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La vérité sur les dépenses publiques

par Claude Sicard
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La presse chiffre à 17 milliards d’euros les annonces d’Emmanuel Macron en réponse à la révolte des gilets jaunes, avec 10 milliards d’euros accordés début décembre, au cœur de la crise, puis 7 milliards lâchés ensuite dans les annonces de sortie du grand débat national. On prévoit, en conséquence, que le déficit public sera de 3,1% du PIB en 2019, un déficit important qui va nécessiter une fois de plus un large recours à l’endettement pour boucler le budget de l’Etat. Et, à nouveau, nos partenaires de la zone Euro vont-ils constater que notre pays ne tient pas ses engagements.

La France est devenue, au fil du temps, le pays où les dépenses publiques sont les plus importantes de tous les pays développés : elles se sont élevées en 2018 à 1.291,9 milliards €, soit 56,4% du PIB, la moyenne des pays de l’UE se situant à seulement 47,0% du PIB. Il s’en est suivi que les prélèvements obligatoires sont à présent les plus élevés des pays de l’OCDE : 47,6%, notre pays venant de dépasser le Danemark qui était en tête jusqu’ici dans ce classement. Aussi, la dette extérieure du pays ne cesse-t-elle de croître, d’année en année, atteignant maintenant 100% du PIB, alors que la règle à respecter dans la zone euro se situe à 60% du PIB, maximum.

Chaque année les dépenses publiques croissent, et l’opposition ne cesse de stigmatiser les dirigeants du pays, leur reprochant leur incapacité à réduire la dépense publique, sans toutefois que les uns ou les autres se hasardent à dire à quelles dépenses il conviendrait de s’attaquer. Des chiffres sont régulièrement avancés sur la réduction des effectifs de la fonction publique, car c’est la cible privilégiée, et le Président actuel avait d’ailleurs, lui-même, inscrit dans son programme électoral, la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires. Mais dans sa récente conférence de presse, en clôture du grand débat national, on l’a vu déclarer qu’il renoncerait à tailler dans les effectifs de la fonction publique, tant cette mesure pourrait amener des troubles graves dans le pays.

Qu’en est-l donc des dépenses publiques en France, et comment mesurer véritablement les excédents de dépenses qui caractérisent notre pays ? L’Institut COE-Rexecode avait chiffré à 280 milliards € notre écart par rapport à l’Allemagne, Michel Pébereau dans un rapport que lui avait demandé le gouvernement en 2017, parlait, lui, de 180 milliards €, et dans la dernière campagne présidentielle, on a vu François Fillon avancer le chiffre de 100 milliards d’euros, et Emmanuel Macron parler de 60 milliards € d’économies, dont 25 à faire dans la sphère sociale.

L’approche ordinaire qu’utilisent les économistes, consiste à faire des comparaisons internationales en se référant au PIB des pays. L’Allemagne, par exemple, en est à 43,7% du PIB, et la Grande Bretagne à 42,2%, mais plusieurs pays sont bien plus bas : les Etats- Unis en sont à 37,9%,et la Suisse à 34,0%. Ce sont là, des évaluations que l’on doit considérer comme approximatives, car elles ont le défaut de ne pas tenir compte du degré d’avancement économique des pays. Il est possible de procéder à des évaluations bien plus précises, et mieux fondées, en recourant à l’économétrie qui est un outil d’analyse quantitative qui permet d’établir des corrélations intéressantes entre des phénomènes économiques. C’est, malheureusement, un outil qui n’est pas suffisamment utilisé, et c’est cette approche que nous allons utiliser, ici.

La structure des dépenses publiques

Les dépenses publiques s’articulent de la façon suivante :

Dépenses publiques (milliards €)
Etat 286,4
Collectivités territoriales 168,5
Dépenses sociales 759,5
Investissements 77,5
Total 1.291,9

Comme on le voit, les dépenses sociales représentent le poste essentiel, intervenant pour 58,8% dans le total des dépenses publiques.

Les dépenses sociales

Pour mesurer leur éventuel excès par rapport aux autres pays, il convient de tenir compte du niveau de richesse des pays, cette richesse s’appréhendant aisément par ce ratio habituel que sont les PIB/tête des pays.

