Il est quand même des critiques d’une insupportable démagogie qu’il importe de rectifier. Récemment, un responsable LFI a déclaré à l’intention des automobilistes français, que lorsqu’ils se rendront à la pompe pour faire le plein, ils se rappelleront qu’ils auront dû se serrer la ceinture pour permettre aux actionnaires de TOTAL de recevoir des dividendes ! Il n’y a en fait pas de rapport entre le prix de l’essence à la pompe et ce que fait Total des bénéfices qu’il engrange. Si Total ne distribuait pas de dividendes, les prix à la pompe ne changeraient pas d’un centime – et par contre Total disparaîtrait du marché.
Attention ! Cet article ne concerne que la distribution de dividendes, et non pas la question, différente, de savoir si les profits des majors pétroliers sont légitimes ou doivent être considérés comme exceptionnels et taxés en tant que tels au niveau de l’entreprise, question qui agite comme on le sait jusqu’au président des Etats-Unis, et a déjà fait l’objet d’une réglementation fiscale européenne.
Les actionnaires, les consommateurs et les salariés
Première remarque, les consommateurs visés par LFI n’ont qu’une chance sur trois de penser aux dividendes de Total, car Total ne détient environ qu’un tiers des stations-services en France. Il est temps de se rappeler que Total, elle-même société très internationale, ne détient aucun monopole en France où elle se trouve en concurrence.
Le prix du pétrole brut est international, fixé par un consortium d’une quarantaine d’acteurs mondiaux, producteurs, distributeurs, agences et banques. A la pompe, le prix dépend en outre dans chaque pays des spécificités des coûts locaux de transport, de raffinage et de la distribution, et surtout de la fiscalité. Quant aux profits, ils dépendent des dépenses que Total doit régler. Rappelons que Total a dû notamment payer 33 milliards d’impôts mondialement.
Mondialement toujours, Total a distribué environ 7 milliards de profits sur l’année 2022. Ses investissements se sont montés à 16,3 milliards, dont 4 pour l’énergie renouvelable. Pour 2023, la prévision d’investissements se situe entre 16 et 18 milliards. La priorité est clairement aux investissements. Et si les dividendes étaient bloqués comme on va le voir, cela ne changerait absolument rien au prix des carburants à la pompe.
Bloquer les dividendes et/ou bloquer les prix ?
C’est la double revendication de LFI. Mais la seule question n’est-elle pas de savoir si Total, indépendamment des distributions de dividendes, peut baisser ses prix par rapport au niveau international qu’il lui serait normal de pratiquer ? C’est pourtant bien ce qui a été fait déjà à l’automne lors de la première crise, avec une remise conséquente de 20 centimes par litre pour un coût de 550 millions d’euros (que les consommateurs ont traitée alternativement de démagogique ou de très insuffisante, comme quoi on a toujours tort !) et ce que Total a indiqué de nouveau promettre au cas où les prix dépasseraient 2 euros le litre de carburant. A noter que les concurrents (étrangers) de Total n’ont pas eu ces largesses à l’égard des automobilistes.
Bloquer les dividendes signifie apparemment interdire leur distribution. La décision de distribution relève toujours de l’assemblée des actionnaires, et personne d’autre n’en a la compétence. L’Etat ne peut qu’utiliser des moyens indirects, comme l’augmentation des impôts. Mais d’une part cela ne ferait qu’augmenter la distribution afin de laisser un montant net identique, ce qui aurait un effet contraire à celui souhaité, et d’autre part cela nuirait à l’attractivité de la société. Emmanuel Macron s’est au contraire attaché à l’améliorer avec l’institution de la flat tax à 30%, et il est impensable, à juste titre, qu’il revienne sur l’une des réformes-signatures de sa présidence.
Quant au blocage des prix, il a été de fait pratiqué par l’Etat, et continue de l’être. Parallèlement en effet à la réduction de 20 centimes, l’Etat a aussi accordé à tous une remise entre avril et fin décembre 2022. A partir de début 2023, la remise est ciblée en faveur des plus modestes à hauteur de 100 euros. Mais le blocage général des prix est une mauvaise solution, comme on le sait depuis des décennies, surtout d’ailleurs quand il s’agit d’une denrée dont on cherche par ailleurs à limiter l’usage. En consentant à des ristournes réglées par lui, l’Etat agit comme s’il diminuait la fiscalité (dépendante du prix hors taxe mais autour de 50%), qui est une revendication de la gauche, et la mesure, temporaire et ajustable à tout moment, est bien plus opportune qu’une baisse législative des taux, qui serait d’ailleurs impossible car il faudrait compenser cette baisse par d’autres ressources donc d’impôts.
La gauche voudrait mettre la main sur les bénéfices mondiaux de Total ?
Les critiques adressées à Total oublient complètement que l’entreprise est mondiale.
Son activité est planétaire : Total n’exploite pas de pétrole en France, et ne fait que le raffiner (5 raffineries en France sur 8, et 10 à l’étranger), et le distribuer (3.600 stations-service, sur seulement 16.000 qu’elle exploite dans le monde, soit encore seulement un tiers de toutes les stations françaises).
