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Tableau de Bord Electricité :

par François Henimann
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La crise énergétique européenne, dont nous avons analysé les causes et conséquences dans un précédent article [[Crise de l’énergie en France et en Europe : Etude sur les causes, conséquences et pistes de solutions (irdeme.org)]], aggravée par le manque de disponibilité du parc nucléaire français (et la fermeture de Fessenheim), fait peser un risque de pénurie d’électricité cet hiver en France, avec des risques de coupures d’électricité annoncées par le gouvernement et qui font la une des médias, ainsi qu’un risque de désindustrialisation supplémentaire en raison de prix de l’électricité qui deviennent insoutenables pour les entreprises, qui ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour le marché de masse.

Cet article fait le bilan de l’équilibre offre / demande de l’électricité, ainsi que sur l’évolution des prix du marché spot de l’électricité en France.

Rappelons que le système électrique nécessite un équilibre offre/demande maintenu à chaque instant sur la plaque électrique européenne, sous peine de black-out (survenu pour la dernière fois le 19 décembre 1978 en France), et que l’électricité ne se stocke que très marginalement dans les lacs de retenue hydraulique (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) : cela implique lors des périodes chargées l’appel croissant à des sources de production carbonées (gaz, charbon, turbines à combustion fuel), et de plus en plus onéreuses, ainsi qu’à des mesures de « flexibilité » telles que la mise en œuvre de contrats d’effacement de clients industriels et la baisse de la tension de 5 % (marge de 5 à 8 GW), avant de recourir à des délestages partiels pour sauvegarder l’équilibre du réseau.

Consommation d’électricité

L’appel de puissance sur 24 heures est caractérisé par un creux la nuit (vers 4h du matin), dont le minimum a néanmoins progressé depuis une semaine de 54 GW à 63 GW, en raison de la baisse des températures.
Il y a ensuite un plateau de forte consommation de 8h à 12 h, qui se trouve raccourci par le décalage du chauffage des ballons d’eau chaude sanitaire de la plage 12h-14h vers la nuit pour plus de 4 M de clients, soit un déplacement de 2,4 GW (mesure mise en œuvre via le système Linky de compteurs communicants). Ce plateau a également progressé de 72 GW à 80,5 GW au cours de la semaine.
Enfin, la pointe du soir vers 19 h a progressé de 74 GW à 83,4 GW ce lundi soir.
Le suivi de RTE montre une diminution de la consommation significative de -8,3 % par rapport à la même période que l’année précédente, en données corrigées des variations de température, qui désormais concerne aussi les clients résidentiels et tertiaires, avec l’arrivée du froid (-7 %). Les indications données par EDF pour la consommation de sa clientèle vont dans le même sens.
Voir Synthèse hebdomadaire de la consommation électrique française | RTE (rte-france.com)

Nota : la plupart des illustrations et des données sont issues des publications de RTE et de son application ECO2mix

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PRODUCTION ET IMPORTATION D’ELECTRICITE
Source Production le 12 décembre Puissance installée
Bioénergies (biogaz, biomasse, déchets) 0,7 GW en continu 2,2 GW
Eolien 1,5 à 5,4 GW 20,5 GW dont 0,5 GW mer
Solaire Pic méridien : 3,5 GW 14 GW
Nucléaire 40,5 à 41,2 GW 61,4 GW
Hydraulique 3 GW (fil de l’eau heures creuses) – 16,4 GW (avec barrages) Pompage (STEP) : 3 GW (nuit) 25,7 GW
Gaz 7,4 à 9,5 GW 12,8 GW, dont : 6,8 GW cycles combinés ; 0,7 GW turbines combustion ; 5,2 GW cogénérations
Charbon 1,5 à 1,8 GW 1,8 GW (Cordemais et St Avold)
Fioul 0,7 à 1,4 GW 3,4 GW, dont : 1,4 GW turbines combustion ; 0,5 GW cogénérations
Importations 3 à 13,4 GW Environ 16 GW capacité interconnexions

La France est en ce moment en permanence dépendante des importations en provenance de ses voisins, principalement la Belgique et l’Allemagne, avec un maximum atteint jeudi 8/12 de 15,2 GW.

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Les énergies fossiles et l’hydraulique ont été sollicitées pratiquement au maximum de leurs capacités à la pointe du soir ce lundi, ainsi que les importations en matinée.
La capacité mobilisable garantie en ce début de semaine à la pointe du soir est de l’ordre de 88 GW, sous condition de pleine disponibilité pour les importations, se répartissant ainsi :

  • Bioénergies : 1 GW
  • Nucléaire : 41 GW
  • Hydraulique : 16 GW environ, en fonction du débit des cours d’eau et de la gestion des retenues d’eau
  • Gaz : 10 GW
  • Charbon : 1,8 GW
  • Fioul : 1,5 GW
  • Eolien : 1 GW (5 % de la puissance installée)
  • Solaire : 0

Importations (interconnexions) : environ 9,5 GW (Allemagne – Belgique), plus capacité de l’ordre de 6,5 GW (UK, Espagne, Italie, Suisse).

Cette capacité a progressé de 4 GW en une semaine avec le retour de réacteurs nucléaire, ce laisse une petite marge de manœuvre par rapport à une pointe de 83 GW ce soir, possiblement en progression légère cette semaine, avant mise en œuvre des mesures de flexibilité.

Focus sur la capacité de production nucléaire :
A mi octobre, la capacité de production nucléaire atteignait 30 GW, en ligne avec le scénario central de RTE.

