Est-ce par dérision que l’auteur de cet essai, par ailleurs solide, a choisi ce titre, digne d’une punition d’école primaire ? Est-ce pour souligner la légèreté du travail accompli par Piketty malgré les tonnes de chiffres sous lesquels il prétend nous enterrer ? Le sous-titre nous donne clairement l’objet du livre.
Ce n’est pas parce qu’il nous cite que nous avons été conquis par cet opuscule qui se lit très facilement. La plume y est alerte et le style incisif.
L’auteur a su ne pas se laisser aller à de grandes démonstrations pour experts mais toucher là où cela fait mal.
Qu’on en juge.
Nous n’avons pas vérifié mais je cite : Manichéen à l’extrême et prêt à faire feu de tout bois pour signifier que le riche est nuisible par nature, l’auteur du Capital au XXIème siècle va aussi jusqu’à confondre réalité et fiction. C’est ainsi qu’un certain Caledon Hockley a droit à son petit couplet. Qui est donc cet individu ? L’héritier d’une immense fortune qui s’est illustré lors du naufrage du Titanic en graissant la patte d’un officier afin d’embarquer en priorité sur un canot de sauvetage (…) Seul problème, le sinistre Caledon Hockley n’a jamais existé. Sorti tout droit de l’imagination du cinéaste James Cameron… .
Autre imposture : page 818, Piketty parle de la violence des années 1930 en accusant les élites économiques et financières qui se sont enrichies en conduisant le pays à la ruine(…) : C’est dans ce contexte qu’arrive Roosevelt qui relève fortement le plafond du taux marginal de l’impôt sur le revenu abaissé à 25% sous la désastreuse présidence Hoover, et qui passe à 63% dès 1933… Le seul problème est que ce relèvement date de 1932 et pas 1933 et n’est donc pas l’œuvre de Roosevelt, mais de… Hoover, lui-même.
La liste des impostures de Piketty est longue et nous pourrions en donner un très long compendium qui pourrait être aussi volumineux que son ouvrage à succès.
L’auteur lui donne cependant des excuses en rappelant que ses parents étaient à Lutte Ouvrière et qu’il est en fait un militant de gauche, drapant son idéologie sous l’habillage de la statistique.
Mais l’ancien rédacteur en chef adjoint de l’Entreprise est allé sur des terrains plus cruciaux que la seule crédibilité de Piketty et a déniché des sources sérieuses sur l’un des aspects importants des revenus aux USA : ce qu’on appelle la mobilité, le fait que ceux qui sont au sommet de la pyramide y restent rarement longtemps. Alors que Piketty affirme qu’il n’existe pas de rapport conclusif sur cette mobilité, les professeurs Mark R. Rank et Thomas A. Herschel ont suivi une groupe d’Américains entre 25 et 60 ans afin d’observer l’évolution de leurs revenus sur une période de 44 ans. Leur découverte ? Les trois quarts d‘entre eux se sont retrouvés à un moment de leur vie professionnelle parmi les 20% des revenus les plus élevés (et plus de la moitié dans le décile supérieur) (…) 54% ont flirté au moins une fois avec le seuil de pauvreté… En trouvant peu à peu une place dans la société, la plupart de ses occupants ont fini par sortir de la misère…
Frédéric Georges-Tudo, l’auteur de l’essai, s’étonne à de multiples reprises que les médias aient pu reprendre et présenter comme des vérités des informations qui sont au mieux des erreurs, au pire des malhonnêtetés intellectuelles.
Il explique clairement que c’est tombé à pic aux USA pour permettre à un président Obama, en déroute électorale, de lancer le thème qui, depuis Abel et Caïn, avec l’intérim de Karl Marx, est un des grands moteurs de la politique.
