Tel devrait être le projet ambitieux que François Bayrou devrait proposer aux Français, s’il veut durer et s’inscrire dans l’histoire. Il vient d’être appelé à diriger le pays en remplacement de Michel Barnier qui n’avait pas réussi à s’élever au dessus des querelles partisanes dans lesquelles se trouvent englués nos parlementaires à l’Assemblée Nationale. Il est un homme politique du Centre, et il a un argument fort pour jouer ce rôle : il vient de remplir pendant 4 ans la fonction de « Haut Commissaire au Plan », ce qui lui a permis d’acquérir une vue précise de ce qu’il faut faire pour redresser notre économie. Il faut qu’il ranime la flamme d’une France qui veut se battre, et pour cela il faut qu’il propose de s’atteler à une tâche noble : il n’en est pas qui soit de nature à mieux rassembler toutes les énergies que celle de redonner espoir aux Français dans leur destin.
On se souvient que Michel Barnier, dans son discours de politique générale, avait déclaré aux députés qu’il allait se consacrer prioritairement aux cinq chantiers suivants :
- Le niveau de vie des Français ;
- L’accès à des services publics de qualité ;
- La sécurité au quotidien ;
- La maitrise de l’immigration ;
- La Fraternité.
Des préoccupations, certes, importantes pour les Français, mais pas de nature à les extraire des querelles partisanes dans lesquelles ils se cantonnent. Il faut donc, cette fois, que le nouveau premier ministre personnifie un projet mobilisateur dans lequel chacun puisse se reconnaître, par-dessus les partis.
Tous les clignotants sont au rouge
Tous les clignotants de l’économie sont au rouge, et les Français sont inquiets. Nous avons un taux de prélèvements obligatoires qui est record en Europe, des dépenses publiques les plus élevées en proportion du PIB de tous les pays européens, un taux de chômage en permanence plus fort que celui de nos voisins, une balance commerciale chaque année déficitaire, et un déficit du budget de la nation qui va atteindre cette année un peu plus de 6 % du PIB. Aussi notre dette extérieure ne cesse-t-elle pas de croître, depuis 50 ans, et elle atteint maintenant des niveaux dangereux.
Notre économie souffre de deux maux qui combinent leurs effets :
- La place centrale du travail est remise en cause, aujourd’hui, en France (cf note du Commissariat général au Plan, en date du 12/10/2024) ;
- Le pays s’est très gravement désindustrialisé ;
Beaucoup d’articles nous disent que l’on ne travaille pas assez en France, et c’est effectivement ce que montre le tableau ci-dessous :
France | Allemagne | Suisse | |
Taux de pop. Active | 46,7% | 53,4% | 55,7% |
Heures de travail/an | 1.670h | 1.850h | 1.831h |
Durée vie active | 35,6 ans | 38,4 ans | 42,4 ans |
Il nous manque un peu plus de 5 millions de personnes au travail, les heures de travail de nos salariés sont inférieures, chaque année, à celles de nos voisins, et la durée de la vie active dans notre pays est plus courte. On rentre en France trop tard dans la vie active et on en sort trop tôt ; et un trop grand nombre de personnes sont au chômage sans rechercher un emploi : on a actuellement inscrites à « France-Travail » 5.463.000 personnes (toutes catégories confondues), un chiffre de chômeurs bien supérieur donc à ce que nous indiquent les communiqués officiels. Alain Minc, dans un article dans le Figaro-Magazine du 14 Décembre dernier, nous dit : « Les Français ne comprennent guère l’économie, mais y a-t-il quelqu’un qui leur tient le discours des efforts à faire ? ».
Et, pour ce qui est de notre désindustrialisation, elle est extrêmement avancée : la France est maintenant le pays le plus désindustrialisé d’Europe, la Grèce exceptée. Notre secteur industriel s’est atrophié au point qu’il ne représente plus que 10 % seulement du PIB, contre 23% ou 24 % en Allemagne ou en Suisse : or, c’est le secteur qui génère le plus de richesse étant celui où la productivité augmente le plus vite.
