Dans un interview au journal Le Monde du 20 avril 2019, le ministre de l’Economie précise ses idées sur l’Europe. Certaines sont justes : « La langueur de la zone euro n’est pas soutenable à long terme ». En effet la croissance économique de la France et de l’Italie est insuffisante. La différence s’accroît entre le niveau de vie de ces deux pays et ceux des Etats-Unis, de la Chine, de l’Inde et des pays d’Europe du Nord. Cette différence croissante met en danger à long terme, et même à moyen terme, l’euro et l’Europe.
Mais son analyse des causes de cette langueur est biaisée : « Il faut que nous puissions compter sur la capacité des autres Etats européens à investir davantage… Ce qui bloque les investissements c’est l’absence d’union des marchés de capitaux… Si la politique ne reprend pas ses droits de cité en Europe, vous aurez les populistes au pouvoir ».
Cette vision de l’économie ignore l’essentiel : la faiblesse de la France et de l’Italie n’est pas due aux autres pays européens, à leurs investissements insuffisants, à l’absence d’un marché européen des capitaux ni aux conceptions politiques de leurs dirigeants ; elle est due à l’incapacité des dirigeants politiques français et italiens à assurer aux entreprises de leur pays les conditions de leur dynamisme et de leur compétitivité : réduction des charges qu’elles supportent et donc des dépenses publiques.
Loin de cette analyse, Bruno Le Maire recommande une intervention des Etats : « nous allons avec mon homologue allemand de l’économie, Peter Altmayer, lancer la création d’une filière de batteries électriques ». Sans doute Bruno Le Maire est-il conscient du caractère dérisoire et inadapté de cette proposition, puisqu’il ajoute : « Je m’engage à poursuivre la transformation économique de la France ».
Mais cette « poursuite » est fondée sur une appréciation erronée de l’action passée du gouvernement d’Emmanuel Macron : « Nous avons transformé la fiscalité et le marché du travail ». Peut-on qualifier de transformation de la fiscalité le remplacement de l’ISF par l’IFI, et l’instauration de la flat tax à 30 % sur les revenus du capital ? N’y a-t-il pas mieux à faire, en alignant sur celles de l’Allemagne les charges fiscales et sociales des entreprises françaises ? La principale transformation apportée au marché du travail a été l’augmentation de 25 % des indemnités de licenciement pour 90 % des licenciements. N’est-il pas ridicule de s’en prévaloir ?
Et les projets de future transformation sont insuffisants : « Nous pouvons transformer l’indemnisation du chômage, le système de retraite et la fonction publique » ? Certes l’indemnisation du chômage est à transformer en reprenant celle que l’Allemagne a mise en place en 2005. Aucun projet semblable n’est annoncé.
Il faudra aussi revoir notre système de retraite. Mais en s’engageant à ne pas toucher à l’âge légal de départ en retraite, Emmanuel Macron a exclu une révision importante. Et son projet d’unification des régimes n’est toujours pas défini, près de deux ans après son élection.
Quant à la fonction publique, il faut certainement la transformer, et surtout la réduire. Mais les promesses très modestes de réduction qui avaient été faites (120 000 en cinq ans) ne sont même pas réalisées.
Bruno Le Maire a une conception étatique de l’économie et de la société : « La grandeur de la France sera dans sa capacité à faire de l’Europe un grand projet politique ».
Non, Monsieur Le Maire, la grandeur de la France sera de retrouver son dynamisme grâce à l’abandon par ses dirigeants de leur conception étatique de l’économie. La langueur européenne pourrait alors disparaitre. L’Europe serait alors, comme le dit Bruno Le Maire, « soutenable à long terme ».