Les principales mesures annoncées par le gouvernement
– Allongement de la période d’acquisition des droits à indemnisation : 6 mois d’emploi pendant les 24 mois précédents au lieu de 4 mois pendant 28 mois ;
– Droits rechargeables : le rechargement des heures d’indemnisation non utilisées n’est acquis qu’après 900 heures dans un nouvel emploi, au lieu de 150 heures actuellement ;
– Calcul des droits : non plus sur la base du salaire moyen journalier travaillé, mais sur celle du salaire moyen mensuel (permet d’éviter qu’un chômeur soit indemnisé plus que lorsqu’il travaillait partiellement en multipliant les CDD) ;
– Bonus-malus : ne concerne que sept secteurs d’activité, dans la limite de 1% de bonus ou de malus, et pas applicable aux CDDU, qui sont taxés forfaitairement. Aucune réforme de l’indemnisation des intermittents du spectacle, dont la définition s’étend très au-delà des acteurs du spectacle ;
– Dégressivité de l’allocation des cadres (30% de baisse) après 6 mois au-delà de 4.500 euros de salaire mensuel (sauf salariés à partir de 57 ans), sans baisse des cotisations ;
– Embauche de 1.000 employés de Pôle Emploi pour améliorer l’accompagnement des chômeurs, et amélioration de la formation de ces derniers ;
– Ceci dans le contexte de la suppression des cotisations salariales de chômage, remplacées par la CSG.
Première remarque générale : L’Unedic de plus en plus ligoté par l’Etat
Après avoir mis en demeure les partenaires sociaux d’apporter des réformes qu’il avait pris le soin de précisément définir, et constaté leur absence d’accord après 5 mois de négociation, l’Etat vient d’annoncer qu’il allait procéder par décret. Notons que le résultat était certain, le gouvernement ayant inclus dans le package obligé le bonus-malus sur lequel il savait pertinemment qu’aucun accord n’était possible.
Le paritarisme n’est alors plus devenu qu’une formalité sans signification, remplacé par un étatisme autoritaire qui ne se cache plus. Ce n’est cependant pas nouveau, et ne fait qu’accentuer fortement une tendance tenant à un état de fait ancien. En effet l’Unedic a une dette qui devrait atteindre 36,2 milliards à la fin de l’année, et cette dette est garantie par l’Etat – ce contre quoi le Medef s’insurge en vain, alors qu’en même temps la raison du déficit de l’Unedic tient à ce que l’Etat a mis à sa charge des dépenses qui ne devraient pas lui incomber. Les principales sont le régime des intermittents du spectacle, dont les pertes correspondent à des subventions qui devraient incomber au ministère de la Culture, et surtout, le financement de Plein Emploi, à hauteur de 10% des cotisations des salariés, soit 3,4 milliards par an. Sans ce dernier financement, l’Unedic ne connaîtrait pas de déficit !
La première remarque est donc que l’autonomie et la responsabilité des partenaires sociaux n’est plus qu’un souvenir. En même temps l’objectif de l’Etat est essentiellement budgétaire. Il maintient les charges indues qui pèsent sur l’Unedic, et justifie ainsi autoritairement les restrictions apportées à l’indemnisation des chômeurs par les déficits ainsi causés, tout en augmentant les charges de Pôle Emploi (dont l’effectif est encore accru de 1.000 employés après les 55.000 déjà existants).
Deuxième remarque générale : L’indemnisation du chômage cesse de relever de l’assurance pour relever de l’impôt
Le rôle de l’Etat est en fait un corollaire de cette transformation qui fait perdre à l’indemnisation son caractère d’assurance, pour relever de la solidarité et de l’impôt. Suppression des cotisations salariales, baisse des allocations des cadres non reliée à une baisse de leurs cotisations, venant compléter les charges indues de l’Unedic et la garantie des dettes de cette dernière. C’est l’étatisme triomphant, si cher à Macron. Jeudi dernier, à la conférence du CESE sur l’Europe de demain, une table ronde réunissait Jörg Hofmann (patron d’IG Metall, le plus puissant syndicaliste européen), aux côtés de Geoffroy Roux de Bézieux et de Jean-Claude Mailly. Message presque unique du premier : garder l’Etat hors du jeu, référence à l’autonomie tarifaire allemande. Le second évoque la « pollution » créée par l’Etat, le troisième opine évidemment… Le classique top down français.