Mais l’avertissement que lance l’auteur à la fin de son essai n’en est pas la partie la moins intéressante. L’essai se conclut par cette forte déclaration : Maintenant qu’il a l’oreille des médias du monde entier, Thomas Piketty ne manquera pas d’intensifier son activisme militant (…) sa doctrine distille l’idée que le monde est sclérosé, que les classes populaires sont par définition condamnées à rester clouées au sol (…) Voilà pourquoi il nous semblait très imprudent de négliger le pouvoir de nuisance de ce personnage à l‘apparence si bienveillante. Révéler ses escroqueries intellectuelles, expliquer ses erreurs d’analyse, mettre en garde contre ses recommandations désastreuses et enfin dénoncer son militantisme d’extrême gauche maquillé en recherche scientifique, c’est ce qu’a tenté d’accomplir… Piketty au piquet.
5 commentaires
Un peu faible
Je suis étonné qu'il te taille discrediter Piketty sur du marginal ou des considérations en dehors du raisonnement principal alors que ses données sont intéressantes.
Signé : Un chef d'entreprise a l'origine de plusieurs starts up
Faut il qu il te dérange à ce point pour que tu uses de telles arguments?
Moi je trouve qu'il ya des analyses intéressantes meme si je ne suis pas d'accord
Avec ses conclusions sur l'impôt sur le capital , mais avec des arguments tres différents des tiens.
Francois x70
Un peu faible
Merci de ton email car il montre bien à quel point il est facile d’abuser de personnes comme toi, qui n’en est pourtant pas resté au brevet élémentaire.
D’abord, pourquoi en effet Piketty me dérange : pas parce que c’est un violent qui a battu Aurélie Fillipetti ou menacé une journaliste de Les Echos mais parce qu’il contribue à détruire ce que je cherche à construire depuis 30 ans, une société où il n’y ait plus de chômage qui est pour moi la pire injustice.
J’ai eu des personnes qui m’étaient proches, détruites par le chômage.
C’est cela que crée Piketty.
Et en étant malhonnête.
Je ne crois plus à l’erreur chez Piketty. Je l’ai vu truquer tout ce que l’on peut truquer pour faire croire à son idéologie tout en se drapant sous le manteau de la science ou de la statistique. Je ne crois même plus que c’est par idéologie, mais seulement par volonté de puissance.
Il n’y a pas une conclusion de « pour une révolution fiscale » ou du capital au XXIème siècle qui ne soit attaquable comme une déformation de la vérité ou un mensonge pur et simple.
Sa principale astuce est de te noyer sous des tonnes de chiffres et de séries (apparemment, tu es une autre preuve que cela marche).
Pour en avoir démoli quelques-uns dans les grands médias, cela oblige souvent à faire de longues démonstrations.
Ce que j’ai aimé dans Piketty au piquet, c’est d’avoir donné des preuves simples de la malhonnêteté de Piketty, compréhensibles par tous.
Pourquoi crée-t-il le chômage ? Je te renvoie à « changer Bercy pour changer la France » que je viens de publier chez un petit éditeur mais je reprends la conclusion de J.R. Rodgers qui a créé plus de 4.000 emplois de haute technologie, parce que « cibler les riches tue l’emploi ». Ceux qui s’enrichissent en effet davantage que la moyenne de la population ne sont pas ceux qui profitent de la croissance mais ceux qui la font. Pour ne plus avoir de chômage, il nous faudrait beaucoup plus milliardaires en France que ceux que nous avons par faute de ces campagnes égalitaristes.
Et j’espère que d’autres viendront m’aider à développer le modèle de la toile cirée (http://www.emploi-2017.org/le-modele-de-la-toile-ciree,a0390.html) et à montrer qu’à 90%, les riches sont des entrepreneurs, créatifs, des aventuriers qui prennent des risques, pas des professeurs, à l’abri de tout chômage, payés par l’Etat pour passer leur temps à démolir cette société que les fait vivre.
Tibi.
Ps. Je serai très heureux de lire tes arguments.
