L’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) français sont marqués par le souci croissant d’utiliser la fiscalité à des fins de justice sociale ; il en résulte une concentration progressive de ces impôts sur les entreprises importantes et les contribuables dits « les plus aisés ».
L’IR a des taux progressifs et le taux de l’IS augmente avec le chiffre d’affaires; cependant les taux maximum se heurtent à des limites légales (le conseil constitutionnel a fixé une limite entre 70% et 75% pour les impôts perçus annuellement sur les ménages ) et économiques car un taux affiché très élevé fait fuir la base imposable.
Pour continuer à augmenter les recettes, Bercy a inventé :
– Pour les entreprises, les contributions additionnelles exceptionnelles et la non déductibilité des charges
– Pour les ménages, la tunellisation des différentes sorte de revenus, le plafonnement et le rabotage des niches .
– L’anticipation du paiement de l’impôt
Quelques exemples récents :
Pour les entreprises
Après la condamnation par la justice européenne de la taxe de 3% sur les dividendes distribués, il a été créé une contribution additionnelle exceptionnelle à l’IS pour récupérer le remboursement de la taxe de 3% des années précédentes : 15% de l’IS pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros et 30% de l’IS au-delà de 3 milliards de chiffre d’affaires, calculée sur l’IS « avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature ».
De même la contribution sociale de 3,3% de l’IS pour les sociétés dont l’IS dépasse 763.000€ est calculée sur l’IS « avant déduction des carry-back et crédits d’impôt »
Bercy a aussi instauré la « non déductibilité » de certaines charges ce qui permet que le résultat imposable dépasse le résultat comptable et équivaut à une hausse de l’IS qui ne dit pas son nom.
La non déductibilité d’une partie des charges financières des sociétés dites « sous capitalisées » (Dettes supérieures à 1,5 fois les fonds propres) a été étendues en 2019 aux autres sociétés en limitant les charges financières déductibles à 30% du résultat avant impôt. Elle est complétée par une clause anti abus et une règle de butoir sur les crédits d’impôt.
Sous le quinquennat précédent les entreprises de plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires ont du verser un 4ème acompte de l’IS au 15 décembre pour avancer d’un exercice le paiement du solde sur le résultat constaté. En 2019 le mode de calcul a été modifié pour que les 4 acomptes atteignent 95% au lieu de 80% de l’IS du en dessous d’un milliard de chiffres d’affaires et 98% au lieu de 95% au dessus, calculé sur le résultat de l’exercice en cours s’il augmente.
Pour 2020, le projet de loi de finance prévoit le « rabotage » de quelques réductions d’impôt (Crédit d’impôt recherche, mécénat d’entreprise, gazole « non routier » transport routier de marchandise…) et d’autres sont annoncés par amendements. Globalement Bercy annonce 1 milliard de réduction d’impôt sur les entreprises grâce à la baisse des taux de l’IS, mais le projet de budget prévoit que la recette de l’IS augmentera de 16 milliards par rapport à 2019 alors que la transformation du CICE en baisse de charges n’en explique que 10 !
Pour les ménages
Il est annoncé 9 milliards d’euros de baisse d’impôt sur les ménages ; outre la baisse de la taxe d’habitation, 5 milliards résultent de la baisse du taux de la 1ère tranche de l’Impôt sur le revenu. Mais la baisse du seuil d’entrée dans la deuxième tranche neutralise progressivement cette baisse et augmente encore la concentration de l’IR sur les revenus supérieurs.
Malgré cette baisse le projet prévoit que le produit de l’impôt sur le revenu augmentera de 72,6 milliards en 2019 à 75,5 milliards en 2020 !
L’article du code général des impôts qui définit la base imposable à l’impôt sur le revenu commence par dire que le revenu imposable est la somme des divers revenus et déficits, mais il est aussitôt suivi d’une kyrielle d’exceptions (la tunnellisation dans le langage de Bercy) qui fait que les déficits catégoriels (fonciers, agricoles, moins-value…) ne sont déductibles que des revenus de même nature des 5 à 10 années suivantes. Comme pour la non-déductibilité des charges des entreprises, le revenu imposable peut être supérieur au revenu réel. Cela s’ajoute à la partie non déductible des prélèvement sociaux pour imposer un revenu que le contribuable n’a pas encaissé !
Pour réduire la « dépense fiscale » c’est-à-dire la perte de recette due aux niches fiscales, elles sont toutes plafonnées et presque chaque année, au nom de la justice sociale, les ménages dits « aisés » en sont progressivement exclus : en 2020 cela concernera le Crédit impôt pour la transition énergétique et peut être celui pour l’emploi à domicile.
Le prélèvement à la source augmente mécaniquement les recettes : dès qu’il y a de la croissance, les revenus augmentent et en avançant d’un an la référence, la base imposable augmente et surtout les recettes sont taxées immédiatement alors que le trop-perçu résultant des réductions d’impôt n’est remboursé que l’année suivante. Monsieur Darmanin vient d’indiquer qu’en 2019, le prélèvement à la source avait permis de récolter 2 milliards de plus que prévu !
Enfin le projet de budget 2020 indique que le produit de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) devrait augmenter de 350 millions soit près d’un quart en plus ; certes l’immobilier dans les grandes villes est en hausse mais seulement de quelques pour cent.
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Comme disait un grand argentier du roi de France, « tout l’art est de plumer la volaille sans qu’elle crie trop fort ». Mais quand la volaille s’aperçoit qu’elle est toute nue elle finit par se fâcher vraiment. La crise des gilets jaunes a montré que ces dernières années Bercy y était allé un peu trop fort !
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Et si on plumait la volaille de Bercy ?
Les effectifs pléthoriques de cette honorable institution méritent qu’on en taille les branches envahissantes et improductives de surcroit .