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La modélisation économique de Bercy prend du retard

par Valérie Pascale
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Le ministre britannique des Finances, George Osborne, met le cap sur la croissance, et l’abaissement du taux d’impôt sur les sociétés est une des mesures phares de son programme. Le rapport publié en décembre 2013 par Her Majesty’s Revenue and Customs, « Analysis of the dynamic effects of Corporation Tax reductions », présente les effets de cette mesure à long terme.

Le taux d’impôt sur les sociétés au Royaume-Uni sera progressivement abaissé de 28% en 2010 jusqu’à 20% en 2015. C’est une compétition internationale dans laquelle s’est lancé le gouvernement de David Cameron en quête d’investisseurs étrangers et pour stimuler la reprise économique du pays.

Le Trésor britannique, HM Revenue and Customs (HMRC), a récemment publié une analyse des effets « dynamiques » de cette mesure fiscale. Au terme des 20 prochaines années, l’abaissement du taux d’impôt sur les sociétés aboutira à :

– une augmentation du PIB de 0,6-0,8% ;

– un accroissement de l’investissement de 2,5-4,5%, soit entre 4 et 6 milliards de livres supplémentaires attirés grâce à cette mesure ;

– l’augmentation des revenus des ménages.

Cette estimation a été possible parce que depuis quelque temps le gouvernement britannique a misé sur l’amélioration des outils de la modélisation économique, qui rendent possible l’estimation plus précise des effets de la politique fiscale à long terme.

Le HMRC a élaboré un nouveau modèle qui s’appelle « computable general equilibrium model » pour estimer des politiques en cours, et saisir des effets potentiels très complexes qui proviennent de l’interaction de tous les secteurs de l’économie. Par exemple, dans un premier temps, l’abaissement de l’impôt sur les sociétés aboutira à un manque à gagner pour l’État, mais très rapidement l’effet s’inversera car le taux d’impôt bas sur les sociétés encouragera la création d’entreprises et la reprise de l’emploi.

Ces effets sont mal captés par des modèles économiques traditionnels, comme celui exploité à Bercy sous le nom de MESANGE, utilisé encore récemment pour prévoir les effets du Pacte de Responsabilité, car ce sont des modèles plus statiques, qui traitent chaque secteur à part, et le mécanisme d’interdépendance fiscale des secteurs y est presque inexistant. Ils postulent aussi que les liens entre les variables sont linéaires (proportionnels) alors que les effets fiscaux sont souvent non linéaires et parfois même discontinus.

D’ailleurs, une estimation similaire des mesures fiscales visant l’abaissement des taux d’impôt sur le bénéfice des sociétés a été faite par Bercy, mais l’effet a été estimé presque nul…

La sénescence de notre système économique n’affecte pas seulement l’économie française, mais la façon dont elle est évaluée par nos services officiels.

 

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2 commentaires

yves buchsenschutz février 17, 2014 - 10:59 am

La modélisation économique de Bercy prend du retard
Bravo aux résultats et à la qualité de l’analyse économique qui la sous-tend. Un très bon point pour nos amis britanniques.
Un regret toutefois : quelle est la part de la pertinence du modèle et la part de l’habileté qui consiste à « accompagner » le dumping fiscal entre pays européens ? Au passage, pourquoi existe-t-il un encadrement des mouvements de TVA à l’intérieur de la CEE et pas de l’IS, voire de l’IRPP et/ou de l’ISF ? La vraie remise à plat de la fiscalité serait en fait ce chantier. Il est tout de même stupide de déplacer les sociétés à l’intérieur de la CEE entre l’Irlande, la France, la Grande-Bretagne ou Jersey au gré des changements de fiscalités. Il faut tout de même quelque part financer la collectivité et le modèle Européen dans sa globalité. Ce devrait être une des premières préoccupation de nos gouvernants qui devraient s’y attaquer plutôt que de se plaindre : ce sont eux qui l’ont construit et ils en sont responsables !

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meyer février 17, 2014 - 11:24 am

La modélisation économique de Bercy prend du retard
Rien de surprenant. L’histoire nous enseigne que la régression culturelle entraîne la régression économique. La France paye le prix d’un cycle engagé depuis la fin des années 1960. Dans cinquante ans il y aura au moins du travail pour les historiens qui pourront en analyser les causes, comme Alfred Sauvy le fit pour les années 1920-1940. Il est rassurant toutefois que ce n’est une première. Seule la fréquence de ce phénomène peut inquiéter avec l’accélération des évolutions et la dimension du monde de demain. A Bercy comme vous dîtes ils n’arrivent même plus à gérer un confetti économique de 65 millions de Français, c’est dire ce qu’ils comprennent à la mondialisation !

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