Le plan pauvreté présenté par Emmanuel Macron contient une mesure qui n’a rien de neuf pour moi et pour quelques autres. Sa gestation a duré au moins 12 ans et il n’est pas sûr qu’elle soit terminée.
Dans le jargon technocratique il s’agit d’« offrir la garantie jeunes à 500.000 personnes en 2022 au lieu de 100.000 aujourd’hui ». Concrètement il s’agit d’accompagner des jeunes éloignés de l’emploi de 15 à 25 ans pour qu’ils trouvent un emploi durable à l’issue du processus.
Appeler cela « garantie » tient de l’abus de langage en sous-entendant le succès à coup sûr de la mesure. Exagération politicienne bien sûr mais pour une fois nous ne la blâmerons pas car elle s’appuie sur des réalités et une expérience prouvée.
Dès 2005, l’association Entreprise et Progrès, alors présidée par Paul Dubrule, lance sous la direction de François Ardonceau un « chantier » pour trouver comment on peut éviter aux jeunes sans emploi et sans formation, « en grande difficulté », d’entrer dans le chômage de longue durée. Les expériences réussies d’une dizaine d’entreprises pionnières sont réunies et analysées. Un facteur clé de succès émerge. L’entreprise doit fournir un tuteur professionnel qui apprendra le métier sur le tas côte à côte à un petit nombre d’apprentis. Mais un second tuteur est nécessaire en dehors de l’entreprise pour sortir le jeune de la solitude et lui apprendre à surmonter son ignorance des règles de vie élémentaires. Les conclusions de l’étude sont réunies dans une petite brochure « Insérer des jeunes en difficulté dans l’entreprise, c’est possible » qui sera tirée à 12.000 exemplaires et envoyée à leur demande à sans doute toutes les Missions Locales pour l’Emploi des Jeunes de France. Le ministre du Travail de l’époque Gerard Larcher nous demande en 2007 de chercher à diffuser nationalement ces bonnes pratiques.
Nous constaterons rapidement la distance parfois infranchissable entre les entreprises et certaines Missions Locales qui se perçoivent essentiellement comme des distributeurs d’aides sociales aux jeunes chômeurs. Même lorsque les Missions adhèrent à la démarche, elles doivent trouver les tuteurs en savoir vivre et les associer aux formateurs professionnels pour qu’ils fassent équipe. Ce travail de fourmis est vite laissé de côté car la grande réforme de la création des Maisons de l’Emploi est annoncée et absorbera toutes les énergies du secteur public.
Nous avons été, sous le gouvernement Valls, heureusement surpris de voir réapparaître (8 ans plus tard !!) cette démarche sous un costume européen, comme partie de la déclinaison française d’une initiative de l’Union Européenne en faveur de l’emploi des jeunes. Cette fois la première étape a été pragmatique. On a expérimenté dans un tout petit nombre de départements qu’on a élargi peu à peu. Début 2014 il y avait 10.000 jeunes accompagnés dans 10 territoires. Il y aurait donc, courant 2018, 100.000 jeunes accompagnés. Espérons que passer à 500.000 ne fera pas chavirer la barque et que la « garantie » ne sera pas fallacieuse.
Car c’est là où nous voulons en venir. Réformer n’est pas affaire de discours seulement. Bien sûr il est nécessaire de dire ce qu’on va faire. Et d’entretenir un espoir raisonnable de succès. Mais trop souvent le discours est un élément de communication et rien d’autre. Dans le cas que nous venons de décrire comme dans bien d’autres. Le succès de la réforme repose essentiellement sur l’exécution. Qui va faire quoi avec qui d’autre ? Qui sera responsable non pas seulement du discours mais bel et bien du résultat, même s’il n’est pas totalement réussi ? Ou encore plus difficilement si c’est un échec ? Quelles étapes de réalisation ? Dans quels délais avec quelles ressources, humaines et pas seulement financières ?
A défaut, nous continuerons de psalmodier les oraisons funèbres des réformes manquées et des jobs qui n’auront pas été créés faute de fonds propres dans les entreprises et faute de compétences minimales dans la population.