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Le niveau de vie des Français : où faire des économies ?

par Claude Sicard
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Depuis des années les Français se plaignent de ne pas avoir le niveau de vie qu’ils estiment devoir être le leur, et tous les sondages d’opinion montrent bien que leur préoccupation première concerne le pouvoir d’achat. Effectivement,  l’économie de notre pays fonctionne mal, au point que  la France, depuis une quarantaine d‘années, est obligée de recourir chaque année à  l’endettement pour financer toutes ses dépenses. Aussi, la  dette extérieure du pays  croît-elle très régulièrement au point qu’elle en est arrivée à dépasser, maintenant, le montant du PIB. Il va donc falloir, maintenant, faire des economies afin d’être en mesure de nous conformer aux régles de fonctionnement de la zone euro …

La première observation que l’on peut faire est que tous  les observateurs de notre vie économique, depuis des années, avertissent les Français qu’ils vivent au dessus de leurs moyens. On se souvient que Raymond Barre, que Valery  Giscard d’Estaing avait qualifié de « meilleur économiste de  France », avait déclaré  à la télévision, le 22 septembre 1976, quand il avait été premier ministre, en présentant son plan d’action aux  Français (le Plan Barrre) : « La France vit au dessus de ses moyens : il faut que nous remettions l’économie française en ordre ». Déjà, en 1976, un  premier  avertissement sérieux donné aux Français ! De même, Thierry Breton, en 2005, quand il avait été ministre de l’Economie et des Finances dans le gouvernement Raffarin,  avait tenu à tirer la sonnette d’alarme, disant  aux Français en présentant son  Projet de loi : « La France vit au dessus de ses moyens » ; et il avait rajouté : « La croissance passe par le fait de travailler plus, et plus longtemps ». Et il y  avait eu, en 1984, le fameux livre du journaliste et essayiste François de Closets : « Toujours Plus », paru chez Grasset, qui stigmatisait  ce défaut de caractère propre aux  Français  consistant à à être d’éternels  insatisfaits qui en veulent  « toujours plus » ! Cet ouvrage eut un sucés considérable et il  fit la célébrité de son auteur.  Et celui-ci revint, ensuite,  à nouveau,  sur ce sujet en publiant  un autre ouvrage qu’il intitula : « Plus encore ! ». Le problème est ainsi posé. Les Français vivent  au dessus de leurs moyens : ce sont, par nature, des personnes insatiables et exigeantes.

Une économie qui réalise de très mauvaises performances.

L’économie  française, quand on l’examine sur une longue période, réalise de très mauvaises  performances. C’est ce qu’a montré une étude de la Division des  Statistiques des Nations Unies, parue en 2018, qui a examiné comment l’économie des pays s’est comportée dans le long terme : on se laisse, en effet, par trop aveugler par l’actualité ce qui fait que les problèmes conjoncturels  obèrent les évolutions  à long terme. Les statisticiens de l’ONU ont examiné tout simplement comment  a évolué le PIB/capita des pays sur la période 1980-2017, et nous reproduisons, ci-dessous, les  résultats de cette étude pour un certain nombre de pays européens, en prolongeant les séries jusqu’à 2021, et en rajoutant le cas de d’Israël qui est tout à fait remarquable :

PIB/tête  (US dollars  courants )

1980 200020172021Multiplicateur
Israël 6.39321.99042.45252.1708,0
Espagne6.14114.55628.35630.1034,9
Suisse18.87937.93780.10191.9904,9
Danemark13.88130.73457.53368.0074,9
Allemagne12.09123.92944.97651.2004,2
Pays-Bas13.79420.14848.75457.7674,2
France12.66922.16138.41543.6593,4
(Source : ONU, Statistics Division)

On voit que les performances de l’économie française, jugées sur une longue période, ont été très nettement  inférieures à celles des autres pays européens : si notre pays avait multiplié son PIB/tête par 4,5  nous en serions à 57.010 dollars de PIB/capita, c’est-à-dire au niveau  des Pays-Bas, et les Français auraient un niveau de vie bien plus satisfaisant : mais nous en sommes bien loin.

Un niveau de vie supérieur aux capacités de l’économie

L’INSEE publie chaque année une étude sur le niveau de vie dans les pays européens, et cet institut chiffre les niveaux de vie individuels moyens à la fois en monnaie courante et en PPA (Parité de Pouvoir d’Achat). Dans la dernière édition de cette étude on a, pour l’année 2021, les chiffres suivants 

PIB/capitaNiveau vie annuel,en PPA
  (En US$)(En Euros)
Bulgarie13.97412.235
Roumanie15.7869.791
Pologne18.68815.315
Grèce20.86711.277
Portugal24.71514.668
Espagne29.67418.564
France40.88623.056
Allemagne48.71827.228
Pays Bas57.02526.449
Danemark67.79025.509
Luxembourg125.00634.472
(INSEE : année 2021)

C’est, en effet, en PPA qu’il faut raisonner, et l’on voit dans cette étude que la France vient en 10e position seulement en Europe ( et en 12e si l’on rajoute aux pays de l’UE la Norvège et la Suisse).