On voit sur le graphique ci-dessous, qu’il existe une excellente corrélation entre les PIB par tête des pays et leurs dépenses sociales calculées en dollars par habitant :

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On voit que la France se situe très haut par rapport à la droite de corrélation : ses dépenses sociales se montent à 12.007 dollars par habitant alors que l’équation de la droite de régression indique que compte tenu de son PIB/tête elles devraient être de seulement 8.656 dollars. L’excédent est considérable : 27,9%, soit au niveau national des dépenses excédentaires de 212 milliards € !

Les dépenses publiques, hors dépenses sociales

Il est intéressant de calculer les dépenses publiques, hors dépenses sociales, et de procéder à des comparaisons avec les autres pays. La France se situe à 9.852 dollars par habitant. L’Allemagne et la Grande-Bretagne qui ont des PIB/tête supérieurs ont des dépenses inférieures : 8.308 dollars pour l’Allemagne, et 8.630 dollars pour la Grande-Bretagne.

Le graphique ci-dessous présente la corrélation existant entre les PIB/tête des pays et leurs dépenses publiques par habitant, hors dépenses sociales :

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Cette corrélation est excellente et l’on voit que la France se situe, là aussi, très sensiblement au-dessus de la courbe : elle devrait en être à seulement 8.704 dollars par habitant, pour faire fonctionner l’ensemble de ses services publics. L’excédent est de 11.6%, soit, au niveau national, la somme de 61,7 milliards d’euros. Certes, nos dépenses militaires sont plus élevées que celles de nos voisins : il convient donc de retrancher environ 10 milliards d’euros pour nous comparer aux autres pays, en sorte que l’on peut estimer notre excès de dépenses publiques à quelque 50 milliards d’euros par an.

Les économies à réaliser

Compte tenu des éléments précédents, on peut chiffrer comme suit les excédents de dépenses publiques en France :

Excès de dépenses publiques
Dépenses sociales 212 milliards €
Dépenses de fonctionnement 50 milliard €
Total 262 milliards €

On recoupe ainsi les estimations de l’institut COE-Rexecode qui chiffrait à 280 milliards d’euros notre excédent de dépenses publiques par rapport à l’Allemagne, mais notre voisin est un pays plus riche que le nôtre, donc un pays pouvant dépenser plus pour le bien-être de sa population.
Les économies à réaliser ne portent pas tant sur les effectifs de la fonction publique que sur les autres dépenses de l’Etat et des collectivités territoriales. Les excès de personnels dans les emplois publics, en effet, si l’on fait des corrélations internationales en tenant compte des niveaux de richesse des pays, ne sont pas considérables : 158.000 personnes, si l’on ne tient pas compte des emplois aidés, sur un effectif de 5.450.000 personnes. Nous en sommes à 80 emplois publics pour 1.000 habitants, ce qui place la France en position médiane en Europe : l’Espagne en est à 58, et la Suède à 117. Les économies qu’aurait représenté la suppression de 120.000 postes, chiffre qu’avait annoncé Emmanuel Macron dans sa campagne électorale, ne représenteraient, en fait, que 2 milliards d’euros seulement.

Les économies essentielles sont à effectuer dans les dépenses sociales, mais là, le pouvoir politique butte sur des menaces de révolte. Nos dépenses sociales viennent de l’appauvrissement du pays provoqué par l’effondrement de notre secteur industriel qui ne représente plus que 10% du PIB alors qu’il devrait s’agir de 18% à 20% comme c’est le cas dans les autres pays. Les pouvoirs publics se sont donc vus contraints de compenser par des aides sociales de plus en plus importantes, chaque année, les dégâts causés aux plans économique et social par la fermeture des usines qui procuraient sur tout le territoire de très nombreux emplois.

Les dépenses publiques étant extrêmement difficiles à réduire, la seule solution consiste à accroître le plus vite possible, dans notre pays, la création de richesses. Malheureusement, cette problématique n’a guère été expliquée à la population, et celle-ci ne comprend donc pas que l’Etat ne puisse pas répondre à toutes les revendications qui lui sont présentées. La seule solution que notre gouvernement aura à sa disposition pour tenter de satisfaire la population sera d’accroître un peu plus chaque année la dette extérieure du pays : nous en sommes à 100% du PIB, et nous nous consolerons de nos déboires en nous comparant au Japon qui a, lui, une dette extérieure qui représente 246,6 % du PIB, la dette la plus élevée du monde !

Claude Sicard, économiste

 

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8 commentaires

Robert Marchenoir mai 6, 2019 - 3:05 pm

La nocivité des fonctionnaires ne vient pas seulement de leur coût direct
En admettant votre raisonnement économique, il demeure une raison pour laquelle des coupes massives dans les postes de fonctionnaires sont indispensables : ce sont eux qui décident des dépenses publiques, y compris sociales.

