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Les fondations délivrent l’essentiel des services publics aux USA

par Bernard Zimmern
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Depuis Tocqueville, le développement de la philanthropie aux États-Unis a été considéré comme une curiosité car elle a pris dans ce pays une importance considérable : une très grande partie des services collectifs, que ce soit ceux de santé, d’enseignement ou de recherche, sont en effet assumés par des organisations philanthropiques.

Leur chiffre d’affaires, c’est-à-dire le total des services d’enseignement, de santé, de culture, de recherche, représentait à la dernière date connue, 2012, 1.726 milliards de dollars[[Chiffres IRS]] (et leur patrimoine 1.963 milliards), plus que le budget fédéral de 1.242 milliards dont 54% pour les seules dépenses militaires (avec un PIB de 16.160 milliards de dollars).
À elles seules, les universités privées, Harvard en tête, représentent 40% de l’enseignement supérieur aux États-Unis.

Les Américains vivent dans une société dont les services au public sont assurés par des fondations financées pour l’essentiel par les dons de personnes physiques, système qui oblige à l’excellence pour justifier la continuation du don, alors que les services au public vivent en France du Budget, de l’argent des autres, ce qui permet tous les appétits.
Ce qui n’a pas été non plus compris en Europe et tout particulièrement France, c’est que la philanthropie n’est pas un appendice optionnel au succès d’une société mais un facteur indispensable à sa réussite d’ensemble.

Il ne faut pas oublier en effet que ce sont les mêmes, les entrepreneurs, qui créent les entreprises qui ont fait la fortune de l’économie et qui, dans la dernière partie de leur vie, créent, et le plus souvent animent, les fondations non lucratives qui vont se trouver à leur tour le complément indispensable à la réussite de futurs entrepreneurs. Bill Gates et Warren Buffett, qui ont fait don de la plus grande part de leur fortune à des fondations, ne sont pas des exceptions mais la règle.

Derrière ces dons, il y a d’abord une éthique, ces donateurs étant parfaitement conscients qu’ils ont eu de la chance et estimant devoir rendre à la société ce que celle-ci leur a permis de réussir.
Comme disait l’un des plus grands philanthropes américains, Carnegie, qui a créé notamment un réseau de quelque 20.000 bibliothèques dont les bâtiments en briques rouges tapissent les plus petites villes américaines et ont permis à des dizaines de millions d’Américains de s’instruire avant l’arrivée d’Internet, « il n’y a pas pire péché que de mourir riche ».

Mais le développement du non lucratif illustre une autre réalité humaine : c’est qu’il ne peut exister un secteur lucratif vivace et dynamique sans son prolongement dans le non lucratif.
C’est en effet un problème que rencontrent tous les entrepreneurs qui réussissent, c’est quoi faire de leur fortune lorsque vers la soixantaine. Ils ont satisfait à tous leurs besoins et ceux de leurs familles et se demandent quoi faire du surplus.

Pour ceux qui accepteraient de se débarrasser de l’image d’Épinal consistant à croire que les riches n’ont qu’une idée, c’est de dépenser leur argent en yachts, voitures de course, jets privés et maîtresses, c’est très tôt au cours de leur vie, bien avant de devenir riche et membre du « 1% » qu’ils découvrent que l’argent n’est pas l’aboutissement mais le moyen indispensable pour réussir une grande œuvre. S’il est vrai qu’on peut compter dans les héritiers des jouisseurs, qui ne pensent qu’à eux-mêmes et présentent tous les symboles de l’image d’Épinal, ce n’est presque jamais vrai des créateurs de ces fortunes qui ne cherchent pas à jouir mais à construire des empires, à marquer la société de leur empreinte, comme les pharaons avec leurs pyramides.

C’est pourquoi il faut être pour des impôts sur les successions élevées au-delà d’un seuil minimum, comme ils l’ont été longtemps aux États-Unis avec un taux marginal débutant très vite à 55%, se multipliant pour atteindre 80% pour les successions qui sautent une génération et, contrairement aux on-dit, ne peuvent être contournés par l’utilisation des trusts.

Ces taux élevés ont assuré aux USA un renouvellement au sommet des fortunes qui se voit clairement dans les statistiques du PSID, cette enquête de l’université du Michigan qui suit les fortunes de plus d’une vingtaine de milliers de familles à travers les générations et où l’on voit clairement que seuls les entrepreneurs peuvent accéder au sommet en une seule génération mais qu’on n’y reste pas, enquête confirmée par bien d’autres, comme celles tirées de la série des milliardaires de la revue Forbes.

Mais ces entrepreneurs de la première génération qui deviennent riches ou super-riches grâce à leur créativité en créant des emplois, savent parfaitement qu’il vient un âge, autour de la soixantaine, où non seulement gagner plus en prenant des risques de tout perdre n’a plus de sens, mais où aussi leurs capacités physiques déclinent cependant que leur désir de créativité reste intact.

C’est la combinaison de l’excès de leurs fortunes et de leurs capacités créatives, appuyée par les réseaux qu’ils ont réunis lors de leur existence lucrative, qui est la source des grandes fondations qui n’opèrent pas seulement dans le domaine artistique ou les musées, mais dans la santé (par exemple, l’éradication de l’ankylostome, un ver qui infectait 40% des jeunes Américains vers 1910, par la fondation Rockefeller).

 

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2 commentaires

BROUCHET André-Yves février 7, 2016 - 3:15 pm

Le mondes des fondations et du mécénat…
Vous écrivez "l’argent n’est pas l’aboutissement mais le moyen indispensable pour réussir une grande œuvre". Et vous avez raison ! La "richesse" est aussi celle du cœur, et du partage lucide de "ressources", non réductibles aux seules recettes financières…

Le mondes des fondations et du mécénat… est un magazine, lancé par David JUSTET il y a quelques années qui a pour ambition de mettre en avant la philanthropie, non seulement en France mais dans le Monde.

Ne pourrait-on imaginer une rencontre avec Bernard ZIMMERN sur ce thème des Fondations en France et des diverses pistes de développement souhaitables, voire possibles (on peut rêver) pour accentuer et donner encore plus de sens à leurs actions ?

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Jean-Xavier ROCHU février 9, 2016 - 12:05 pm

Les fondations délivrent l’essentiel des services …
Félicitations pour cette observation essentielle à propos de la "chose publique". Oui la chose publique est un lien social générateur d'harmonie si chacun en reste responsable.

Nos politiques s'arrogent des générosités en les inscrivant dans le marbre. Les rigidités ainsi crées ont tous les défauts:
1- les dépenses inscrites au budget sont toutes consommées même si elles sont devenues inutiles.
2- les gestionnaires sont investies d'un droit acquis à leurs tâches. Le contribuable voit ainsi ses impôts gaspillés pour des agents qui s'ennuient jusqu'à devenir malheureux.
3- Le contribuable français ainsi surtaxé, se rattrape en réduisant ses générosités "coup de cœur".

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