Le graphique ci-dessous positionne les niveaux  de vie des habitants selon le  degré de développement économique des  pays:

On voit qu’il y a, bien sûr, une corrélation étroite entre le niveau de vie des habitants et le degré de développement économique des  pays, et l’équation  de la droite de corrélation  indique que pour le PIB par habitant qui est le nôtre le niveau de vie des Français devrait se situer à seulement 19.602 euros : or, nous en sommes à 23.056 euros, c’est-à-dire à un niveau bien plus élevé, ce qui constitue un excès de 17,6 % par rapport à la norme. Les Français, effectivement,  vivent au-dessus de leurs moyens, et c’est bien ce que nous disent depuis bon nombre d’années tous les experts : c’est, en somme, l’effet du travers dénoncé par François de Closets, le fameux « Toujours Plus » !.

Des salaires en moyenne supérieurs à la norme

Il faut voir, tout d’abord, si le niveau des salaires en France est conforme au niveau de développement économique du pays : ils  sont la traduction du niveau de développement économique des pays et on les voit  augmenter à mesure que les pays se développent. Pour juger correctement du positionnement des salaires en France nous avons pris un échantillon très large allant du Maroc aux Etats-Unis et à la Norvège, et nous avons les chiffres suivants :

PIB/capita Salaire mensuel moyen
(US$) (US$)
Maroc3.442405
Pologne18.688 1.529
Grèce20.864 1.811
Espagne29.6752.640
France40.8863.821
Allemagne48.7184.492
Pays Bas57.0254.785
Etats Unis76.3296.364
Suisse93.2597.454
Norvège106.1777.959
(Source :JDN et BIRD)

On a la corrélation suivante :

On voit sur ce graphique que la France se situe en dessus de la droite de corrélation. Un effet, à nouveau, du fameux « Toujours Plus » : un effet des luttes syndicales qui sont permanentes dans notre pays et parfois très violentes ! Le salaire moyen mensuel des Français  est à 3.821 dollars,  alors que la droite de corrélation le situerait  à 3.474 dollars  seulement : soit un excès de 10 % par rapport à la norme statistique. Dans le cas de la France, il s’agit d’un salaire moyen annuel s’élevant à 45.852 US$, soit environ 43.100 euros

La répartition des tâches dans l’accroissement du niveau de vie des Français :

Les corrélations  auxquelles nous venons de procéder  indiquent  donc que nous avons un niveau de vie, en moyenne, en avance de 17,6 % sur ce que permet l’économie du pays, une économie qui se trouve  dans la  situation dégradée que l’on sait, et des salaires qui, de leur côté, sont en moyenne 10  % plus élevés qu’ils ne devraient l’être. Ce sont les entreprises qui, pour une bonne part,  procurent  l’excès de niveau de vie des Français : ceci du fait du combat que mènent en permanence les syndicats ouvriers dans notre pays qui ont dans leur ADN la fameuse Charte d’Amiens de 1906. Les 17,6 % mentionnés plus haut s’expliquent  donc par 10 % à la charge des  entreprises et 7,6 % provenant de la puissance publique qui intervient en finançant la santé, les transports publics, l’enseignement, etc…. Et l’on  constate, d’ailleurs, que  le coût du travail est particulièrement élevé en France :

Coût horaire en 2021
 ( En Euros)
Roumanie8,1
Pologne11,2
Portugal14,7
Grèce17,6
Allemagne37,3
France38,4
(Source : INSEE)

Où faire des économies ?

Notre gouvernement va devoir se plier, maintenant, aux règles d’équilibre  du Pacte de Stabilité de la zone euro qui avaient été suspendues pendant la crise sanitaire : elles ont été remises en vigueur en décembre dernier par les ministres de l’Economie et des Finances  des pays membres de l’UE, mais on en a quelque peu assoupli les modalités d’application. Il va donc falloir ramener à 3 % du PIB le déficit de notre budget national, non pas immédiatement, mais au plus tard en 2027, alors que nous en sommes à 5,5 % aujourd’hui : cela signifie qu’il va falloir faire un peu plus de 70 milliards d’euros d’économies, d’ici là : et le gouvernement se retourne de tous les cotés pour savoir où les trouver ?