Le renforcement de Pôle Emploi s’impose-t-il ?
56.000 salariés bientôt, pour quelle efficacité ? Dépenses en hausse, faible pourcentage de retour à l’emploi dû à Pôle Emploi (9% en 2016), accompagnement des chômeurs insatisfaisant. Il faut s’interroger particulièrement sur la règlementation qui rend le rôle de Pôle Emploi inefficace. En effet les obligations des chômeurs ne sont toujours pas correctement définies, malgré la récente réforme de l’« offre raisonnable d’emploi » que le chômeur n’est pas censé refuser sans perdre ses droits. Fondamentalement, une latitude très grande, beaucoup plus que dans les pays limitrophes et surtout l’Allemagne, est laissée au chômeur pour définir son souhait et refuser un emploi proposé. Si l’on ajoute à cela les difficultés de mobilité que connaissent les Français, il ne faut pas s’étonner de constater que le système n’est pas adéquat. C’est ce système qu’il faut repenser, plus que de croire que renforcer l’accompagnement des chômeurs améliorera la situation de façon notable. Ne pas oublier non plus que le budget public consacré aux politiques de l’emploi et du marché du travail ont atteint récemment 133 milliards d’euros…
L’objectif de baisse du chômage est-il pris en considération ?
Nous avons dit que l’objectif poursuivi par le gouvernement est essentiellement budgétaire. Quoi qu’il en dise, on doute fortement que les réformes en cours aient pour résultat de diminuer le chômage. Certes, il était nécessaire de réformer le système de calcul des droits, inacceptablement favorable dans le cas des CDD ; certes il en est de même des droits rechargeables, trop généreux ; certes l’allongement de la période d’acquisition ne fait que rapprocher un peu le modèle français des autres modèles européens, beaucoup plus exigeants. Certes enfin, le bonus-malus a été, à la demande du patronat, très édulcoré par rapport à ce que les syndicats demandaient.
Mais au total cela ne fait pas une politique favorable à l’emploi. En particulier, même édulcoré, le bonus-malus risque fort de déstabiliser l’emploi dans des secteurs comme l’hôtellerie-restauration qui ne peuvent s’en passer, et aboutir à la multiplication du travail au noir. Et, répétons-le, la baisse des prestations pour augmenter les dépenses de Pôle Emploi ne nous semblent pas faire une bonne politique.
Au final, pas mal d’« en même temps », de demi-mesures pour ne pas trop déplaire, d’autres qu’il faut cependant louer, mais, très regrettablement, une orientation essentiellement budgétaire, qui maintient un modèle étatique en l’aggravant fortement et en faisant reposer de plus en plus le financement sur l’impôt. Et, évidemment, on n’aime pas voir les cadres, qui sont les principaux contributeurs de l’Unedic, passés injustement à la tondeuse parce que « ça rapporte » et qu’ils ne se plaignent pas. Au fait, à supposer que la dégressivité favorise la reprise d’emploi, ne serait-pas aussi vrai des non-cadres ? Vrai ou faux, mais pareil pour tous …
2 commentaires
Assurance chômage: un étatisme brouillon
Merci pour votre analyse et surtout continuez à nous ouvrir les yeux sur le faux semblants et autres hypocrisies d’un pouvoir qui a trahi toutes ses promesses électorales de 2016.
le brouillon pour cacher . . .
le véritable vol des cotisations sans contre-partie !