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Le dur combat du progrès scientifique contre la nostalgie

par Yves Buchsenschutz
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Nous sommes continuellement écartelés entre un avenir radieux et le bon vieux temps. A l’aune des médias et du vocabulaire, il semble que le bon vieux temps et la nostalgie soient en train de prendre le dessus sur le progrès et la science. Cela se ressent dans le vocabulaire de notre temps : nous sommes submergés aujourd’hui, et pour cause de COVID, mais aussi d’inégalités, de bio, de racisme, de victimes, d’ancestral, de local, de petits producteurs, de cultures sur son balcon, de végétalisation, de vélos, de changement climatique, d’artisanal, de végans, voire de spécisme, d’écologie…
D’un autre côté rôde la mondialisation, l’intelligence artificielle, la conquête de l’espace, la gestion de la dette, la compétitivité du pays, la voiture électrique…

Intéressons-nous un peu à tous ces termes :

• Tout le monde a entendu parler de la COVID, mais au fond personne ne sait, sinon ce que c’est, mais en tous les cas comment cela fonctionne en définitive. En fin de troisième vague, la France bien avancée tout de même dans la vaccination est-elle sortie d’affaires ou bien verra-t-elle arriver un quatrième accès comme le Japon qui pourtant avait semble-t-il mieux géré que nous ? Malgré tous ses progrès techniques, médicaux en particulier, l’homme ne comprend, en tout cas ne maîtrise pas, encore tout.

Les inégalités : il est de bon ton, que dis-je, définitivement acquis, qu’elles sont insupportables et s’accroissent sans cesse. Elles sont le plus souvent confondues avec la pauvreté et, grâce à des indicateurs soigneusement biaisés, sont comme le mythe de Sisyphe et reculent au fur et à mesure qu’on les améliore. On se refuse délibérément à avoir des indicateurs sérieux pour mesurer tout cela, ce qui permet de dire tout et n’importe quoi et de partir en croisade sans se poser de questions. Les quelques chiffres fiables par contre indiquent sans aucun risque de mauvaise interprétation que la pauvreté a reculé dans le monde à moins d’un milliard d’individus, ce qui était totalement inespéré, (voir indices de l’ONU) et ceci malgré les dictatures et les corruptions, de droite comme de gauche. Les inégalités, elles, sont passées de 0,50 aux environs de 0,30 (indices de GINI-OCDE) depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire qu’elles se sont presque réduites de moitié ! Qui dit mieux ?

Le bio : En grec paraît-il cela signifie la vie. En France cela signifie des modes de production disons « plus respectueux de la nature ». On peut utiliser une pioche mais pas un herbicide ! À l’exception des herbicides considérés comme naturels car historiques ou trouvés à l’état natif comme la coccinelle ou la bouillie bordelaise (le sulfate de cuivre et chaux). On peut commencer à enlever de la trousse à outils tout ce qui a permis à l’homme de survivre et prospérer au fil du temps. Conséquences ?

Le racisme : Depuis que l’on se bat contre cette plaie, on n’avait jamais imaginé autant de racismes possibles et surtout d’agir avec une telle vigueur et souci de gérer les inégalités. Le racisme consiste bien à ranger les individus ou des opinions dans des cases homogènes et définies sans plus se soucier après cela de qui est tombé dans la case et de ce qu’il pense vraiment : nous avons les « races », au sens traditionnel du terme : blanc, noir, rouge, jaune, métis, etc. mais nous avons maintenant également les hétérosexuels et les homosexuels (à Paris en ce moment nous avons droit à une campagne publicitaire pour la promotion de l’homosexualité (!). Je n’ai pas réussi à savoir ce qu’en pensent les démographes), les jeunes et les vieux (pas de spectacle avec Indochine si vous avez moins de 15 ans ou plus de 45 !). Les automobilistes, les cyclistes, les motocyclistes et les piétons… (la corniche de Marseille a été interdite aux voitures ce week-end. Dans un souci d’égalité il est probable qu’elle pourra également être interdite aux piétons par exemple un dimanche de Juillet ?) Grâce à la COVID, nous avons dû établir un classement de priorité pour les vaccinations : on a commencé par les plus vulnérables, cela peut se discuter mais cela se comprend, même si c’est déjà une forme de racisme. On est passé ensuite à une priorisation par le risque qui est devenu très vite une mesure de l’utilité sociale : au début les professions médicales, (à la guerre on soignait d’abord des soldats) mais très vite on est passé à ceux qui criaient le plus : les professeurs par exemple ou les fonctionnaires « en contact avec le public ». Le bon sens a réussi à classer les caissières dans les interstices. Mais nous savons désormais qui sert à quelque chose dans ce pays et contribue au « bien commun » et qui peut être classé comme parasite. On prépare peut-être passeport ou un certificat ?

