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Un gel des embauches publiques est necessaire

par Alain Mathieu
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Pour obtenir de sérieuses économies de dépenses publiques, un gel temporaire des embauches publiques est nécessaire.

Comme Premier Ministre, François Bayrou a déclaré que la situation de nos finances publiques était « catastrophique ». Pierre Moscovici, ancien ministre socialiste des Finances, qui préside la Cour des Comptes, a confirmé leur « gravité extrême ».

Cette gravité est due à un excès de dépenses publiques, supérieures à celles de l’Allemagne, son principal concurrent européen, de plus de 9% du PIB, soit 26O Mds d’euros. Dans son dernier rapport de juillet 2025 sur la situation des dépenses publiques, la Cour des Comptes estime qu’« un effort structurel portant sur les dépenses de l’ensemble des administrations publiques est dorénavant impératif ».

Si la France ne baissait pas ses dépenses publiques et perdait, comme naguère la Grèce, la confiance de ses prêteurs, il est douteux que le chancelier Friedrich Merz serait moins exigeant que ne fut le ministre allemand de l’économie Wolfgang Schaüble vis-à-vis de la Grèce, qui dût passer à 67 ans son âge du départ à la retraite, baisser de 10% les salaires de ses fonctionnaires, privatiser son EDF, sa SNCF, ses ports et aéroports, et réformer son droit du travail.

D’après la Banque de France ( https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/publications/france-allemagne-comparer-lucidement-les-masses-salariales-publiques), la différence avec l’Allemagne sur la rémunération des fonctionnaires est de 5,4% du PIB, soit 160 Mds d’euros (60% de la différence de dépenses publiques). La baisse du nombre de fonctionnaires est donc une nécessité.

Le chiffre officiel de 5,7 Millions de fonctionnaires français ne comprend pas 1,1 Million de salariés d’organismes publics ayant un statut quasi-public : ceux de la Sécurité Sociale, de l’enseignement supérieur, du CNRS, de Pôle emploi, des musées, etc. Le chiffre total de 5,7 +1,1= 6,8 M figure dans un document officiel, une annexe au budget de l’Etat  (annexe 1).

L’Allemagne a 4,6 M de fonctionnaires pour 83 M d’habitants. Pour être à égalité avec elle, nous devrions n’avoir que 4,6*(67/83) = 3,7 M de fonctionnaires ou quasi-fonctionnaires, c’est-à-dire 3,1 M de moins.

L’Italie a 3,4 M de fonctionnaires de moins que la France et les Pays-Bas en ont, à population égale, 3,7 M de moins.

Certes, les comparaisons internationales sont difficiles. Par exemple l’Allemagne a moins d’emplois publics dans la Santé, car une partie de ses hôpitaux a été privatisée et les assurances privées y sont plus importantes. Elle a moins d’enfants en âge scolaire que la France, et donc besoin de moins d’enseignants. A l’inverse les autoroutes, la distribution d’eau, l’assainissement et la plupart des maisons de retraite y sont publics et l’enseignement privé y est moins développé qu’en France.

Une réduction de plus de 2,5 M du nombre de fonctionnaires ou quasi-fonctionnaires français est comme le juge la Cour des Comptes, un « impératif ». 

Comment y arriver ?

En faisant comme les entreprises privées en difficulté, qui gèlent leurs recrutements et font passer certains salariés des secteurs en sureffectifs aux secteurs en sous effectifs après les avoir formés à leur nouveau poste.

C’est ce qu’ont fait pour leurs fonctionnaires des pays comme le Canada, le Royaume-Uni et l’Italie, sous des gouvernements de droite comme de gauche (annexe 2). Ils ont gelé temporairement leurs embauches publiques, sans licenciements.

Comme la France embauche chaque année plus de 500.000 fonctionnaires (annexe 3), cinq ans de gel des embauches suffiraient pour une réduction importante de nos différences avec l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, etc. Des économies annuelles d’environ 100 Mds € seraient alors réalisées. La France pourrait baisser les charges sur ses entreprises, les mettre à égalité avec leurs concurrentes européennes et dynamiser la croissance et l’emploi productif.

Pour les syndicats de fonctionnaires, suivis par la plupart des responsables politiques et les médias, il est impossible de baisser nos effectifs de fonctionnaires, puisque « nous manquons de policiers, de magistrats, d’enseignants ».

Pourtant deux rapports de la Cour des Comptes, consacrés à l’organisation du travail et au temps de travail des policiers, dénonçaient l’inefficacité des tâches administratives auxquelles ils sont astreints et le régime de récupération des heures travaillées la nuit et le week-end, qui les fait travailler en moyenne 27 heures par semaine.

Dans les tribunaux français trop souvent les trois juges et les greffiers s’ennuient. Un seul juge pourrait suffire.

A l’étranger les professeurs doivent généralement être présents dans leur école au moins 40 heures par semaine alors que les professeurs de lycées français ont une obligation de présence de 15 à 18 heures.

Dans pratiquement toutes les branches de l’administration des réductions d’effectifs sont possibles, notamment dans les fonctions administrantes, sans contacts avec les administrés.

Selon un rapport de l’IFRAP sur les sureffectifs publics (https://www.ifrap.org/sites/default/files/documents/import/soci245_sureffectifs_ifrap.pdf), « c’est surtout dans l’Éducation nationale, les comptes publics et la transition écologique que se nichent les sureffectifs les plus importants au niveau de l’État. Si l’on regarde dans la fonction publique territoriale, ce sont surtout les filières d’emplois administratifs et techniques qui sont concernées ».

Un gel temporaire des embauches publiques remédierait à ces sureffectifs.

