Page d'accueil Regards sur l'actualité ET PUIS ZUT … Une situation politique désespérante et un régime présidentiel à revoir.

ET PUIS ZUT … Une situation politique désespérante et un régime présidentiel à revoir.

par Bertrand Nouel
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En France, il y a les fous qui veulent tout casser, et exigent d’appliquer leur programme, tout leur programme et rien que leur programme, sinon c’est la censure automatique, il y a des écologistes avec eux qui refusent de participer à un gouvernement d’intérêt général et d’accepter un Premier ministre qui ne vienne pas de son groupe, il y a un chef qui ne veut qu’un tel gouvernement d’intérêt général, il y a les citoyens qui ne comprennent pas trop ce que cela veut dire, mais qui gobent béatement que tout peut continuer sans problème, nient  les difficultés économiques et financières quand cela les dérange, il y a une autre Marine qui n’a qu’une obsession, outre des promesses démagogiques, qui déteste Xavier Bertrand et tout son parti, qui vote une motion déposée par les fous dont elle est la plus éloignée, et se déclare prête à revoter la censure, il y a un patron socialiste réduit à l’état d’ectoplasme incapable, il y a un Cazeneuve vomi par ses ex-amis socialistes, il y a un Attal qui savonne la planche du Premier ministre Barnier, il y a un Bayrou détesté par les LR, il y a un Hollande votant pour les fous, il y a un Macron qui refuse de recevoir les deux partis ayant eu le plus grand nombre de députés et d’accepter des compromis avec eux, il y a un Wauquiez qui joue sa carte personnelle, il n’y a aucun débat sérieux sur le désendettement de la France, il y a…et puis zut !

La France se retrouve bloquée par le vote conjoint d’une censure par les deux partis extrêmes de l’Assemblée, partis qui s’opposent radicalement dans leurs programmes. La motion de censure proposée par LFI a en effet été votée par le RN – l’inverse n’aurait pas été possible, le LFI ayant exclu par avance de voter la motion déposée par le RN.

Cette censure conjointe de deux partis que tout oppose entre eux, choque à juste titre les Français qui ne voient pas comment on peut se sortir de la situation conduisant nécessairement à l’impuissance faute de pouvoir désigner un gouvernement qui ne soit pas immédiatement censuré. Les appels à la responsabilité des députés pour se conduire conformément à l’«intérêt général » ne sont d’aucun secours en l’occurrence, bien qu’on puisse quand même juger (certains en doutent cependant!) que voter le budget de la Nation et celui de la Sécurité sociale relève de l’intérêt général…

Il y a deux solutions envisageables à une telle situation : l’accord de non-censure et l’introduction dans la Constitution de la « motion de censure constructive ».

L’accord de non-censure.

C’est une solution actuellement envisagée par le parti socialiste. Elle consiste à ce que les partis signataires de l’accord s’interdisent de voter la censure, et en contrepartie le gouvernement s’engage à ne pas utiliser l’article 49.3 de la Constitution.

C’est une mauvaise idée et un piège pour les partis. Car l’article 49.3 est une institution fondamentale, qui permet d’obtenir un vote sur le budget dans de délais acceptables sans avoir à contraindre les oppositions minoritaires de voter en faveur d’un budget qu’elles réprouvent.  L’accord revient à priver le gouvernement de son arme essentielle et à accepter de ne pas se défendre si personne n’attaque. « C’est de la charité », réagit un ancien ministre du gouvernement Attal. C’est surtout la certitude qu’aucun budget dynamique et réformateur ne sera voté. « En l’absence de majorité, le 49.3, c’est le seul outil pour faire des économies et réduire le déficit », rappelle le député EPR Thomas Cazenave. A quoi servirait un budget qui ne serait que de l’eau tiède et n’apporterait aucun remède aux problèmes financiers de la France ? Autant reconduire le budget de l’année précédente…

Quant aux partis, ils se trouveraient piégés par le fait de laisser passer un budget qui les contraindrait à respecter une solidarité qui les handicaperait dans l’avenir.

La « motion de censure constructive ».

Evidemment, la France n’essuie pas les plâtres d’une situation inconnue dans le monde, et il existe une solution déjà largement pratiquée ailleurs: « la motion de censure constructive ». Comme l’indique le site Wikipedia consacré à cette mesure, « La motion de censure constructive est une motion de censure qui doit automatiquement prévoir un chef de gouvernement pour remplacer celui qu’elle propose de renverser.

Ce type de motion, inventé par la Loi fondamentale d’Allemagne, empêche ainsi toute coalition de circonstance (ou « coalition des extrêmes ») entre des partis qui, une fois la censure votée, ne pourraient se mettre d’accord sur le nom d’un nouveau chef du Gouvernement.

La motion de censure constructive est issue d’une réflexion de la doctrine allemande engagée sous la République de Weimar… C’est la conséquence directe de l’instabilité gouvernementale de la république de Weimar où les communistes et les nazis passaient une alliance de circonstance pour renverser les gouvernements qui se succédaient alors à un rythme effréné. » 

La Constitution allemande.

