Le 24 avril 2022, Emmanuel Macron est réélu Président de la République. Il nomme Premier ministre Élisabeth Borne, une macroniste de gauche, qui fut proche du parti socialiste. Aux élections législatives de juin 2022, la majorité présidentielle perd la majorité des sièges.
Le 25 septembre 2022, en Italie, la coalition de deux partis populistes (Fratelli d’Italia et la Lega) et de la droite classique (Forza Italia), conduite par Giorgia Meloni, gagne la majorité des sièges au Parlement. Le 22 octobre, Giorgia Meloni devient présidente du Conseil des ministres.
Deux ans après, les performances économiques de la France et de l’Italie, ces « sœurs latines » de taille et de poids semblable, méritent d’être comparées.
1) Inflation : une baisse plus rapide en Italie.
Fin 2022, l’Italie subissait une inflation près de deux fois supérieure à celle de la France. Dans l’année qui a suivi, l’inflation a fortement chuté en Italie pour atteindre fin 2023 0,6 % l’an, soit trois points de moins qu’en France. L’inflation française n’est redescendue qu’un an après au même niveau qu’en Italie.

2) Emploi : un taux de chômage plus élevé en Italie qu’en France à l’arrivée de Giorgia Meloni, mais de deux points moins élevé deux ans après.

L’écart qui existait en défaveur de l’Italie a été annulé dès le 3e trimestre 2023. Les deux courbes ont fortement divergé après le 1er trimestre 2024 : en six mois, un écart de deux points s’est creusé en faveur de l’Italie. Cette évolution fait suite à la réforme du revenu de citoyenneté (reddito di cittadinenza) intervenue en Italie à la fin de 2023. Ce dispositif introduit en 2019, analogue à notre RSA, était critiqué pour ses effets de désincitation au travail. Giorgia Meloni, dans son programme, avait prévu de l’abolir. Sans aller jusque-là, la réforme de 2023 a réduit l’extension et le coût du revenu de citoyenneté et instauré des exigences pour ses bénéficiaires aptes au travail.
3) Déficit public : des besoins d’emprunt croissants en France, décroissants en Italie.
L’emprunt net public est une mesure approximative du déficit des finances publiques au cours d’une période donnée. Au dernier trimestre 2022, lorsque Giorgia Meloni est venue au pouvoir, le besoin d’emprunt public représentait 6,3 % du PIB italien, trois points au-dessus du besoin d’emprunt français. Au 3e trimestre 2024, l’écart s’était inversé avec un besoin d’emprunt de 2,3 % du PIB pour l’Italie, contre 7,3 % du PIB pour la France.

Sur près de deux ans, la tendance est à l’amélioration en Italie, à l’aggravation en France. La première semble avoir mieux maîtrisé ses finances publiques que la seconde. Pour l’instant, cela ne s’est que peu répercuté sur le ratio « dette publique/PIB », qui reste nettement supérieur en Italie (136,3 % du PIB à la fin du 3e trimestre 2024, contre 113,8 % en France). Avec un tel poids de dette publique, l’Italie a besoin de dégager un excédent public primaire (hors intérêts de la dette) plus important pour faire baisser son ratio d’endettement ; c’est encore plus vrai si la croissance du PIB reste molle, comme actuellement.
Du 4e trimestre 2022 au 3e trimestre 2024, on constate néanmoins que le ratio « dette publique/PIB » a baissé de deux points en Italie, alors qu’il augmentait de 2,5 points en France.
Pour 2025, les perspectives de déficit public sont pareillement plus favorables pour l’Italie que pour la France. Tandis que notre pays a mis en place à grand-peine un budget de l’État encore fortement déséquilibré et jugé insatisfaisant par le Premier ministre lui-même, la manovra (budget) votée pour 2025 en Italie prévoit un cocktail de baisses de certains prélèvements (charges sociales, impôt sur le revenu, diminution du taux d’impôt sur les sociétés de 24 à 20 %, sous conditions) et d’économies devant limiter le déficit à 3,3 % du PIB.
4) Échanges extérieurs : un solde italien inférieur d’un point et demi de PIB à celui de la France à l’arrivée de Giorgia Meloni, mais supérieur de deux points deux ans après.

5) Taux d’intérêt : une inquiétude des marchés accrue pour la France, moins forte pour l’Italie

6) Popularité : un taux d’approbation plus élevé et une assise électorale plus solide pour Meloni
Les résultats économiques et financiers encourageants de l’Italie depuis deux ans ne lui valent pas seulement une amélioration du jugement des marchés financiers -au lieu d’une détérioration pour la France. Ils semblent aussi contribuer à une meilleure appréciation par les électeurs de l’action de Giorgia Meloni que de celle d’Emmanuel Macron.
Les cotes de popularité des deux chefs politiques se sont détériorées sur deux ans, mais celle de Giorgia Meloni est restée nettement supérieure à celle d’Emmanuel Macron.

Surtout, la coalition électorale conduite par Giorgia Meloni semble faire preuve d’une grande stabilité, avec des intentions de vote se maintenant au niveau du résultat obtenu en 2022 (43-44 % des voix). Ce n’est pas du tout le cas en France : les partis du centre et de la droite classique, soutiens actuels de François Bayrou, ont obtenu 41,4 % des voix au 1er tour des législatives de juin 2022, mais seulement 33,1 % au premier tour en juin 2024 ; ils ne recueilleraient plus que 30 % des intentions de vote en février 2025.

Pour conclure, on admettra volontiers que le match Italie-France n’est qu’à moitié joué. La dette publique reste un plus gros point de faiblesse pour l’Italie que pour la France, de même que la démographie. Mais les données qui précèdent pourraient être matière à réflexion pour les entrepreneurs de notre pays.
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