Les plans « Macron » :
Emmanuel Macron n’a compris que très tardivement le problème de la désindustrialisation du pays : c’est la crise du Covid-19 qui lui a ouvert les yeux. Son premier plan a eu pour objet de ranimer l’économie, qui avait été mise en sommeil par la crise sanitaire, et c’est une mesure qui a résulté de décisions prises au niveau européen. Il a lancé ensuite, en 2021, le « Plan France-2030 » avec pour objectif de « Faire émerger les futurs champions dans nos filières d’excellence », un plan qui est toujours en cours et auquel il a affecté un budget de 30 milliards d’euros.
Ces deux plans n’ont pas été de vrais plans de réindustrialisation du pays, et il en faut donc un, maintenant, pour extraire le pays de l’ornière. Et l’on notera que dans aucun des plans Macron il n’a été question de remettre les Français au travail.
Pour un « Plan Bayrou » de réindustrialisations de la France :
François Bayrou en étant en charge du nouveau « Commissariat Général au Plan » a pu prendre la mesure des maux qui affectent notre économie. Dans le journal La Tribune du 29 novembre 2001 il disait : « Ce qui frappe, c’est l’absence de réflexion et de prévision sur la situation du pays et sur les causes de ses faiblesses……Or, la cause de tous les maux est parfaitement identifiée : en France, on ne produit plus assez ! Alors la tentation désespérée c’est le déficit pour continuer de soutenir un niveau de vie qui, en réalité, n’est plus équilibré par suffisamment de ressources ». Il va s’agir, donc, de lancer maintenant un vrai plan de redressement de notre économie et il faut pour cela commencer par le secteur industriel.
Certes, il va falloir, au préalable, régler le problème du budget pour 2025, et pour cela tracer un cheminement conduisant à l’équilibre budgétaire en 2029, la nouvelle date buttoir obtenue de la Commission Européenne pour mettre nos finances en ordre. Et ce cheminement va être extrêmement difficile à faire admettre par les députés car il va falloir réaliser 170 à 180 milliards d’euros d’économies, dont une centaine sur les dépenses sociales !
Nous avons procédé à des simulations pour voir selon quel processus la réindustrialisation de notre pays pourrait s’opérer en dix ans :
Plan de redressement de l’économie en 10 ans
- Contribution de l’industrie à la formation du PIB ……. .16 % ;
- Création d’emplois industriels ……………800.000 à 1.000.000 ;
- Investissements à réaliser……………………350 milliards euros ;
- Budget de soutien……… 150 milliards d’euros (étalés sur 20 ans).
Rythme annuel :
- Emplois….. ……………………………80.000 à 100.000
- Investissements :
- Entreprises françaises…. 20 milliards
- Entreprises étrangères….15 milliards
Total 35 milliards
On en serait ainsi à 3,5 millions de personnes dans l’industrie, chiffre à comparer aux 7,0 millions de salariés existant en Allemagne, dans ce secteur.
Les obstacles à la réindustrialisation de notre pays sont très nombreux, et cette année 2024 est d’ailleurs marquée par davantage de fermetures d’usines que de créations de nouvelles, comme nous l’indique le site Trendeo. Notre réindustrialisation ne pourra donc s’opérer qu’avec un plan d’accompagnement des investisseurs : il va falloir les épauler, financièrement, pour compenser les inconvénients des obstacles qui vont se dresser devant eux : les écologistes, plus un droit du travail très rigide, plus une fiscalité qui tarde à être mise en harmonie avec celle de nos voisins, et il s’y rajoute un coût du travail considérablement plus élevé que dans les anciens pays de l’Est intégrés maintenant à l’Union Européenne. Et il y a, de plus, la guerre en Ukraine qui a fait fortement grimper le coût de l’énergie. On sait que les grands investisseurs optent actuellement pour les États-Unis, délaissant l’Europe, d’autant que Donald Trump a annoncé qu’il va renforcer le protectionnisme américain.
L’accompagnement proposé dans ce plan s’articulerait en des primes versées par emploi : 20.000 euros par emploi les cinq premières années, puis 10.000 euros les cinq années suivantes. Ce montant est, certes, très important, mais l’intensité capitalistique est devenue extrêmement élevée aujourd’hui dans l’industrie du fait de la numérisation. Ainsi, les aides de l’État dans ce projet de plan, se monteraient au total à la somme de 150 milliards, les déboursements étant étalés sur 20 ans.
Il s’agirait d’un coût pour la nation supportable, et relativement modeste au regard des enjeux, puisqu’il ne s’agirait pas moins que de remettre sur pied notre économie.