La compétitivité de nos entreprises passe, bien sûr, par l’optimisation de leurs coûts de surcroît pénalisés par des dispositifs fiscaux et sociaux spécifiques à la France.
La réduction de ces charges doit demeurer un objectif majeur.
Toutefois, le numérateur du rapport qualité /prix reste le facteur clé déterminant de la réussite de la réindustrialisation : donner envie au client et justifier le coût de sa satisfaction doit rester le mantra de l’entrepreneur.
Volonté, vision, exigence au service de la spécificité de son offre s’avèrent les gages de la réussite du chef d’entreprise.
Chercher, définir, viser le besoin de son client, le transformer en véritable projet pour sa société, exiger de soi-même et de ses partenaires une quête inlassable de la différenciation conduit à une réputation reconnue source de succès.
Bien des exemples illustrent cette capacité de croissance par l’attrait du service ou du produit dépassant la barrière du prix.
Des exemples
Ne voit-on pas ainsi l’industrie textile revenir ou plus simplement se redévelopper en France, dans le Nord et en Auvergne ? La production de chaussures dans les pas d’entreprises renaissantes ne commence-t- elle pas à reprendre son souffle dans la région historique de Romans ? La fabrication séculaire de pressoirs, de tonneaux, ne se redéploie-t-elle pas non seulement sur le marché français mais aussi à l’international ? La France a montré et montre encore tous les jours qu’elle est capable de se différencier, voire d’être à la pointe : c’est le cas dans le luxe par exemple avec LVMH, Hermès, Kering … mais aussi dans l’aéronautique avec Airbus et Dassault ce dernier étant également très bien placé dans modélisation informatique, et dans une certaine mesure encore, ARIANE Espace, mais aussi dans l’énergie atomique quoique les errements de notre politique énergétique aient bien érodé cet avantage compétitif … On doit néanmoins constater un certain nombre de faiblesses : le leadership par la qualité ne supporte aucune erreur ou faiblesse : la fusion de Holcim et Lafarge s’est faite en définitive au profit de Holcim, le Suisse ! Celle de Luxottica et Essilor au profit de l’Italien, celle d’Alstom avec General Electric, dans les mains de General Electric … sans remonter à Pechiney devenu ALCAN puis RIO TINTO ou ARCELOR devenu MITTAL.
La France a des handicaps
La France n’est pas globalement vécue comme terre d’accueil favorable pour les industries : la gestion des sociétés, en particulier les volets sociaux et fiscaux sont moins favorables que dans les pays qui l’entourent, le coût de la main-d’œuvre y est élevé comme les diverses fiscalités et complexités administratives. Dans le cadre des IDE[[IDE Investissements étrangers]] dont nous aurions besoin comme les autres, l’Allemagne au moins a un goodwill bien supérieur : c’est elle qui accueille Tesla et INTEL. La France ramasse pour le moment des miettes.
Les industriels français vont s’implanter à l’étranger mais n’ont pas comme préoccupation sous-jacente : l’exportation. Pourtant la meilleure augmentation de salaire que l’on puisse donner au personnel est en définitive le développement de l’entreprise. L’entreprise qui crée des filiales termine toujours par y mettre du personnel local, une entreprise qui exporte crée de l’emploi, de la technicité et de la richesse dans son pays d’origine. Les entreprises du luxe par exemple ont créé beaucoup d’emplois en France dans la fabrication car elles voulaient maîtriser absolument la qualité et la formation.
Le système financier français n’est également probablement pas organisé pour disposer de moyens d’intervention suffisants. Si nous avons un système bancaire relativement puissant, nous sommes en face de fonds de pension qui ont structurellement une assise plus large. La retraite par capitalisation apporterait certainement des moyens plus importants de ce côté-là. L’industrialisation d’une part mais aussi le réaménagement de la mondialisation et la mutation vers une industrie moins consommatrice de planètes demanderont des capitaux gigantesques alors que la France a probablement d’ores et déjà dépassées les limites supportables d’endettement de l’État. Il paraît que les Français ont beaucoup épargné pendant la COVID.
Comment récupérer cette épargne pour d’un côté la sécuriser et la rémunérer, de l’autre financer les immenses besoins de demain sans se mettre totalement dans les mains de l’étranger ? Un grand emprunt d’État, auprès des Français, pourrait peut-être être envisagé. (3% net fiscal ?) C’est peut-être le moment car le moindre taux positif paraîtrait attractif face à l’inflation qui se dessine. Encore faudrait-il que cette dette soit assumée par les Français et imaginer un système performant de redistribution vers l’industrie et les créateurs d’entreprise.
Et des atouts
De l’espace : la France est encore et toujours le pays « vide » de l’Europe, mais elle doit accepter la coexistence entre la nature et l’industrie. Un exemple comme Notre-Dame des Landes n’est que la partie émergée mais visible des difficultés d’implantation et du syndrome NIMBY[[NOT IN MY BACKYARD (pas chez moi !)]]. Les Français devront choisir entre vivre nus dans le jardin d’Éden ou habillés et riches dans un univers mixte : par chance dans notre pays, il y a de la place.