Le chancelier fédéral est désigné par le Président fédéral et élu dans débat par la majorité du Bundestag. Faute de majorité, le Bundestag peut élire un autre chancelier. Un second tour de scrutin est prévu pour une élection à la majorité relative. Au cours du mandat du chancelier, si ce dernier propose une motion de confiance qui n’obtient pas la majorité au Bundestag, un droit de dissolution est ouvert au profit du Président fédéral sur proposition du chancelier.

En cas de motion de défiance, l’article 67 de la Constitution allemande dispose que « Le Bundestag ne peut exprimer sa défiance envers le Chancelier fédéral qu’en élisant un successeur à la majorité de ses membres et en demandant au Président fédéral de révoquer le Chancelier fédéral. Le Président fédéral doit faire droit à la demande et nommer l’élu. »

Retenons donc, par différence avec la Constitution française, que le chancelier est élu par le Bundestag (au lieu d’être seulement désigné par le Président), et qu’il ne peut être renversé que si un  successeur est élu à sa place à la majorité. En France, le Premier ministre n’est pas élu, et rien ne l’oblige à demander la confiance de l’Assemblée. En revanche, aucune condition n’existe pour la censure du gouvernement.

Il est à noter que cette disposition de motion constructive existe aussi dans un grand nombre de länder allemands pour l’élection des « ministerpräsident » locaux. Et dans le monde, divers pays connaissent des dispositions semblables, le plus important étant l’Espagne.

Modifier la Constitution française.

En France, le principe de la motion constructive a eu ses partisans il y a longtemps. En particulier, Jaurès le préconise en 1888, afin de mettre fin à ce qu’il appelait les « votes de coalition ». Il et aussi préconisé par le projet Gaillard en 1946 puis par le projet Pflimlin, mes deux fois sans être adopté.

Les circonstances actuelles sont telles qu’une révision constitutionnelle serait une solution évidente pour que le vote de censure du 4 décembre ne puisse pas se reproduire. On ne voit pas en effet le RN se mettre d’accord sur le nom d’un Premier ministre proposé par LFI, l’inverse étant exclu d’emblée comme on l’a dit.

Malheureusement, nous ne sommes pas en position de modifier la constitution rapidement ce qui demande un large consensus et du temps que nous n’avons plus. Il nous reste à espérer que la pression de l’opinion publique, qui devrait s’offusquer de voir une seconde fois renverser un gouvernement du fait d’une alliance contre nature, fasse reculer les partis extrêmes au moment du vote de censure que LFI a annoncé déposer dès la nomination de François Bayrou comme Premier ministre.

Une réflexion à poursuivre pour le moyen terme.

Il reste cependant plusieurs différences notables avec la Constitution allemande. En Allemagne la légitimité du chancelier est supérieure à celle du Premier ministre français puisque le Bundestag doit élire le chancelier à la majorité alors que le Premier ministre n’est que désigné par le chef de l’Etat et qu’il n’est pas obligé de demander la confiance du Parlement lorsqu’il prend ses fonctions. C’est un effet du régime français plus marqué par le présidentialisme que le régime allemand.

Il est donc normal que le chancelier allemand soit mieux protégé que le Premier ministre français et on pourrait y voir une objection à ce que le Parlement soit contraint de proposer un successeur à un poste dont il n’a pas contribué à désigner le titulaire. Mais contraindre le Premier ministre à demander la confiance des députés lors de son entrée en fonctions aurait-elle pu éviter la censure immédiate dans le cas Barnier, on peut en douter…

D’autre part, en Allemagne, le parti arrivé en tête aux législatives ouvre avec les autres partis des discussions afin de se mettre d’accord sur un programme de gouvernement – l’inverse de ce qu’a fait le parti LFI qui prétend avoir gagné les élections et en même temps proclame qu’il ne veut discuter que sur la base de son propre programme, tout son programme et rien que lui -. Enfin, le pouvoir du Président de la République allemande se borne à pouvoir dissoudre le Bundestag dans le seul cas où ce dernier ne parviendrait à élire un chancelier à la majorité.

On le voit, une différence considérable existe entre les régimes allemand et français. C’est désormais le caractère présidentialiste du régime français, taillé pour le système majoritaire du général de Gaulle, qui paralyse les institutions. Il est temps de revenir à un véritable régime parlementaire permettant aux partis de prendre leurs responsabilités sans avoir comme seul objectif de faire tomber le Président pour prendre sa place. Il va falloir changer de République, la Vème a vécu. Vaste programme !

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1 commenter

moulin décembre 15, 2024 - 11:04 am

Selon Philippe de Villiers, le fait que Bayrou ait forcé micron, par menace de quitter la majorité présidentielle avec ses 36 élus, de le choisir nous fait passer, pour plusieurs mois en situation « parlementaire » : le premier ministre n’est plus nommé par le président mais s’est imposé à lui . https://www.youtube.com/watch?v=Ggpf8yIWq9E (pas que bayrou mais vidéo spectacle ! ).

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