:23 pm

un fonctionnaire coûte pour l’ensemble de sa carrière la somme moyenne de 4 millions d’€uros (chiffre mis à jour d’après Didier Migaud ex président de la cour des comptes. . . . .
à multiplier par 2 millions de fonctionnaires non nécessaires (inutiles? double emplois, inoccupés, suppôts de machines à café)

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zelectron juin 6, 2025 - 12:25 pm

En France ce n’est plus la méritocratie qui gouverne mais la racquaillocratie !

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zelectron juin 21, 2025 - 5:49 pm

Ne soyez pas naïf, l’avantage démographique de la France est du aux « ventres d’invasion » des islamistes . . . .

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Eplf IRDEME juin 22, 2025 - 9:34 am

Cher Zelectron, oui la natalité de certaines populations ayant immigré en France est plus élevée que celle des françaises des villes… mais, selon plusieurs sondages, 2/3 veulent et réussissent à s’intégrer. Ceci étant, cette petite différence avec nos voisins ne sera pas forcément significative, du fait de nos déficits (= taux d’emploi officiel et taxable trop bas) et de l’échec, depuis 2-3 décennies, de l’éducation, dite nationale, à former des esprits modernes de bons niveaux.

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Yves Montenay juillet 6, 2025 - 6:15 pm

Lu attentivement. Merci !
Malheureusement pas de grosses surprises dans mes domaines

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