En deux ans, l’Italie a réduit sa dette publique de 20 points de PIB. Son montant total est maintenant inférieur de 10 % à celui de la France et le taux d’intérêt  de ses emprunts publics inférieur.

Nicolas Sarkozy a contesté le gel des embauches, car les élèves des écoles de fonctionnaires ne trouveraient plus d’emploi à la sortie de leur école. Mais on pourrait les détacher quelques années dans une entreprise privée, ce qui améliorerait leur formation.

Pour réaliser ce gel temporaire des embauches publiques, et éviter les grèves qu’il risquerait de provoquer, il faudra appliquer la Constitution, pour laquelle « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Ces lois n’ont pas été votées. 

Adoptons celles de nos voisins :

  1. une grève n’est licite que pour soutenir des revendications professionnelles (et non politiques );
  2. une grève doit être votée à bulletins secrets par ceux qu’elle concerne ;
  3. pour assurer la continuité du service public, un service minimum doit être institué.

Si cette réforme du droit de grève était adoptée, d’autres pourraient l’être, comme les privatisations d’entreprises et d’organismes publics.

Le record de Lionel Jospin, qui a privatisé pour 210 Mds de F, soit 36 % de plus qu’Alain Juppé et Edouard Balladur réunis, pourrait être battu. Ces privatisations fourniraient des recettes permettant de baisser davantage les impôts.

La catastrophe annoncée par François Bayrou aurait été évitée.

Un gel  temporaire des embauches publiques est nécessaire.


Annexe 1: le nombre d’emplois publics

https://www.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2017/pap/pdf/jaunes/jaune2017_fonction_publique.pdf; p186) :

Emploi total: 27,2M ; emploi privé: 20,4M ; soit emploi public : 6,8 M.

Annexe 2 : Gels temporaires d’embauches publiques à l’étranger

▶︎ Canada : Jean Chrétien et Paul Martin en 1994, Stephen Harper le 28/1/2013 et Justin Trudeau le 3/9/2024

▶︎ Royaume-Uni : Margaret Thatcher – civil service recruitment freeze du 8/5/1979 ; David Cameron -ban of recruitment du 24/5/2010.

▶︎ Italie :  Romano Prodi en septembre 2007 (préparé par quatre lois de Franco Bassanini, ministre de la fonction publique), et Silvio Berlusconi le 24/5/2010. L’Italie a adopté un gel avec exceptions, décidées au cas par cas par le ministre de la fonction publique.

▶︎ Jean Chrétien, Justin Trudeau, Romano Prodi, Franco Bassanini : des dirigeants de gauche

Résultats de ces gels :

⏺︎ Canada : le taux de croissance est passé en moyenne de 0,5% par an pour les 3 années précédant 1994 à 3,5% les 5 années suivantes.

⏺︎ Royaume-Uni :taux de croissance passé de1,1 % (sur 5 ans) à 3,8% (sur 7 ans) après 2 années difficiles en 80 (-2%) et 81 (-0,8%)

⏺︎ L’Irlande a également pratiqué le gel des embauches publiques. Le « tigre celtique », avec une croissance moyenne de 6% pour les 12 années qui ont suivi le gel, est un exemple d’une politique pro business réussie.

⏺︎ Après 1993, la Finlande, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède ont réduit  en quelques années leurs dépenses publiques de plus de 10% de leur PIB, et ont réduit leur nombre de fonctionnaires. Leur taux de chômage a baissé de plus de moitié. En Suède, le social-démocrate Goran Persson a fait baisser les effectifs publics de 4% à partir de 93. En 3 ans le PIB a été accru de 26%.

Annexe 3 : embauches publiques en France

D’après l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/8572076)  « en 2023, 547 000 agents, hors militaires, sont entrés dans la fonction publique ». Ils ont remplacé les départs en retraite, en détachement, en disponibilité, en fin de contrat à durée déterminée, en maladie, les morts, etc. Ils étaient 545.000 en 2022 et 511.000 en 2021.

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5 commentaires

moulin novembre 14, 2025 - 9:53 pm

Le premier qui ose et fait rentrera dans l’HISTOIRE !

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Christian Delaroche novembre 15, 2025 - 9:20 am

La réduction des effectifs publics fait peur et est devenue une sorte de tabou, bien entretenu par des démagogues et syndicats relayés par des médias complaisants dont ceux du service public !
Il faut dérouler un formidable plan d’information pour que la population comprenne et adhère à cette réduction nécessaire des effectifs qui participent peu ou pas à la création de valeur ajoutée.
Prendre des exemples simples et compréhensibles par tous. Il y en a à foison . Par exemple: « il y a autant d’administratifs que de soignants dans les hôpitaux ».

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Eplf IRDEME novembre 15, 2025 - 10:53 pm

Pour diminuer le nombre de fonctionnaires il semble nécessaire que la création d’emplois dans le privé soit déjà dynamique,
notamment pour les fonctionnaires hors Ile de France,
ce qui n’est pas le cas depuis 20 ans.

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gerard dosogne novembre 15, 2025 - 10:09 am

Autre exemple: il y aura bientot autant de fonctionnaires dépendant du ministère de l’agriculture que d’agriculteurs….(en fait environ un fontionnaire pour 10,8 agriculteurs selon l’IREF , ce qui est déjà incroyable)

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gerard dosogne novembre 15, 2025 - 10:16 am

Et le ratio en Allemagne est de 1 fonctionnaire (Federal) pour 230 agriculteurs…. (1100 agents federaux pour 262000 agriculteurs)

En France 36000 fonctionnaires pour 390000 agriculteurs…
Chercher l’erreur!

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