« Sommes-nous responsables de notre avenir ? ». Les enseignants qui ont concocté ce superbe sujet de bac de philo n’avaient probablement pas imaginé quelle actualité brûlante il prendrait quelques jours après que nos ados aient eu à plancher dessus, en contemplant la bérézina de la participation au scrutin des régionales.
L’emploi du pronom « nous » est capital ici : il pose le problème redoutable de la responsabilité collective par opposition à la responsabilité individuelle que bien entendu chacun est bien davantage prêt à concéder. Dans quelles conditions sommes-nous prêts à admettre cette responsabilité collective, en admettant aussi que les élections ne sont pas des « pièges à cons » ?
Responsabilité de l’avenir suppose aussi connaissance, et connaissance suppose certitude scientifique, voilà ce que certains qui penseront au climat ne manqueront pas de développer, principe de précaution, aura déjà rétorqué Jacques Chirac, auteur de l’introduction du principe dans la Constitution. Le sujet est riche, peut-être difficile à traiter pour des adolescents ? Mais ces adolescents obtiennent le droit de vote dès 18 ans, n’est-ce pas ? Valéry Giscard d’Estaing n’a -t-il pas trop présumé du développement de l’intelligence en accordant ce droit de vote ?
Quoi qu’il en soit, les enquêtes post-vote du 20 juin, premier tour des régionales, permettent de se rendre compte de la démographie de ce vote. Or, il faut passer l’âge de 70 ans pour trouver une population dont la majorité a participé au vote. Inversement, plus les électeurs sont jeunes, et moins ils ont voté : en moyenne à 28%. Même si cette fois les plus jeunes ont été rejoints par les adultes jusqu’à 50 ans, il est de tradition que les jeunes votent beaucoup moins que les adultes et les anciens.
Paradoxal de remarquer que les élections ayant par définition pour but de gouverner le présent mais aussi de donner l’occasion pour la population de se prononcer sur la préparation de l’avenir, ce soit les plus de 70 ans, qui ont, comme on dit, leur avenir derrière eux, qui s’expriment le plus… Certes les « vieux » ont plus de temps libre et moins d’occupations dominicales que les jeunes. Mais l’argument n’est pas suffisant, et le fait est que le lien entre rôle du politique et préparation de l’avenir n’est pas reconnu par la population qui devrait s’en préoccuper le plus.
On pourra rétorquer à juste titre que les régionales – ainsi que les départementales – sont des élections dont l’objet est le plus abscons qui soit et que les élus n’ont guère de pouvoirs, en tout cas pas celui de préparer l’avenir. Difficile en tout cas de ne pas y voir à la fois une crise de la démocratie représentative et, de façon pas vraiment surprenante, un désintérêt pour les sujets d’« administration » comme le sont ceux réglés par les institutions locales.
On peut toutefois parier sans grand risque qu’à supposer que l’enjeu eût été clairement national, comme celui du développement durable, le résultat eût été très nettement différent du point de vue de la participation. Et en conclure que malgré tout, oui, les Français, comme les autres peuples, se sentent responsables de leur avenir. Le tout est de leur poser les bonnes questions, celles qu’ils jugent aujourd’hui aussi essentielles qu’angoissantes, les autres ils ne s’y intéressent guère. Voilà peut-être l’enseignement le plus évident de ce scrutin. C’est alors, pour le gouvernement, que la tâche de poser les questions essentielles devient extrêmement ardue. Le référendum ? Quelle est la question à laquelle on peut répondre par oui ou par non ? La convention citoyenne ?
Bel effort d’Emmanuel Macron, mais elle n’a pas de légitimité. Ne reste plus que la confiance. Actualité de Jean de la Fontaine, dans « Les grenouilles qui demandent un roi » : « Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue »…
5 commentaires
Participation électorale 33% :
Personne n’a semble-t-il eu le courage de dire qu’il a fallu plus de 2 siècles pour installer définitivement le droit de vote pour tous dans notre pays (rappelez-vous le vote des femmes, pas très vieux, ou le scrutin censitaire). Et voilà que l’on ne s’en sert pas. Honte aux politiques et aux médias qui préfèrent parler des manifestations de voitures brûlées ou des valeurs européennes plutôt que d’expliquer pourquoi l’on vote et pourquoi il faut voter. Le risque : terminer sous un régime chinois ou pire cubain. (Dans ces pays on risque la prison et la mort pour pouvoir voter !)
Participation électorale 33% :
Pour moi qui ait tjrs voté, cela relève du réflexe, mais je comprend très bien ceux qui ne votent pas. si le vote est serré, c’est du pile ou face, si le vote est large, cela n’est pas visible. Le vote individuel est le moyen le plus dérisoire pour influer sur son avenir… Faire voter est déjà plus efficace. Le problème non résolu pour ces régionales a été de faire voter. Comment faire voter, qui est un effort non rationnel? Voter relève de la psychologie intérieure ou du mouvement social en se faisant voir au bureau de vote ou de l’auto affirmation de son appartenance à un groupe .
le vote ne sert plus a rien
le pouvoir des élus est capté par les fonctionnaires ; Alors pourquoi voter?
Participation électorale 33% :
Pour moi, la vraie raison de l’abstention est la vacuité du sujet du vote. Les « régions », monstres artificiels contre-nature ne « parlent » pas aux gens.
Les seuls intéressés à cette élection étaient les ténors des partis (et ceux qu’ils ont envoyé au combat) pour leur image nationale (et donc déconnectés de l’objet du vote!.
Le citoyen moyen n’était pas concerné.
pardonnez moi, remarque triviale, hélas
voter, c’est comme se soulager dans un violon ! (sic)