Ses salariés ne sont basés que pour un quart en France (25.000 sur 100.000).
Ses actionnaires sont mondiaux : sur les 1,3 million, seuls 27,7% sont français, dont 15,1% sont institutionnels. Le plus grand groupe d’actionnaires est d’ailleurs constitué par les salariés de Total (6,2% du capital).
Dans ces conditions, il y a lieu de tenir compte de ce qui revient aux étrangers, que ce soit par la résidence des actionnaires, ou le lieu de la plupart des activités et du personnel qui assure la production : la participation aux bénéfices leur revient. Sans compter que la France profite de la retenue à la source (entre 5% et 25%) des dividendes versés aux résidents étrangers. Les résidents français payent eux-mêmes 30% au titre de l’IR ou des prélèvements sociaux. Bloquer les dividendes ne devrait alors concerner qu’environ un quart des actionnaires, soit un effet de 2 milliards par an pour la France. Mais comme il n’est pas possible de traiter inégalement ces actionnaires suivant leur résidence, bloquer la distribution de dividendes aurait pour résultat immédiat et catastrophique la chute de la valeur de l’action, et éventuellement le rachat de l’entreprise par les prédateurs étrangers.
Conclusion
Bloquer d’une façon ou d’une autre la distribution de dividendes n’aurait aucune incidence sur le prix du pétrole à la pompe, c’est le premier enseignement à tirer. Enseignement évident pour Total, mais qui peut être aussi valable pour bien d’autres entreprises dont les prix ne sont pas arbitrés par l’entreprise elle-même. Bloquer les prix non plus, solution pratiquée actuellement par l’Etat pour l’énergie, ne peut être qu’une solution temporaire.
Consentir à des ristournes est une bonne utilisation des ressources de l’entreprise, et c’est ce qu’a fait Total à la fin de l’année dernière, en même temps que l’Etat consentait à l’équivalent d’une diminution temporaire de la fiscalité. Mais là aussi, la solution n’est pas pérenne, même si elle est la seule envisageable.
S’en prendre aux dividendes n’a finalement pas de sens. Rappelons que la distribution de dividendes diminue d’autant la valeur de l’action et n’a donc pas d’impact sur la fortune de celui qui la détient. En revanche cette distribution remplit les poches de l’Etat, à hauteur de 30%, montant de la flat tax (PFU)[[L’institution de la flat tax a ramené l’imposition des dividendes à un niveau enfin acceptable pour l’attractivité de l’entreprise. Rappelons que l’avoir fiscal a été supprimé dans ce cas, et que donc les bénéfices ne peuvent être distribués qu’après avoir été taxés à l’IR, puis au PFU, donc deux fois, et que le taux de 30% de ce PFU est plus élevé que celui de l’IS. Depuis son institution, les distributions de dividendes ont augmenté en France, ce qui se révèle être une bonne affaire pour l’Etat, dont on aurait tort de se plaindre…]]. Augmenter le taux de la flat tax est toujours possible, de même qu’augmenter l’impôt sur les sociétés, mais dans les deux cas ce sont la compétitivité et l’attractivité de l’entreprise – et donc de la France – qui vont en souffrir.
2 commentaires
Non, les actionnaires de Total Energies ne se gavent pas
Au titre de l’exercice 2022, les actionnaires de Total recevront, si l’AG le valide, un dividende de 3,81 € par action, versé en plusieurs acomptes entre octobre 2022 et juillet 2023.
L’action Total est cotée actuellement à 59,35 € (cours du 10/02/2023).
Le rendement brut est donc de 3,81 / 59,35 = 6,41%.
Mais après déduction des prélèvements forfaitaires de 30%, dont 12,80% au titre de l’impôt sur les revenus, le rendement net s’établit à 4,48%.
Quand on sait que le taux du Livret A est passé à 3% depuis le 1er février, et que les intérêts du Livret A ne sont soumis à aucun prélèvement, le différentiel = 1,48% est extrêmement faible pour un placement « à risque », celui du Livret A, dont le capital est garanti par l’Etat, étant « totalement » (sans jeu de mot) sans risque.
Ajoutons que les actionnaires salariés de Total Energies en profitent aussi, et que si la retraite par capitalisation était autorisée pour les salariés du privé comme elle l’est pour les salariés de la fonction publique (Préfon retraite), tous les Français pourraient aussi « se gaver ».
A mauvais entendeurs, point de salut !
Total : les prix de l’essence sont dans leur grande majorité composés de taxes
… qui profitent aux français (hum, hum) gaspillées par l’état lui-même.
Total réalise ses profits à l’étranger et les gère à raison comme bon lui semble pour l’entreprise, ses salariés, ses actionnaires (dont l’état français), il ne faut pas oublier les échecs lors des découvertes « creuses » financièrement lourdes.
LFI = Les Filous Inconséquents . . . .