On crédite souvent l’INSEE d’une totale neutralité dans ses travaux.
C’est probablement exact dans la collecte de données où la part d’interprétation est réduite au minimum, encore que le cas récent aux USA de l’enquête emploi (le taux de chômage a chuté de 8,3% à 7,8% en deux mois ce que même questionnait le New York Times, pourtant démocrate) a montré que même des enquêtes standardisées ne sont pas à l’abri d’influences.
C’est le cas dès qu’on aborde les études économiques c’est-à dire l’exploitation des chiffres collectés et ceci n’est d’ailleurs que la conséquence normale des études, celles-ci étant généralement guidées par une hypothèse a priori que celui qui étudie cherche à vérifier.
Ainsi le pouvoir politique a-t-il souvent accusé l’INSEE de sortir des chiffres venant le mettre en déséquilibre la veille d’une échéance politique difficile. Exemple : en décembre 2008, le ministre d’État Jean-Louis Borloo[[Le Canard enchaîné assure que Jean-Louis Borloo est intervenu pour repousser la publication d’une enquête de l’INSEE. Cette dernière aurait montré que le taux de chômage était en réalité de 9,2% et non de 8,7%.]], critique ouvertement les enquêtes trimestrielles sur l’emploi de l’INSEE selon l’argument que celles-ci ne portaient que sur l’évolution des effectifs dans les entreprises de plus de 20 salariés, alors que l’emploi aurait surtout progressé dans celles de moins de 10.
C’est pourquoi, dans une économie normale, l’exploitation des données statistiques est en dehors de l’institut chargé de la statistique ; les informations qui ont une conséquence politique seront reprises et débattues par des organisations de droite comme de gauche et ce sera au public de faire son jugement.
En France, le monopole de fait donné à l’INSEE du fait que les économistes sont payés par l’État (ceci explique que la moitié des 1.200 cadres A de l’INSEE sont en région parisienne) fait que le traitement de l’information statistique est fortement influencé par les intérêts du personnel de l’INSEE et ces intérêts sont, bien évidemment pour leur majorité, dans un développement de l’intervention de l’État, donc de leur rôle. Il faut donc critiquer au minimum les politiques anti-étatiques et aider la venue au pouvoir de partis qui militent pour plus d’État.
Ce biais idéologique se retrouve dans de nombreuses études, notamment dans celles qui conduisent à croire que les inégalités s’accroissent, la lutte contre les inégalités étant le premier fonds de commerce de la gauche :
– L’INSEE publie régulièrement des études sur l’évolution de la pauvreté où l’on constate que celle-ci n’évolue pas ou même s’accroît. C’est parce que l’INSEE utilise – sans en indiquer les conséquences au lecteur – la pauvreté relative, c’est-à-dire le niveau de revenu se situant à 60% du revenu médian. Le revenu médian, celui pour lequel il y a autant de Français en-dessus qu’en-dessous, évoluant en moyenne en hausse, il est normal que la pauvreté ne s’améliore pas. Un chercheur de l’iFRAP, Philippe François, a même pu montrer qu’une augmentation du SMIG se traduisait par une augmentation du nombre de pauvres… Il y a des années, il était ainsi possible de montrer qu’il y avait plus de pauvres aux USA qu’au Bangladesh. Les USA ont depuis longtemps abandonné la pauvreté relative pour la pauvreté absolue, la mesure de la population dont le revenu est insuffisant pour acheter un panier de consommation bien défini. Avec cet indice, la pauvreté aux USA a fortement baissé et continue de baisser. Avec la pauvreté relative, la jalousie n’est jamais rassasiée puisque l’on se compare à de plus riches.
– L’enquête de l’INSEE « budget des familles 2006 » publiée début 2008 affirmait que les 20% de ménages disposant des plus bas revenus consacrent en moyenne 24,8% de leur revenu à leur logement, soit pour un revenu de 2.000 euros par mois 496 euros. Ce pourcentage paraissait énorme pour un petit revenu. En fait il était faux car il ne prenait pas en compte les différentes aides au logement qui sont attribuées aux faibles revenus, aides que l’INSEE comptait dans le revenu et non pas en déduction du coût du logement …
– Nous avons développé dans un article séparé comment l’INSEE, à la demande du Président de la République, sur le partage de la valeur ajoutée entre capital, travail et investissement, a sorti que les dividendes avaient considérablement augmenté en 10 ans en oubliant de mentionner, sauf finalement du bout des lèvres, que cette hausse était due à une forte augmentation des fonds propres par apport de capitaux ; ces capitaux se substituaient à des emprunts et renforçaient la situation financière de nos entreprises ; mais remplaçaient des intérêts d’emprunt par des dividendes dont ils accroissaient forcément le total ; mais l’INSEE n’ a jamais souligné dans son rapport que cela avait conduit à une baisse du rendement des capitaux investis.