Selon ce que nous venons de voir, un niveau de  vie en avance sur l’économie et des salaires relativement élevés, les économies à réaliser sont à prendre principalement sur les dépenses  sociales, des dépenses qui se trouvent dans notre pays à un niveau incroyablement élevé :

 Dépenses  sociales
(En % du PIB)
Turquie12,4
Corée Sud  14,8
Royaume Uni22,1
Pologne22,7
Allemagne26,7
France32,2
OCDE21,1
UE27,0

Le taux français est anormalement élevé : il s’est agi de la somme de 850 milliards d’euros, en 2022, pour le budget de la nation. Nous en sommes à 32,2 % du PIB, ce qui est considérable, alors que la moyenne de l’UE se situe à seulement 27,0 %.

Nous allons voir que l’on peut faire le calcul suivant :

a/  Niveau de « richesse » des Français, au plan national ( en PPA) :

23.056 € x 68 millions habitants  = 1.568 milliards €

b/ Niveau de richesse de référence des Français :

1.568 : 117,6 = 1.333 milliards €

c/ Différence à  expliquer :

1.568 – 1.333 = 235 milliards €

d/ Contribution des salaires  (avec 31.790.000 actifs) :

31.790.000 x 43.100 = 1.370 milliards €

Salaires par trop élevés de 10 % : excédents de salaires

 1.370 x 10% = 137 milliards €

e/ Contribution de la puissance publique :

235 – 137= 98 milliards €

On en serait donc à un excédent de dépenses sociales de 98 milliards d’euros. Vu que le niveau de vie est en excédent de 17,6 % par rapport à la normale, et que les salaires fournissent  à eux seuls 137 milliards d’euros pour expliquer cet excédent, la contribution supplémentaire de 98 milliards provenant de la puissance publique apparait  injustifiée et  superflue.

En nous trouvant contraints de faire des économies pour nous  conformer  aux règles de fonctionnement de la Zone-Euro, on peut aisément  envisager de réduire de 98 milliards d’euros nos dépenses sociales : elles  se trouveraient ramenées à 752 milliards d’euros, soit 27,1 % du PIB en 2027, et l’on en serait donc au taux moyen de l’Union Européenne. Nous avons indiqué, plus haut, qu’il allait falloir faire pour le moins 70 milliards d’économies  d’ici à 2027 : on voit par l’approche que nous venons d’adopter qu’elles doivent  provenir du budget des dépenses sociales. Pour les pouvoirs publics, ce ne sera pas chose aisée,  car il s’agit, là, d’avantages acquis  qui ont été conquis par des luttes incessantes de la classe ouvrière: ces économies seront  donc extrêmement difficiles à réaliser. Le gouvernement va buter sur le fameux « Toujours Plus » qu’avait malicieusement dénoncé François de Closets dans son ouvrage à succès  paru en 1984.   

Cela ne signifie pas qu’il ne faudrait pas faire, également, des économies substantielles sur les dépenses de fonctionnement : on sait qu’il y a, là aussi,  beaucoup d’économies à réaliser en remettant le plus vite possible les employés de la fonction publique au travail et en limitant le statut de « fonctionnaire » à des catégories  bien précises de personnes, les emplois à vie étant un privilège à accorder seulement à des agents publics ayant à assurer des fonctions  régaliennes. Et il y a beaucoup de doublons dans la façon dont fonctionnent les services publics. Mais il s’agit, là, de reforme très profondes à opérer, et cela va demander beaucoup de temps : or, nous sommes dans l’urgence !

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2 commentaires

moulin mai 24, 2024 - 12:43 pm

intéressante analyse.
détail 1 : la population « active » contient les chômeurs, faut-il les compter dans la multiplication par le salaire moyen ?
détail2 : dans les délais « imposés », il y a la source de l’augmentation de l’emploi travaillé et payé pour diminuer les dépenses de redistribution sociale et augmenter les cotisations.
détail 3 : Quel est le problème le plus difficile pour les politiques et l’administration français : apprendre à faire progresser la productivité des fonctionnaires ou créer des emplois pour la population en âge de travailler ?

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zelectron mai 24, 2024 - 1:26 pm

Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal., cet âne coupable comparable à l’Europe ? reporter à autrui les maux de notre pays exempte les gouvernements successifs c’est à dire les VRAIS COUPABLES ; le dernier en date va enfoncer le dernier clou avec quasi certitude.Ce ne sont pas les braillards qui auront le dernier mot encore moins ceux qui tomberont aux champs ni d’honneur ni de déshonneur, les crapules auront toujours une position de repli qui les exonèreront de toutes poursuites.

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