Le passeport vaccinal, devenu liberticide. Comme tout enfant né après la guerre j’ai bien été vacciné une dizaine de fois d’office dont le sacro-saint DTTAB, la polio, etc. je suis en possession d’un carnet de vaccination pour voyager à l’étranger dans les pays tropicaux qui exigent par exemple la fièvre jaune ou le choléra. Où est la novation ? Où est la crise de liberté ?

• Ancestral, traditionnel, issu d’un terroir préservé, fabriqué artisanalement, à la main, mieux encore, sur mon balcon, fabriqué amoureusement par un petit producteur… tous les poncifs du sirocco publicitaire y passent. Si l’on avait attendu « le maître de mon moulin » d’Alphonse Daudet, nous n’aurions toujours pas commencé la vaccination ! Nous allons d’ailleurs installer la campagne dans les villes puisqu’il n’y a plus de place pour y construire de nouvelles maisons, même en bois ! On entre, tête la première dans la nostalgie du bon vieux temps (allez voir ou revoir les belles de nuit de René Clair avec Gérard Philippe et Gina Lollobrigida).

Avec les végans et le spécisme, on monte d’un niveau. L’homme n’a plus le droit d’exploiter la terre, il n’en est que le copropriétaire, avec le reste de la nature et d’abord les animaux qu’il faut gérer comme des hommes. (Pourquoi pas les plantes ?) OK, protégeons les loups mais aussi les moutons donc quand un loup égorge un mouton, saisissons le procureur de la république et condamnons le loup pour assassinat (avec préméditation). Devons-nous prévoir un juge d’application des peines ? Accessoirement protégeons également les moustiques, les rats, les criquets etc. pas de racisme s’il vous plaît.

• Pour le terme écologisme je vous renverrai volontiers à deux acceptions un peu contradictoires tout de même : écologie qui devrait être le reflet d’une utilisation intelligente, raisonnée et équilibrée de la planète dans laquelle nous vivons (de ce point de vue je préfère le terme d’environnement) ; une autre qui est l’écologisme et qui est devenue au fil du temps une religion dont les adeptes les plus durs et les plus purs tangentent quelque part un extrémisme proche de l’islamisme radical, avatar de la religion musulmane.

D’un autre côté, d’autres termes :

Mondialisation : notre monde est en quête d’un développement mondial et d’une efficacité, pour ne pas dire de productivité, croissante pour atteindre cet objectif : on a donc cherché à optimiser la production des biens et ceci non plus à l’échelle d’un pays mais à l’échelle du monde. En fait cela a fonctionné car la pauvreté mondiale a beaucoup reculé, mais comme souvent des effets secondaires sont apparus. Des pénuries de produits comme les vaccins ou les puces électroniques et du chômage dans les pays historiquement développés. Il est intéressant de constater à cette occasion que l’humanité ne progresse pas simplement d’innovation en innovation comme une sorte d’immense LEGO mais d’innovations qui souvent peinent à se développer puis se répandent et généralisées provoquent en phase finale des effets secondaires qu’il va falloir corriger et qui seront le levain des progrès suivants. C’est vrai de la voiture, de l’avion, du frigo provoquant le trou d’ozone qui depuis a été corrigé.

L’intelligence artificielle enthousiasme et fait peur simultanément. En dehors des spécialistes, nous avons bien du mal à saisir l’ampleur de ses qualités potentielles mais aussi de ses risques, même si d’aucuns prétendent qu’elle restera toujours l’esclave de l’homme puisque c’est lui qui assure le pilotage du système. Il n’en reste pas moins qu’avec un cerveau standard nous comprenons bien une série de services, notamment liées à l’informatique, aux communications et aux automatisations mais il arrive que nous ayons la perception de ne plus pouvoir maîtriser tout cela.

