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Quand les syndicats lancent des grèves de nature essentiellement politique

par Bertrand Nouel
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Vous le savez, les grèves politiques sont illégales. Certes, faire la grève pour protester contre la réforme des retraites concerne bien une revendication d’ordre professionnel. Mais ce n’est qu’un trompe-l’œil. Parce que la satisfaction de cette revendication, à savoir l’abandon du recul de l’âge légal de la retraite, constituerait une décision de nature purement politique, de celles qui nécessitent une intervention de l’Etat sans aucun rapport avec les négociations entre partenaires sociaux. Donc de celles qui devraient se situer hors du champ de compétence des syndicats. Explications.

Financer les retraites par la hausse des impôts, seule solution pour les syndicats, inacceptable par le gouvernement.

Dans le système français de répartition, à savoir le financement des pensions par les cotisations des actifs, les déficits ne doivent pas exister. Or il n’existe que trois façons d’éviter de tels déficits : soit l’on augmente les cotisations, soit on augmente la quantité de travail, soit on diminue les pensions. Personne ne veut diminuer les pensions, qui de toutes façons sont appelées à baisser en raison de leur absence d’indexation. Il en est de même de l’augmentation des cotisations, sauf tout à fait à la marge, parce que cela pénaliserait à la fois les salaires et la marge des entreprises. Les syndicats n’ont d’autres propositions que celles relevant du « nyaka-faukon » : augmentation des salaires, baisse du chômage, suppression des exonérations des charges sociales sur les bas salaires, formation…, qu’il savent très bien être irréalisables ou inefficaces à terme acceptable.
En réalité, la seule solution que les syndicats – et les politiques d’opposition – admettent, c’est l’augmentation des impôts. Or les impôts sont déjà utilisés à grande échelle pour combler le déficit des retraites. Il y a déjà la contribution de l’Etat en sa qualité d’employeur, qui l’amène, en raison de sa très grande générosité des retraites, à mettre 30 extra milliards au pot. Il y a aussi sa contribution pour combler le déficit général et offrir des avantages (par exemple les exonérations de charges sur les bas salaires). Cette contribution est notamment et surtout financée par une ponction sur les ressources de TVA. Reprenons une nouvelle fois ce que nous disions dans notre étude du 24 octobre dernier : Quant aux seules retraites, si l’on avait voulu en 2019 que les cotisations financent 83% des coûts comme en 2003, il aurait fallu qu’elles rapportent, à la charge des salariés et surtout des employeurs, 65 milliards de plus ! Autrement dit, en ne couvrant que 64.5% des dépenses de retraites, le caractère assurantiel de ces dernières a été très sérieusement ébréché. L’argument de Laurent Berger, selon lequel le gouvernement confond à tort comptes publics et comptes sociaux, manque singulièrement en fait. On rappellera aussi qu’une partie substantielle des apports de l’Etat en CSG et TVA est due à la compensation financière de la suppression des cotisations sur les bas salaires, suppression motivée par les nécessités de compétitivité des entreprises. Ce sont donc les impôts qui permettent de ne pas augmenter les cotisations », et non pas une éventuelle augmentation des cotisations, que créerait un recul de l’âge de la retraite, qui permettrait de couvrir d’autres dépenses de l’Etat : tout l’inverse.

La colonne vertébrale de l’action du gouvernement

Le gouvernement est absolument opposé à voir encore augmenter sa participation financière au service des pensions de retraite, qui ne cesse de croître jusqu’à atteindre 35,5%, alors que nous nous situons dans le contexte d’un système de répartition comme nous l’avons dit. Il s’agit ici de la colonne vertébrale de la politique du quinquennat actuel, qui consiste à favoriser l’offre et non pas la demande, et à maîtriser les coûts de production ainsi que les dépenses publiques et les déficits qui en sont la conséquence. La nécessité de cette politique lui est d’ailleurs rappelée par la Cour des comptes, le FMI et l’Europe, et la France ne saurait rester sourde à leurs attentes.
La réforme des retraites voulue par le gouvernement constitue donc un élément essentiel de cette colonne vertébrale, à laquelle ce gouvernement ne saurait renoncer sans remettre en cause toute sa politique, et commettre l’équivalent d’une démission. Démission qui est évidemment le but de l’opposition politique, mais pas celui des syndicats, sauf à commettre une confusion de rôles. La revendication de ces derniers – abandonner l’exigence de recul de l’âge de la retraite – n’est professionnelle qu’en apparence, elle remet en cause tous les principes qui guident l’action du gouvernement, fondée sur la vision que le chef de l’Etat se fait de l’intérêt général. Ce n’est pas le rôle des syndicats de s’en prendre à cette vision purement politique, et ce ne devrait pas être davantage légalement la motivation d’un appel à la grève.

La demande aberrante de médiation

L’intersyndicale, cherchant apparemment à sortir de l’impasse, vient de faire une proposition de désignation d’un médiateur. Une telle proposition ne peut qu’apparaître absurde au vu de ce que nous venons de rappeler. Car la question est de savoir si le déficit prévisible annuel de la branche retraites – une quinzaine de milliards – doit être financé par deux années de plus de travail, ou par l’augmentation de la dette – ou des impôts. Laurent Berger nous dit que sur un total de 345 milliards, 15 milliards, c’est l’épaisseur du trait. Le gouvernement, attendu anxieusement par le FMI et les voisins européens, ne veut ni d’une augmentation des impôts, ni de celle de la dette et ne considère pas qu’il s’agisse que de l’épaisseur du trait (par exemple, revenir à l’ISF ne ferait que d’apporter 3 milliards par rapport à l’IFI). C’est une décision politique fondamentale, et les mesures qui constituent la colonne vertébrale de l’action d’un gouvernement ne peuvent pas être le sujet d’une médiation ! Même si un médiateur n’a pas les pouvoirs d’un arbitre, son rôle est de rapprocher les deux parties à un litige. Et contrairement à ce que prétend l’intersyndicale, il ne s’agit pas de régler un litige social. Il s’agit de gouverner, et gouverner est un art qui ne se partage pas.

 

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1 commenter

assens mars 31, 2023 - 11:15 am

Quand les syndicats lancent des grèves de nature essentiellement politique
Bonjour,
Je vous suis depuis des années et trouve votre contribution essentielle au débat publique.
Ce dernier article est excellent car tellement simplement factuel.
Quelle est votre stratégie pour retrouver ces points de vue dans les médias et tempérer enfin les articles à charge qui amplifient les mouvements spectaculaires et contestataires au detriment des faits?

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