Notre état se porte mal globalement : les taux de prélèvement n’ont jamais été aussi élevés (France pour une fois championne du monde), la dette atteint 3 000 milliards, soit 113% de PIB, le déficit public est à 158 Mds et la balance commerciale est à – 164 Milliards. Et comme le signalait très justement Claude Sicard (Attention, danger : la France est sur une mauvaise pente ! 2 Fev 23) la France est sur la pente de la Grèce (où le FMI a pris le pouvoir il y a quelques années).
Et pourtant, un certain nombre de bonnes surprises inattendues sont apparus en 2022, dont l’état et ses services se sont bien gardés de faire la publicité : explorons ce(s) domaine(s) :
Les fiscalités : les rentrées fiscales
L’exécution du budget 2022 a donné des rentrées fiscales supérieures à celle prévues dans la loi de finance initiale du 31/12/2021 :
1) 15,8 milliards d’euros de plus pour l’IS en raison des bons résultats de quelques grandes entreprises en 2022 ; en effet le fisc exige depuis quelques années qu’avec les acomptes versés durant l’exercice et un dernier acompte en décembre, les grandes entreprises aient payé durant l’exercice au moins 98% du montant de l’IS qui résultera de leur déclaration finale des résultats 2022 déposée en 2023.
2) 10,3 milliards d’euros de plus pour l’IR « en raison du bon fonctionnement du prélèvement à la source » ; ce prélèvement est organisé pour que beaucoup de redevables se voient prélever plus que le montant qui sera arrêté d’après leur déclaration à déposer au printemps 2023, notamment en raison de la non prise en compte de la plupart des niches dans le calcul des acomptes. Par ailleurs dans le cadre du bon fonctionnement du prélèvement à la source, la modification des tranches d’imposition qui a été actée fin 2022 pour l’année en cours, ne sera appliquée que lors la finalisation en 2023. Si l’État a l’honnêteté de régulariser cette situation, le contribuable, lui, aura dans tous les cas assuré la trésorerie.[[Et nous contribuables qui étions persuadés que le prélèvement à la source permettrait des ajustements immédiats ?]]
Les suppléments 1) et 2) ne résultent pas seulement de la croissance de l’économie et de l’inflation mais aussi de l’action constante du fisc pour accélérer chaque année le rythme de recouvrement de l’impôt.
3) 5,3 milliards d’euro de plus pour la TVA. L’augmentation de la TVA est plus faible que l’inflation pouvait le laisser espérer car son assiette évolue un peu comme le PIB et l’augmentation des prix entraîne un ajustement à la baisse du volume des achats taxables.
4) 3,5 milliards d’euros de plus provenant de divers impôts moins importants.
Auxquels s’ajoutent 1 milliard d’€ de dividendes supplémentaires.
Soit au total 27,9 milliard d’euros de recettes fiscales en plus auxquelles s’ajoute une augmentation des recettes non fiscales des dividendes.
TOTAL : 28,9 Mds
Les fiscalités : les cotisations sécurité sociales
La sécu a également enregistré 9 milliards d’euros de recettes supplémentaires provenant des prélèvements sociaux qui ont cru comme l’IR et les hausses de charges sociales liées aux salaires.
TOTAL : 37,9 Mds
Les gains cachés de l’énergie : l’électricité : subvention aux ENR
(x,yz) : valeur négative (remboursement à l’Etat)
En Md€ (MM€) | 2020 | 2021 | 2022 (prev. Nov 2022) |
Eolien terrestre | 1,95 | 0,20 | (8,88) |
Eolien en mer | 0 | 0 | (0,17) |
Solaire Photovoltaïque | 2,89 | 2,28 | (0,72) |
Bioénergies | 0,64 | 0,50 | (0,75) |
Autres (hydraulique…) | 0,31 | (0,03) | (0,90) |
S/total production électricité Renouvelables | 5,79 | 2,95 | (11,42) |
Injection biométhane | 0,20 | 0,22 | (0,11) |
Cogénération elec/chaleur | 0,64 | 0,65 | 0,29 |
Autres charges : soutien aux ZNI (iles), dispositifs sociaux, effacement, gestion | 2,09 | 2,30 | 2,74 |
Total | 8,72 | 6,12 | (8,51) |
(Source : délibérations de la Commission de Régulation de l’Electricité) |
TOTAL GÉNÉRAL 49,4
On constate que les subventions aux sources renouvelables (ENR) de production d’électricité ont été quasiment divisées par 2 en 2021 par rapport au trend antérieur, et qu’elles se sont transformées en recettes en 2022, les remboursements nets des producteurs d’électricité ENR à l’Etat ont atteint plus de 11 Md€ (On pourrait y ajouter en fait les non dépenses prévues).
