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Le bêtisier fiscal, en rire ou surtout en pleurer.

par Bertrand Nouel
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Le concours Lépine auquel se livrent actuellement les partis politiques sur la fiscalité, nous offre quelques occasions de s’en émouvoir, pour rire ou pour pleurer, voire les deux mon général. Petite revue symptomatique.

Comment combler le déficit de la Sécurité sociale.

C’est Alexandre Bompard qui s’illustre ici. Ce cadre LFI, interviewé sur le déficit du PLFSS (le projet de loi de la Sécurité sociale), a la solution toute trouvée pour y remédier : remarquant que de nombreuses exonérations de cotisations sociales plombent les recettes, il suffirait que l’État compense les pertes. Le sapeur Bompard oublie la leçon laissée par son illustre prédécesseur Camember, qui se demanderait comment combler le trou du PLFSS avec la terre provenant du PLF sans creuser ipso facto davantage celui du PLF ! Rappelons que, depuis longtemps et de plus en plus, les recettes de la TVA, provenant notamment de l’État, servent à combler l’insuffisance des cotisations sociales (environ 50%). La Constitution prévoit cependant la distinction entre les financements indépendants de l’État et de la Sécurité sociale, distinction qui n’a plus de sens aujourd’hui.

Taxer les multinationales.

C’est encore Alexandre Bompard qui s’illustre. L’amendement voté par l’Assemblée nationale prévoit que « toute personne morale ayant une activité en France est imposable à hauteur de son chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national ramené à son chiffre d’affaires mondial. Le calcul de ces chiffres d’affaires national et mondial comprendra le chiffre d’affaires des entités juridiques dont elle détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ». Il s’agit donc de garantir que les bénéfices tirés de l’activité française seront calculés sur la base du chiffre d’affaires réalisé en France et imposés à 25% quelle que soit la localisation des bénéfices.

 M. Bompard estime, sans d’ailleurs s’en expliquer, que rien ne s’oppose, notamment au plan international, à l’application de ce texte. Or il est évident que cela conduirait à une double taxation contraire à toutes les conventions internationales signées par la France (125) sur le modèle OCDE et précisément destinées à éviter la double taxation. En pratique, il faudrait renégocier toutes ces conventions (comment?) – ou subir les réclamations de toutes la nations victimes de cette double taxation.

A noter que LFI n’a pas été le seul parti à voter le texte, puisqu’il faut y ajouter les voix de toute la gauche, et même celles du RN (207 pour, 89 contre) !

Mettre en garde les prêteurs internationaux.

L’initiative revient à Jean-Luc Mélenchon, qui conseille sur un ton amical aux prêteurs de modérer leurs exigences, en les prévenant que la France pourrait bien faire défaut sur sa dette. De quoi au contraire provoquer l’augmentation de la prime de risque réclamée par ces prêteurs. Heureusement que M. Mélenchon, sur ce sujet comme sur bien d’autres, n’est pas pris au sérieux.

Les multinationales françaises coulent la France en détruisant l’emploi.

C’est Sophie Binet (CGT) qui accuse ces grandes entreprises de « délocaliser » leurs activités. Une vieille antienne répétée à l’envi par la CGT. L’erreur fondamentale du raisonnement est de croire que  la production en France (le fameux « made in France ») serait augmentée par une sorte de phénomène de vases communicants si les entreprises françaises ne s’étaient pas développées hors de France. Comme si l’objectif de ces entreprises n’était pas de servir la demande mondiale et pas seulement le trop petit marché français, et comme si en se repliant sur la France on éviterait l’importation de biens fabriqués hors de France à un meilleur prix. Ne vaut-il pas mieux par exemple que Dacia, qui bénéficie d’un grand succès en France, soit une filiale de Renault plutôt qu’un concurrent indépendant, alors que de toutes façons Renault ne vendrait pas, ni en France ni à l’export, davantage de voitures « made in France » ?

Si Mme. Binet devrait féliciter LVMH (au lieu de faire le contraire) d’être un producteur de biens made in France très compétitif, puisque l’entreprise paie 40% d’impôts en France alors qu’elle n’y vend que 8% de sa production, c’est parce qu’elle se situe dans le secteur du luxe où la France bénéficie d’une renommée mondiale. Mais hélas il n’en est pas de même dans d’autres secteurs industriels comme l’automobile ou le pneu, très sévèrement concurrencés par les produits chinois.

L’impôt sur le « fortune improductive ».

Ce sont cette fois le Modem, LIOT, les Socialistes et le RN qui ont voté une modification de l’impôt sur la fortune, devenu IFI en 2018, en élargissant son assiette aux biens censés être « improductifs ». En réalité ces biens ne sont productifs que pour l’État et ne correspondent nullement à un critère de défaut de productivité économique.

Ont donc été ajoutés à la liste des biens taxés :

  • les biens considérés comme luxueux : œuvres d’art, bijoux, avions, yachts etc. Même si cela répond à l’impératif de taxation des riches, les considérer comme improductifs ne répond pas à un critère économique dans la mesure où vont se trouver affectés les marchés de l’art, des aéronefs etc. Il est paradoxal que le luxe, qui constitue un secteur d’exportation primordial, soit en quelque sorte interdit aux Français ou fortement pénalisé. Sans compter les impossibilités d’une évaluation incontestable des œuvres d’art.
  • L’immobilier, sauf quand il est loué. Ce n’est pas le moment de pénaliser davantage ce secteur de production déjà en très grande difficulté en France et qui est tout sauf improductif.
  • Les actifs financiers sauf les actions de sociétés, et en particulier l’assurance-vie ou le livret A, qui sont investis dans… les obligations d’État ou le logement social !

Un pseudo impératif de morale vient à remplacer un critère économique de « productivité » totalement absent.

La taxation des plus-values mobilières à l’occasion des successions.

Au prétexte que les plus-values mobilières ne sont pas taxées dans une holding aussi longtemps qu’elles ne sont pas réalisées, et que lors de l’héritage le paiement des droits de succession « lave » de toute taxation ces plus-values, certains comme l’ « économiste atterré » Henri Sterdyniak et bien d’autres avec lui, estiment que lors de la succession l’héritier devrait s’acquitter deux fois de la taxation de la plus-value, une fois au titre de la taxe non payée par son auteur et une autre fois au titre des droits de succession (DMTG). Avec pour résultat que ces actifs devraient supporter une taxe de 30% puis une nouvelle taxe de 45% sur 100% de la valeur, soit 75% au total.

Pourtant, supposons que l’auteur réalise les actifs avant son décès, son héritier n’aurait à payer le DMTG que sur la valeur des actifs diminuée des 30% déjà réglée par l’auteur. Soit une imposition totale de 30% + 45% de 70% = 63,75% et non 75%. Il n’y a aucune raison pour qu’il en soit autrement si l’auteur ne réalise pas ses actifs avant de décéder. Autrement dit l’héritier devrait au plus, après avoir payé l’impôt sur la plus-value, pouvoir imputer cet impôt sur l’assiette du DTMG.

Ce ne sont hélas que des exemples démontrant l’absurdité de la fiscalité française. Ce qu’il faut en retenir, c’est à quel point l’idéologie vient aveuglément contredire le raisonnement économique sans lequel il n’est pas possible d’améliorer la situation d’une France en danger, ni d’appliquer une justice sociale bien comprise.

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