C’est avec un point d’interrogation que Jean Nouailhac, journaliste invité par lePoint.fr, avait publié cet article le 24 novembre dernier.
Suite au droit de réponse demandé par l’OCDE et reproduit ci-dessous ainsi que les remarques qu’elle a suscitées auprès de Jean Nouailhac et Bernard Zimmern, n’avons-nous pas raison d’enlever le point d’interrogation ?
Rappelons que l’OCDE avait publié en novembre 2014 sous la plume d’un collaborateur, Frederico Cingano, une étude statistique cherchant à démontrer que les inégalités au sein d’un pays y réduisent la croissance.
Cette étude avait été reprise sous la signature du secrétaire général de l’OCDE le mai 2015 sous le titre « Tous concernés : pourquoi moins d’inégalités profitent à tous » (en anglais : « in it together, why less inequality benefits all »).
On y trouvera toute une série de condamnations, dont celle des emplois à temps partiel, qualifiés d’ « emplois non standards » et une recommandation d’accroître les transferts par les impôts avec la conclusion, reprise par le FMI, que cet accroissement n’affecte pas la croissance.
It follows that policies to reduce income inequalities should not only be pursued to improve social outcomes but also to sustain long-term growth. Redistribution policies via taxes and transfers are a key tool to ensure the benefits of growth are more broadly distributed and the results suggest they need not be expected to undermine growth. But it is also important to promote equality of opportunity in access to and quality of education.
Ceci nous avait profondément choqués car comme l’explique très bien Jean Nouailhac, nous croyons au contraire que ce sont l’augmentation des impôts et transferts sociaux qui ont aggravé les inégalités en détruisant les emplois, le principal capital des pauvres.
Nous avions embauché un statisticien qui très rapidement, en utilisant les mêmes bases statistiques et les mêmes méthodes, avait montré que l’effet des inégalités s’inverse si l’on prend comme mesure de la croissance non comme l’OCDE le PIB par tête mais le PIB tout court ; et nous avions montré que cette inversion s’explique parce qu’au dénominateur du PIB par tête figure l’immigration qui simultanément réduit la part du PIB disponible pour chacun mais aussi fait chuter le revenu moyen des plus pauvres et donc aggrave la mesure des inégalités.
Il était par ailleurs consternant de voir l’OCDE publier ce document qui dénonce l’effet des inégalités sur la croissance mais reconnaît que ce n’est pas l’effet des inégalités du haut, l’enrichissement des plus riches, mais des inégalités du bas, l’appauvrissement des plus pauvres et fait de très longs développements sur la baisse du capital humain des plus pauvres sans s’apercevoir qu’elle est liée à l’immigration.
C’est l’erreur que n’avait pas commise l’université de Linnæus qui avec des méthodes statistiques aussi sophistiquées, a démontré que sans l’immigration les inégalités n’avaient pas augmenté en Suède.
Il a été donc assez sidérant de voir les mêmes auteurs de l’OCDE demander un droit de réponse au Point et, comme des étudiants pris en faute, expliquer qu’ils n’ont fait que reprendre une variable, le PIB par tête, utilisée par beaucoup d’économistes. Il nous a été facile de répondre que la Banque mondiale et tous les modèles de prévision économique nationaux utilisent le PIB pour la croissance.
Mais comme nous l’avons montré sur le site Irdeme (http://www.irdeme.org/Inegalites-et-croissance-l-erreur.html), ce qui est grave pour l’OCDE, ce n’est pas de s’être trompé de signe dans la relation inégalités et croissance, c’est d’avoir ignoré d’autres études aussi sophistiquées que celle de l’université Dauphine en 2002 qui avaient conclu en l’absence de lien solide entre ces deux variables.
Ce qui est grave c’est d’avoir publié des conclusions qui tiennent plus de l’idéologie que de la science économique et de laisser croire que l’OCDE, une organisation économique de renommée mondiale qui sert de repère à tous les économistes, soit en faveur d’une hausse des prélèvements et des transferts alors qu’une telle hausse dans de nombreux cas décourage la création d’emplois qui est le principal capital dont manquent les populations les plus miséreuses.
Pour information :
• L’article de Jean Nouailhac sur Le Point
• Copie du droit de réponse demandé par l’OCDE et des observations formulées par Jean Nouailhac et Bernard Zimmern, publiés le 17 décembre 2015.