(Cela a permis à l’Etat de quasiment annuler en février 2022 la TICFE (Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electrcité), en la ramenant de 22,5 à 1 €/MWhj : cette mesure a constitué environ 50 % du bouclier tarifaire mis en place en février 2022, avec une limitation à 5 % de l’augmentation du tarif régulé de vente d’électricité (TRVE) accessible aux particuliers et professionnels avec une puissance inférieure à 36 kVA.
La dimunution de la subvention à l’éolien a débuté dès 2021 (seulement 200 M€), car les prix de marché de l’électricité, corrélés à ceux du gaz, se sont envolés dès septembre 2021. Les contrats de vente éoliens, sous le régime d’obligation d’achat à 91 €/MWh jusqu’en 2016, et depuis sous le régime de contrat pour différence (voir graphique) avec un prix garanti issu d’appels d’offre (de l’ordre de 60 €/MWh) n’ont alors plus du tout été subventionnés, et des remboursements à l’Etat conséquents ont commencé à intervenir.
En 2022, ces remboursements on atteint près de 9 M€ pour l’éolien.
La subvention au solaire était de 2,9 Md€ en 2019, dont 2 Md€ liés aux contrats d’obligation d’achat par EDF à un prix moyen de 510 €/MWh contractés avant le moratoire de 2011 établi pour arrêter l’hémorragie financière la subvention de ces contrats a fortement diminué à partir de septembre 2021, mais subsiste en partie.
Cela explique que la subvention en 2021 au solaire n’a que faiblement diminué, et que le solde positif en 2022 reste limité.)
Les gains cachés de l’énergie : les produits pétroliers
L’Etat s’est-il enrichi sur le dos des consommateurs de carburants en France en 2021 et 2022 ?
Source (DGEC) : (https://www.ecologie.gouv.fr/prix-des-produits-petroliers#scroll-nav__4).
Sont ainsi accessibles, par type de carburant, les prix à la pompe TTC et HT (donc Hors TVA , TICPE et autres petites taxes (TGAP), la tva s’appliquant également sur les taxes.
En regroupant l’ensemble des essences qui relèvent du même régime de taxation et les prix TTC et HT il est possible donc de calculer à partir de ces prix unitaires HT et TTC pour les essences et le gasoil et ainsi donc les montants unitaire moyen des taxes pour chacune des années 2020 2021 2022 et donc une estimation des montants totaux des taxes perçues sur ces produits et leur évolution.
€/I | Prix essence | Taxes essence | Dont TVA | Prix HT |
2020 | 1,354 | 0,917 | 0,226 | 0,437 |
2021 | 1,551 | 0,95 | 0,258 | 0,601 |
2022 | 1,814 | 0,994 | 0,302 | 0,820 |
€/I | Prix GO | Taxes GO | Dont TVA | Prix HT |
2020 | 1,259 | 0,819 | 0,210 | 0,440 |
2021 | 1,429 | 0,847 | 0,238 | 0,582 |
2022 | 1,850 | 0,917 | 0,308 | 0,933 |
Prenant comme base les consommations d’essences et de gasoil du marché français en 2020 (essences 11.3Mm3, Gasoil 32.8 Mm3), on peut en tirer une estimation des hausses de recettes fiscales pour chacune des catégories de produits et pour chacune des années 2021 et 2022 par rapport à 2020 à marcher constant (le marché s’est fortement redressé en 2021 et a baissé en 2022).
MM€ | Essences | Gasoil | Total |
2021/2020 | 0,37 | 0,93 | 1,30 |
2022/2020 | 0,87 | 3,23 | 4,10 |
Total | 1,24 | 4,16 | 5,40 |
Sur ce total d’environ 5,4 Mds €, sur deux ans, il est à noter que sur l’ensemble de la période, la TICPE (Taxe Intérieure sur la Consommation de Produits Energétiques, anciennement TIPP) est restée stable, donc également la part de TVA qui la frappe. La seule hausse des prélèvements est donc due à la tva sur la part du produit hors toutes taxes. Les largesses de l’État concernant les produits pétroliers ont donc été assez largement financées par la hausse des recettes de TVA sur un prix des produits qui a explosé mais entraîné simultanément une baisse de la consommation. Par hasard le complément de recettes, due essentiellement à la TVA est pratiquement identique à celui retrouvé pour la TVA totale dans les recettes fiscales. Les consommateurs ont donc montré une grande capacité d’initiative et d’adaptation quand cela leur était possible en modifiant leur consommation. Mais la recette de TVA supplémentaire sur les produits pétroliers n’est là que pour mémoire.
Conclusion
L’État a bénéficié en 2022 de près de 50 milliards de recettes supplémentaires inattendues identifiées pas forcément toutes pérennes, les dépenses ont augmenté de 19 milliards par rapport à 2021 et le déficit 2022 est encore de 158 milliards : il aurait dépassé les 200 sans ces pochettes surprises, mais il n’y a pas de problème de financement en France en particulier des retraites, ou de la dette.