Beaucoup à dire, mais les problèmes ne sont pas là où on croit…
1. D'abord un avis sur ce qui fait le point fort des analyses de Piketty (je suis administrateur de l'Insee) :l'analyse de l'évolution de la distribution des revenus, et plus encore des patrimoines, sur très longue période est une gageure statistique, et relève de la foi quand on veut en plus comparer les pays. Il y trop d'incertitudes, quant à la disponibilité des données, à leur définition (que fait-on des dettes ? intègre-t-on les assurances retraite par capitalisation ? comment évaluer la fortune immobilière ?) pour en tirer des conclusions fiables. Mais, sur la période récente (les 30 dernières années) à peu près toutes les études concordent pour constater un accroissement de la part des revenus et des patrimoines des ménages les plus riches. Ce qui est en soit un motif de réflexion sérieux.
2. Des études individuelles sur les personnes les plus riches existent, grâce à Forbes qui publie un classement depuis longtemps. Les comparaisons pour les 10 personnes les plus riches du monde montrent une surprenante mobilité, et le fait que la très grande majorité des entrants ne sont pas des héritiers, mais des managers qui ont créé ou su développer leur entreprise.
3. Mais le capital financier n'est pas tout. Un article récent (the Economist 1er février) montrait l'importance indiscutable du capital humain en terme de formation et d'éducation, qui favorise sans aucun doute l'accroissement des inégalités. Sans vouloir faire du Bourdieu il s'agit là d'une question grave qui se pose aux sociétés occidentales.
4. L'inégalité ne joue pas qu'entre personnes. Elle est encore plus flagrante entre les pays, et les 50 dernières années ont vu l'apparition de nouveaux riches sous la forme des états rentiers, notamment pétroliers. Par les montants en jeu leur importance est sans commune mesure avec les inégalités entre les ménages. Que ce soit du point de vue économique, politique ou même moral, cet aspect mérite réflexion.
5. L'inégalité croissante des revenus et des patrimoines, individuels ou d'états, a une contrepartie : la montée des dettes. Le riches consomment moins, épargnent plus, et leur patrimoine est essentiellement financier, donc constitué de créances. Le seul fait que les économies, et les états, aient pu sans difficulté majeure faire face à l'accroissement vertigineux des dettes ces dernières années est simplement la conséquence de ce que ces riches ne savent pas quoi faire de leur argent ! Il y a donc un marché de dupes : on leur permet de se croire riche, avec des créances qui ne seront jamais remboursées !
De la promotion de l'envie comme ciment social
Il y a 2 manières de considérer les inégalités : une manière politiquement correcte (et au demeurant très française) qui consiste à considérer que cela est injuste, qu'il faut le corriger par tous les moyens et en particulier par le plus simple et le plus évident : rendre les riches pauvres . On atteint ainsi une (soi-disant) égalité par le bas.
Une autre manière, plus anglo-saxonne en tous les cas nord-américaine, est de se dire que s'il y a inégalité, il y a plus de richesse possible, et qu'il faut organiser la société pour qu'un maximum de gens puissent y accéder. A l'inverse de la précédente, cette méthode encourage l'enrichissement par l'égalité des chances mais pas des résultats.
Elle se termine au total par un enrichissement supérieur de l'ensemble de la société et de la moyenne de ses membres. Ce fut le combat en son temps entre les USA et l'URSS gagné par KO par les inégalitaristes. Le même scénario est en train de se rejouer, quoique les disciples de Mr Piketty en disent, pour le recul de la pauvreté dans le monde qui se fait par des pays libéralisés (même si c'est incomplet et imparfait) et va de pair avec les fluctuations dans les inégalités qu'ils dénoncent : cherchez l'erreur ! Valable également pour les prises de positions "officielles" de l'OCDE, FMI et autres OXFAM.
Tout ceci serait sans importance, s'il ne remplaçait dans le cerveau des individus le sens de l'initiative et de l'effort par l'apologie de l'envie qui n'est que très exceptionnellement un facteur de développement et distend le contrat social nécessaire au bon fonctionnement des sociétés modernes.
Réel ? … ou Vrai ?
Ce que vous dites est vrai ! , mais qui va le croire ? ; A relire : Arthur Koestler et son récit d'expérience comme " inspecteur " du Komintern niant l'évidence devant les affamés lors de la révolte des koulaks !