La conquête de l’espace est certainement un motif de fierté pour l’humanité. Si elle a des retombées multiples dans nos vies (satellites, communications, GPS, sciences et connaissances …) on a tout de même du mal à imaginer le saut consistant à aller habiter une autre planète en tous les cas en masse, ne serait-ce que pour des raisons de coût.

La dette, soit issue de politiques étatiques erratiques, soit de la COVID, semble très controversée pour le moment. Cela reste une épée de Damoclès mais un grand point d’interrogation.

La compétitivité de la France. Notre pays vit clairement au-dessus de ses moyens et n’a pas réussi son entrée dans le troisième millénaire. Négligeable par sa population et sa dimension, mais significatif par sa réussite historique, scientifique et économique, notre pays rétrograde régulièrement dans les classements mondiaux probablement par manque de volonté politique, de décision et d’effort. Il sera malheureusement bientôt trop tard pour redresser la barre.

• La voiture électrique sera peut-être la solution d’avenir. Les deux seules choses certaines sont que la voiture individuelle est un extraordinaire instrument de liberté mais qu’elle a révélé, généralisée, des effets secondaires difficiles. La voiture électrique ne semble pas une très bonne solution technique mais pour le moment nous n’avons pas mieux.

Tentons maintenant de classer quelque peu ces termes sur un échiquier socio-politique : on constate que la première liste est tournée vers la nostalgie pour ne pas parler du jardin d’Éden, la seconde vers la science et le progrès technique. C’est en termes d’organisation sociale que les rôles traditionnels reprennent leurs droits : la gauche progressiste pousse l’innovation sociétale, la droite conservatrice s’en méfie.

Echiquier socio-politique, entre nostalgie et progrès
La nostalgie
Le bon vieux temps
Le progrès scientifique
L’avenir radieux
L’innovation sociétale Le conservatisme social
Le genre La liberté individuelle
La frugalité L’entreprise
L’égalitarisme La prise de risque
L’Etat Le productivisme
La sécurité La méritocratie
L’écologisme La propriété
Le racisme – victimisation
Le revenu universel
Les quotas
> Les progressistes
(i.e. la gauche politique)
> Les traditionnalistes
(i.e. la droite politique)

Si nous voulons être honnêtes, nous devons reconnaître – en tous les cas c’est mon impression – que chacun d’entre nous est partagé entre ces deux pôles même si nous ne plaçons pas la frontière au même endroit.
Mais ceci nous amène évidemment à tenter de construire deux mondes assez contradictoires, bien qu’il y ait des croisements inopinés. Les nostalgiques n’auront pas envie de se passer de toutes les techniques, en particulier de celles de la survie, et les techniciens risquent fort d’être victimes de ce que l’on pourrait appeler « le syndrome du Cap Sounion » : il s’agit d’un temple grec proche d’Athènes où il est d’usage d’aller observer le coucher du soleil : spectacle inoubliable à condition d’en jouir dans le calme et la sérénité : il y a 60 ans il n’y avait qu’une dizaine de touristes, aujourd’hui tout le monde peut y accéder mais il n’y a toujours qu’un temple et qu’un soleil pour une nuée de spectateurs. Le spectacle a disparu.

À date, au moins en France mais certainement dans une large partie du monde occidental, la nostalgie a pris le dessus. Mais c’est une maladie de riches : souhaitons qu’elle ne détruise pas la recherche du progrès scientifique sous peine de lendemains qui déchantent.

 

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2 commentaires

Philippe B mai 31, 2021 - 10:27 am

Belles réflexions dont je partage les conclusions
Le progrès de la connaissance ne fait pas toujours bon ménage avec les croyances séculières du temps présent. L’écologie est une science, l’écologisme une croyance. L’économie, la sociologie sont des sciences, l’égalitarisme une croyance. La science politique est une science, le droit-de-l’hommisme une croyance (feu Louis Pauwels avait fait scandale en son temps par un article où il parlait de la « religion des droits de l’homme »; rétrospectivement, n’était-ce pas plutôt bien vu ?).

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Robert mai 31, 2021 - 10:31 am

Excellent !!!
Excellent !!!
Ce petit texte est extrêmement éclairant et il dit en peu de mots des choses essentielles que notre époque a perdu de vue!!
Amitiés

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