Cette capacité est restée étale jusqu’au 20 novembre, en raison notamment des mouvements de grève ayant retardé la remise en service de réacteurs pourtant réparés ou dont la maintenance était achevée, ce qui a fragilisé la situation, cette capacité devenant inférieure à la plage minimum prévue par RTE.

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Depuis fin novembre, la remise en production de plusieurs réacteurs a permis d’augmenter la capacité à 41 GW (66 % de la capacité installée après fermeture de Fessenheim), pour retrouver le bas de la fourchette du scénario initial de RTE.

Selon les prévisions d’EDF, 4 à 6 GW supplémentaires pourraient être remis en service d’ici fin décembre, ce qui porterait la capacité disponible début 2023 à 45 – 47 GW (75 % de la capacité installée), en rejoignant le niveau du scénario central de RTE.

La faible disponibilité du parc nucléaire, ainsi que la fermeture de Fessenheim (1,8 GW) et la fermeture de 10 GW de centrales pilotables à charbon et au fuel depuis 2012, fragilisent significativement la résilience du système électrique français face à des périodes de froid intense.
Rappelons que le dernier hiver très rigoureux a conduit à un appel de puissance record de 102 GW (février 2012), que le parc actuel serait probablement dans l’incapacité d’affronter sans délestages (en janvier 2023, la capacité mobilisable ne dépassera pas 94 GW).

PRIX SPOTS DE L’ELECTRICITE

PRIX SPOTS DE L’ELECTRICITE

Période du 5 au 9 décembre 2022 :

  • UK : 270 – 630 €/MWh. Moyenne environ 400 €/MWh
  • France : 270 – 570 €/MWh. Moyenne environ 400 €/MWh
  • Allemagne : 165 – 510 €/MWh. Moyenne environ 370 €/MWh
  • Espagne-Portugal : 105 – 240 €/MWh (plafonnement du prix du gaz pour production électricité à 49 €/MWh selon dérogation accordée par l’UE et auto-suffisance de production avec échanges transfontaliers limités en capacité). Moyenne environ 150 €/MWh.

Le déséquilibre offre / demande croissant avec l’arrivée de conditions climatiques hivernales a provoqué une remontée des prix spots et provoque des pointes spéculatives (3.000 €/MWh ce lundi) en raison de mécanismes de couverture de risque de pénurie, bien que le prix du gaz soit redescendu avec le remplissage des réservoirs de stockage souterrain, tout en restant environ 3 fois plus onéreux qu’avant crise.

A ce niveau de prix, le déficit de production nucléaire coûte cher : par exemple la fermeture de Fessenheim (1,8 GW) oblige à importer par jour 43 GWh avec un surcoût de l’ordre de 350 €/MWh, soit 15 M€ /jour. Ce manque à gagner devrait être compensé en partie [[en tenant compte du plafond de commercialisation des énergies bas carbone établi à 180 €/TWh par l’UE pour financer le bouclier tarifaire (remboursement au-delà)]] par l’Etat français à EDF, ainsi qu’aux allemands -ENBW- et aux suisses qui ont co-investi pour la construction de la centrale à hauteur de 32,5 %.

Les entreprises françaises, qui ont dû pour beaucoup renégocier en forte hausse leurs contrats de fourniture d’électricité, sont exposées de plein fouet à cette hausse en raison de 2 facteurs principaux :

– L’Allemagne et l’Europe se sont opposées au plafonnement du prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité (ce qui se montre efficace dans la péninsule ibérique), alors qu’il aurait été possible d’indemniser comme en Espagne les fournisseurs de gaz en mobilisant les surprofits que font notamment les producteurs éoliens en vendant sur le marché une électricité bénéficiant d’une priorité d’injection, et d’un prix minimum garantissant leur retour sur investissement.

– Le gouvernement français a pris la décision de ramener le plafond de l’ARENH de 120 à 100 TWh, ce qui, par rapport à une demande totale validée par la CRE de 148 TWh, conduit à n’attribuer que 67 % du volume demandé, augmentant donc significativement l’exposition au prix de marché des clients industriels (y compris les clients d’EDF, car EDF s’aligne sur les prix de ses concurrents), en réduisant la part d’électricité nucléaire dans le mix de fourniture (cet effet se retrouvera aussi dans le calcul du tarif régulé de vente pour le marché de masse, mais un bouclier tarifaire limitera à 15 % l’augmentation du prix de l’électricité pour les clients au 1er février).

Voir La CRE publie le niveau de demande d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) pour 2023 – CRE

Cette décision, probablement motivée pour satisfaire EDF, en voie de renationalisation, et lui permettre de vendre au prix de marché ces 20 TWh (avec remboursement au-delà du plafond décidé au niveau de l’UE à 180 €/MWh) est totalement improductive et au détriment de notre tissu industriel, même si des mesures de protection sont mises en place : le plus simple est quand même d’utiliser à plein l’effet modérateur sur les prix de la production nationale nucléaire et hydraulique dans les contrats des industriels et le tarif régulé de vente, avant d’inventer des mécanismes de subvention !

Dans le même temps, le prix de l’ARENH est paradoxalement maintenu à 42 €/MWh, ce qui correspond à une vente à perte pour EDF, alors que la loi pouvoir d’achat a porté ce prix à 49,5 €/MWh : le gouvernement français, qui devait justifier ce prix auprès de la Commission UE, a donc trainé les pieds depuis 6 mois pour ne pas appliquer la loi, une fois de plus …

 

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