Une note[[L’entrepreneuriat en France, volet 1 : Mythes et réalité en comparaison internationale. Note d’analyse d’octobre 2012, no 296.
]] de 2012 publiée par le Centre d’Analyse Stratégique appartenant aux services du Premier ministre et qui succède à l’ancien Commissariat au Plan, s’intitule «L’entrepreneuriat en France, mythes et réalité en comparaison internationale ». Nous croyions y trouver une véritable analyse. Frissonnements… et étonnement.
Les entreprises françaises naissent sans salariés
Le premier encadré de la note fournit une donnée absolument essentielle : en France les entreprises se créent majoritairement sans salariés. Si au total il se crée environ 500.000 entreprises par an (y compris auto-entrepreneurs), les entreprises créées annuellement avec salariés sont moins de 50.000. Nous ne pouvons que nous réjouir qu’une institution officielle comme le CAS en fasse mention, cependant il est étonnant qu’elle ne pousse pas plus loin le raisonnement. Elle ne se demande pas à combien d’emplois marchands salariés cela correspond et comment la France se situe comparativement à ses voisins allemands et britanniques. La vérité c’est que 100.000 emplois salariés marchands sont créés chaque année en France par les entreprises avec salariés nouvellement créées, contre plus de 200.000 en Allemagne à population égale. C’est ce retard qui est la principale cause du chômage français.
Des Français entrepreneurs dans l’âme, mais pas dans les faits
18% des Français déclarent vouloir créer une entreprise dans les trois prochaines années, contre 9% des Britanniques et 6% des Allemands. Il semblerait donc que les Français aient un fort désir d’entreprendre. Mais en termes d’entrepreneuriat effectif et pérenne, la comparaison s’inverse :
Comparaison entre le pourcentage d’intentions entrepreneuriales et le pourcentage d’entrepreneurs établis :
Source : graphique construit à partir de Global Entrepreneurship Monitor (2012), 2011 Global Report
Champ : individus âgés de 18 à 64 ans.
Lecture : en France, le taux d’intentions entrepreneuriales est de 17,5 % en 2011.
Une simple multiplication permet de voir qu’en valeur absolue, nous avons seulement 1 million d’entrepreneurs établis en France, contre 2,2 millions en Allemagne et presque 3 millions au Royaume-Uni[[A population égale]]. L’étude du CAS constate ainsi: « En dépit de leur forte inclination pour la création d’entreprises, les Français semblent ainsi rencontrer des difficultés particulières dans la concrétisation de leur projet ». C’est tout ! A aucun moment le CAS ne s’intéresse à la nature de ces « difficultés particulières » expliquant le retard énorme de la France. Dans le cadre d’une étude spécialement consacrée à l’entrepreneuriat et au vu de ces chiffres, cette question semblait pourtant présenter quelque intérêt… Pour rappel, le CAS est censé conseiller le gouvernement en matière économique et il se compose d’environ 150 personnes, pour un budget annuel de plus de 25 millions d’euros.
Mortalité infantile des entrepreneurs
Entre les intentions entrepreneuriales et les entreprises établies (dont nous venons de parler), il y a la catégorie intermédiaire des entrepreneurs nouveaux (entreprises de moins de 3 ans[[Entreprises de moins de 42 mois mais payant des salaires depuis au moins 3 mois]]). Nous avons également un fort déficit de ces entrepreneurs nouveaux mais il est moins important que pour les entrepreneurs établis: « seulement » 300.000 de moins que nos voisins allemands ou britanniques (700.000 contre environ 1 million[[A population égale]]). Cela confirme donc notre hypothèse selon laquelle les entreprises peinent à financer leur développement. Elles trouvent un financement de 20.000 euros auprès d’Oséo pour le démarrage mais quand la machine est lancée et qu’il en faut un demi-million, elles ne trouvent pas d’investisseurs, car la législation fiscale les dissuade.
Il est assez remarquable que le CAS se mette à citer le Global Entrepreneurship Monitor[[Le GEM évalue annuellement l’entrepreneuriat dans une soixantaine de pays.]], temple du libéralisme, créé par le Babson College, la Kauffman Foundation aux USA, et la London School of Economics. Malheureusement cette comparaison internationale de l’entrepreneuriat n’aura pas vraiment éclairé la chandelle de notre administration.
2 commentaires
Les ambitions entrepreneuriales des Français étouffées
Bonjour,
je viens de lire cette note et vos commentaires. Je suis d’accord avec vous. Si on se penche un peu plus sur le profil de ces créations d’entreprises, on peut voir que pour bon nombre, il s’agit de structures crées par un cadre entre 40 et 55 ans, qui se retrouve au chomage (notamment en IDF). Les employeurs éventuels ne pouvant consentir à un contrat de travail dans les conditions actuelles, ces créateurs d’entreprise exécutent alors des missions, sorte d’intérim de luxe. Ils n’ont pas de salarié au départ, puis un salarié le cas échéant dans les années qui suivent, c’est à dire lui même…
Les ambitions entrepreneuriales des Français étouffées
Je vous remercie pour votre article sur l’entrepreneuriat. Suite à divers articles que j’ai pu lire ça et là sur l’encadrement que les personnes désireuses de fonder leur propre entreprise, j’aurais cru à une meilleure situation que celle décrite.
Antoun Sehnaoui