Une énergie abondante, quasi locale et bon marché : le choix du nucléaire fait lors du plan Messmer s’est non seulement révélé un pari extrêmement profitable pendant les 50 dernières années mais également visionnaire quand on observe la situation actuelle de l’Europe devant les questions posées par le changement climatique, accentuées par les différents avec la Russie. Encore faudrait-il récupérer très rapidement notre technicité. (À ce propos il serait probablement intéressant de calculer même sommairement le volume et le coût des importations de pétrole ou de gaz que la France aurait dû faire pendant ces 50 dernières années si elle n’avait pas fait le choix du nucléaire. Toujours zéro mort)
Un emplacement géographique au carrefour de l’Europe et des infrastructures abondantes et performantes, au moins sur le plan technique : autoroutes, TGV, transports aériens et logistiques. Il faudrait probablement améliorer un peu notre système portuaire qui a bien du mal face à Anvers, Rotterdam ou Gênes.
Une main d’œuvre abondante, éduquée et productive mais ce paramètre est en voie de détérioration. La France disparaît dans les profondeurs du classement Pisa, elle exporte ses ingénieurs (70 000 paraît-il dans la Silicon Valley) et importe des exilés du tiers-monde. Pour tout arranger, elle inculque à la jeunesse une image dévoyée de l’industrie (l’entreprise est un lieu d’exploitation sic) tout en réclamant à cor et à cri l’éradication absolue de la pauvreté et des inégalités ( ce qui nest pas la même chose !). Notre démographie qui était encore un atout récemment, se détériore par contre lentement, ses conditions financières étant laminées chaque année en particulier.
Depuis peu des candidats entrepreneurs : il est saisissant pour la génération de l’après-guerre de constater le changement dans la construction idéale d’une carrière. Dans les années 70, l’ambition des « meilleurs » était de rejoindre des grands groupes et de s’y frayer un chemin, si possible pour la vie. Aujourd’hui on entend dire que 30 % des jeunes en sortie d’études souhaitent créer leur propre affaire : tous ne le feront pas, tous ne réussiront pas mais si 10 % réussissent dont la moitié dans l’industrie, la France changera de visage.
Créer de la richesse, c’est d’abord un état d’esprit
Il y a en fait deux voies royales pour atteindre cet objectif.
La première est de rendre plus profitable un business existant. C’est la voie choisie la plupart du temps par les sociétés installées, les actionnaires, voire les cabinets conseils : tout le monde comprend très vite que gagner 10 % représente le double de gagner 5. Mais si vous partez d’une société qui fait un CA de 1000, cela fait 100 au lieu de 50. Et c’est un travail assez pénible et peu enthousiasmant pour les actionnaires et les salariés principaux partenaires de l’entreprise. On râcle (jusqu’à l’os ?)
La deuxième est d’essayer de développer l’entreprise. Si nous repartons de l’entreprise qui fait 1000 et gagne 5 % et que nous la développons de 5 % seulement son CA, le résultat sera une entreprise qui fera un bénéfice de 52,5 au lieu de 50, plutôt marginal, mais qui pourra en plus vendre le chiffre d’affaires supplémentaires (ie 50 dans ce cas) probablement entre 50 et 100. J’aurais en fait un résultat supérieur en développant l’activité plutôt qu’en cherchant à améliorer la profitabilité à chiffre d’affaires constant. Le levier de la croissance est beaucoup plus fort que celui de la rentabilité ponctuelle, car il crée de la valeur et que celle-ci peut se revendre. Si vous augmentez les taux de croissance, vous augmenterez l’intérêt de cette voie qui a de plus deux conséquences imprévues mais souvent constatées : une amélioration du taux de profitabilité car vous allez affecter les ressources spontanément là où elles sont le plus nécessaires, et une forte amélioration de la motivation du personnel et des stake holders[[Stake holders « parties prenantes autres que actionnaires et salariés : fournisseurs, distributeurs, collectivités locales etc.]] car il est toujours plus agréable de participer à une équipe qui gagne qu’à une équipe qui stagne ou perd. Il existe tout de même une contrepartie : c’est plus difficile et plus risqué de piloter une entreprise qui se développe mais cela en vaut la peine.
Je souhaite personnellement bonne chance à tous ces jeunes qui se lancent, jouez le développement et rappelez-vous que le meilleur placement que vous puissiez faire avec l’argent gagné sera de continuer à développer votre business et d’exporter plutôt que vendre et placer chez les autres.
PS : Il se trouve que j’ai eu personnellement la chance dans ma carrière professionnelle d’assumer la direction générale de Blédina, Évian, et Volvic : dans ces trois cas au moins nous avons joué la qualité et la croissance, partie par l’innovation, partie par l’exportation. Je peux certifier, chiffres à l’appui, que cela fonctionne et suis à disposition de tous ceux que cela intéresserait pour en savoir plus.
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tirer les marrons du feu …
… au profit de ceux qui administrent, collationnent, imposent, chicanent, fréquentent assidument la cafétéria ou le parking pour y faire je n’sais quoi, jouent au rond de cuir ou équivalent . . .
Il faut avoir un sens du sacrifice, du partage à 90% pour ceux qui n’ont aucun mérite, une générosité à toutes épreuves pour les bonnes œuvres de l’état et de ses ministres(conseillers vertueux)
On peut se demander pourquoi les hommes politique clament haut et fort : entreprenez, entreprenez ! il en restera quelque chose les miettes pour ceux qui entreprennent l’abondance pour les « élus du peuple » et leurs cohortes de serviteurs zélés: les ponctionnaires.