Droit de réponse de l’OCDE : Le Point a publié le 24 novembre 2015 un article intitulé « Un scandale statistique à l’OCDE ? », signé par M. Jean Nouailhac, « invité » récurrent de la rédaction. Citant des recherches menées par le chef d’entreprise et militant M. Bernard Zimmern, M. Nouailhac y accuse l’OCDE d’utiliser une mauvaise variable (le taux de croissance du PIB par habitant plutôt que le taux de croissance du PIB total) pour affirmer que les inégalités de revenu pèseraient sur la croissance économique à long terme. L’OCDE reste ferme sur sa méthodologie : c’est en évaluant le niveau de vie ou de bien-être d’une population, mesuré par le volume des biens et services disponibles pour chaque personne et leur évolution dans le temps, et pas simplement les taux de croissance du PIB total, que l’on mesure la performance, ou encore le progrès économiques dans un pays. À titre d’exemple, si l’on se concentrait uniquement sur la croissance du PIB, on en conclurait qu’avec un taux de croissance du PIB similaire d’environ 4,2 % par an entre 1980 et 2010, l’Irlande et la Jordanie seraient des pays semblables. Or, le PIB par tête a beaucoup plus crû en Irlande – environ 3,3 % par an – qu’en Jordanie – environ 0,9 % – impliquant donc une augmentation du niveau de vie très supérieure pour la population irlandaise. La littérature économique sur la croissance de long terme, qu’elle soit théorique ou empirique, a également fondé son analyse sur le PIB par tête depuis des décennies.
Réponse de Jean Nouailhac et Bernard Zimmern : L’OCDE ne répond pas à la question principale posée par l’article : oui ou non, peut-on mesurer la croissance seulement en utilisant le PIB par tête alors que celui-ci est largement affecté par l’immigration et pourquoi ne pas utiliser le simple PIB ? Sait-on à l’OCDE que les modèles nationaux de prévision économique comme Mésange ou Némésis en France, ou ceux du Joint Committee on Taxation du Congrès américain ainsi que beaucoup d’autres modèles dans de nombreux pays utilisent le PIB comme mesure de la croissance et non le PIB par tête ? La Banque mondiale elle-même utilise le PIB pour mesurer la croissance. Ajoutons que l’OCDE ne répond pas à l’objection principale soulevée par Bernard Zimmern, observant qu’il y a inversion des liens inégalités-croissance lorsque l’on passe de PIB par tête à PIB. N’est-il pas inquiétant de voir l’OCDE diffuser mondialement que les inégalités réduisent la croissance alors que l’existence d’un lien robuste entre inégalités et croissance est donc largement sujette à caution et que, de plus, ce même rapport OCDE reconnaît n’avoir pu prouver que l’enrichissement des riches est en cause, seulement l’appauvrissement des pauvres, et n’a pas pensé que sous les chiffres se cache l’immigration, comme démontré par les économistes de l’université suédoise de Linnaeus ? Ne faudrait-il pas que l’OCDE revoie ses protocoles et publie un rapport rectificatif ?
3 commentaires
Ou sont passes les jounalistes
Metci pour cet article qui demontre comme toujours que l on peut toujours trouver des calculs , des chiffres , des etudes pour defendre et soutenir n importe quelles idees politiques … Il est donc fondamentable que les chercheurs , les economistes , les journalistes fassent leur travail de publication .
Bien a vous
Pascal
Un peu de bon sens et de modestie.
L'intérêt des indicateurs c'est de pouvoir résumer le plus simplement et facilement possible une longue et fastidieuse explication. Encore faut-il vérifier qu'ils sont utilisés correctement. L'OCDE n'a pas tort d'indiquer que l'on utilise souvent pour ce genre de comparaison le PIB par tête. Encore faut-il que les conditions générales de lecture restent à peu près stables. C'est parce que les phénomènes migratoires introduisent massivement des distorsions de composition de population que le simple PIB par tête devient suspect. Il est clair que dans ce cas, il faut adapter l'indicateur pour tenir compte de ces modifications. Le fait que les sociétés s'appauvrissent par le bas aurait du mettre la puce à l'oreille de ce noble organisme.
Scandale statisique à l'OCDE
Très intéressant. Il est manifeste que depuis quelques années l'OCDE subit l'influence idéologique d'une pensée économique marquée à gauche, égalitaire, redistributive et pro taxation des hauts revenus. Les économistes experts (français notamment ?) inspirés du modèle Picketty, qui ont été recrutés ces dernières années dans cette instance, ont la cote, aussi injustifiée soit-elle. L'égalitarisme forcené n'a pas fini de faire des ravages dans la pensée et les comportements politiques.