Il est intéressant de lire un rapport écrit par une députée [[Karine Berger, députée des Hautes-Alpes, polytechnicienne, ENSAE]] qui est aussi une professionnelle de l’économie. Il abonde en effet en remarques de fond solides, et pas seulement en déclamations d’intentions ou en vœux pieux comme c’est souvent le cas dans la langue de bois héritée de la troisième république et de sa logorrhée verbale.
Jean-Michel Fourgous, qui, sous le quinquennat Sarkozy, initia au Parlement la transformation des contrats d’assurance-vie en euros en contrats multi-supports, sera probablement heureux de voir une adversaire politique ne pas hésiter à citer son exemple pour encourager la transformation d’une partie de l’assurance-vie en une formule un peu plus risquée.
Nous avons été ravis de la voir constater qu’en effet, il avait fallu tout le quinquennat Sarkozy pour que l’ISF-PME devienne ce qu’il aurait dû être depuis le début : un avantage fiscal beaucoup plus concentré sur des cibles industrielles risquées et des PECs (petites entreprises communautaires) et pas des PME (incroyable, une député qui n’hésite pas à utiliser la désignation barbare de la PEC, certainement incompréhensible à la grande majorité des parlementaires et qui est pourtant le langage de l’Europe depuis avant les lignes directrices du 18 août 2006 mais que l’Élysée de Nicolas Sarkozy et Bercy avaient glorieusement ignorées …)
Comment ne pas non plus applaudir lorsqu’elle propose de revoir des avantages fiscaux qui sont de véritables gouffres sans grands résultats comme Sofica, ou les avantages fiscaux attachés aux investissements outre-mer ou au logement social dans les DOM-TOM.
Les critiques de fond à l’égard de son rapport sont cependant nombreuses. Est-ce une déformation d’avoir été formée par l’ENSAE ou est-ce parce qu’étant au parti socialiste, il lui est difficile de sortir du mantra officiel? Nous ne saurions trancher.
Mais dire que le capital-risque est la source d’investissement dans l’amorçage des entreprises donne à croire qu’elle s’est laissé intoxiquer par les notes de l’Ambassade de France à Washington dont les attachés scientifiques publient ce qui leur donne le moins de mal et qui ignorent les Business Angels parce que les chiffres les concernant sont beaucoup plus difficiles à établir que ceux du venture capital qui sont dans tous les médias ?
A –t-elle aussi lu le rapport de Jean-Philippe Coris, directeur de l’INSEE, que nous avions contraint à corriger après qu’il ait tenté dans une première édition de faire croire que les dividendes avaient été avantagés par rapport aux salaires alors que la montée des dividendes en valeur absolue était due au remplacement de dettes vis-à-vis du système bancaire par une augmentation des capitaux propres, mais que la rémunération de ces capitaux n’avait cessé de chuter ?
L’erreur qui nous paraît la plus facile à excuser est celle commise par beaucoup d’économistes qui consiste à déclarer que la fortune des Français (ou des Américains) est beaucoup plus inégalement distribuée que ne le sont les revenus.
Ce qu’elle n’a pas intégré c’est que la distribution les fortunes ne tient pas compte de la redistribution ni du facteur risque.
Les calculs auxquels elle se réfère ne prennent absolument pas en compte, en matière de patrimoine, celui que la société a construit pour les plus pauvres et qui fait que quelqu’un que ces statistiques décrivent comme sans aucun patrimoine est en fait couvert par un filet social qui va s’assurer, ce qui n’était pas le cas il y a 100 ans, que cette personne ne mourra pas de faim, aura doit à des soins gratuits et dans l’ensemble sera logée même, si c’est mal logée.
Et de même que ces statistiques ignorent le patrimoine social ainsi constitué, elles ignorent le risque que courent les patrimoines les plus élevés et qui font que si l‘on en tient compte, si l’on intègre la réduction de ces hauts patrimoines par la prime de risque qu’ils devraient payer pour se conserver, leur valeur actualisée les réduirait de moitié environ.
De quoi faire disparaître l’écart inexpliqué entre la distribution des patrimoines et celle des revenus.
Mais une prime de risque qu’aucun économiste, à notre connaissance, n’a encore théorisée ni calculée.
Nous sommes en train de le faire à partir des statistiques que nous avons fait établir.
Car il est capital pour l’avenir de notre pays que nos représentants, comme l’opinion, comprennent que le 1% de la population ayant la fortune la plus élevée est aussi elle qui finance la création d’entreprise et son développement dans la période la plus risquée. Et que si le risque pris par ce 1% n’est pas compris, c’est l’avenir des 99% autres qui est profondément compromis.
3 commentaires
Merci Karine
Signalons cependant que ce député des Hautes-Alpes annonçait le retour de « la croissance » en 2012 et l’annonce, – ou l’annonçait, – pour le deuxième semestre 2013. Elle a également, comme secrétaire nationale à l’Economie du PS, chanté le dithyrambe sur la création de la BPI. Mais évidemment elle a fait l’X et est statisticienne économique. Elle me parait appartenir à l’espèce redoutable des ânes savants.
Merci Karine
L’inégalité des patrimoines est inférieure en France aux autres pays européens. Par exemple: le 1 % des Français les plus riches possède 9 % des patrimoines (Suède: 18 %); répartition des 11M d’individus les plus riches du monde: 3 % de la population suisse, 1,1 % de l’allemande, 1 % de l’américaine, 0,6 % de la française.
Voir l’article de Jacques Attali dans l’Express du 3/4/13 : « la possibilité de faire fortune est le principal moteur de la croissance »; « dans les pays protestants, le scandale est la pauvreté, pas la richesse »; « il est donc urgent de mettre le droit de s’enrichir dans notre boîte à outils nationale »
Merci Karine
Il faut veiller à ne pas trop féliciter Karine. Je rappelle qu’elle a écrit un livre où elle prétend qu’à coup de grand investissement de l’Etat éclairé, en particulier dans les technologies « d’avenir » écologiques, on va repartir pour 30 nouvelles glorieuses. Étonnant de voir que le grand plan de relance de Sarkozy et le Grenelle de l’environnement de Borloo allant exactement dans le sens de ses écrits ne nous ont menés nul part …