Un fonctionnaire en plus, c’est un type de plus qui va chercher à justifier son « emploi » en élargissant l’emprise du domaine public, en créant de nouveaux règlements, en créant des nouvelles allocations, de nouvelles taxes et de nouveaux organismes pour distribuer l’argent gratuit des autres.

C’est un type de plus qui va voter pour le maintien du système stato-gauchiste, et qui va défiler dans la rue pour le « troisième tour social ».

Il faut donc analyser la dynamique politique de l’ensemble, aussi bien que les chiffres eux-mêmes.

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reydellet mai 6, 2019 - 3:18 pm

réduction des dépenses publiques et des effectifs d’agents publics
L’article de Claude Sicard est excellent, mais je suis en désaccord avec sa conclusion consistant à « baisser les bras » sur la réduction des effectifs de la fonction publique.
Il est exact que 120 000 postes, c’est fort peu pour être significatif en matière d’économies…mais je rappelle que François Fillon visait 500 000 !
Il suffit d’ailleurs de s’attaquer au temps de travail, à l’absentéisme, à la « mise au placard »…pour dégager des marges de manoeuvre.
Par ailleurs, il faut se souvenir de la RGPP de Nicolas Sarkozy, qui avait mis la machine dans le bon sens …mais, malheureusement en achetant la paix sociale par distribution de la moitié des économies réalisées sous forme de primes et d’indemnités, que l’on traine toujours, malheureusement, bien que la RGPP soit « game over ».
Pour la méthode à suivre, je renvoie au rapport sur la RGPP établi par les inspecteurs de l’administration en septembre 2012, à la demande de François Hollande, rapport que Mme Lebranchut s’est empressée de mettre dans un tiroir.
J’ai personnellement pratiqué la démarche stratégique dans une grande entité étatique (9000 personnes) et je sais qu’elle peut marcher, malgré les freins, statutaires notamment, et que les agents peuvent fort bien être moteur dans l’optimisation de leur service..au grand dam de la plupart des syndicats…mais pas tous, j’en convient.

Daniel Reydellet

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zelectron mai 6, 2019 - 3:24 pm

dans le détail :
On peut voir les choses un peu différemment

Les dépenses publiques s’articulent de la façon suivante :
Dépenses publiques (milliards €) État 286,4 et avec 1 million de ponx en moins ?
Collectivités territoriales 168,5 et avec 500 000 ponx en moins ?
Dépenses sociales 759,5 : la moitié sert à tout autre chose bâtiments, voitures , salaires et plus des personnels pléthoriques, et autres privautés
Investissements 77,5 ridicule surtout quand il faut mettre plusieurs ponx pour remédier aux insuffisances plus que notoires !

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Jacques Peter mai 6, 2019 - 3:27 pm

Cercle vicieux
C’est lamentable.
Au lieu de réduire notre déficit public et notre dette publique, le gouvernement les augmente.
Les prélèvements de l’Etat pèsent sur la compétitivité des entreprises qui embauchent et investissent donc peu, et pour faire face au chômage qui en résulte, le gouvernement augmente le déficit et la dette. Ce cercle vicieux fonctionne très bien et ne semble pas déranger le gouvernement.

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zelectron mai 6, 2019 - 6:01 pm

432 milliards !
« 120.000 postes supprimés permettent de faire 2 milliards d’euros seulement », je ne suis absolument pas d’accord, en sachant qu’un fonctionnaire coûte en moyenne 3,6 millions d’€uros pour toute sa carrière, ce sont 432 milliards d’€uros qui seront économisés sur les frais engendrés par leurs activités rémunérées et retraites en cours et sur les non-recrutements futurs, sommes qui devront impérieusement être injectées dans le circuit productif manufacturier, agri-agroalimentaire, artisans et autres innovations, non ?
nb le secteur vendeur, revendeurs et autres importateurs-marchands du temple étant exclus de ces « facilités »
Il est à noter que l’état ne doit pas consacrer lui-même ou par quelqu’intermédiaire que ce soit un temps précieux qui servira mieux pour administrer la nation (sic), contrôler ou sanctionner (y compris positivement)
Les entreprises sont à l’évidence bien plus aptes à s’occuper de ces questions de répartitions/investissements par le biais de leurs propres services pour définir les besoins, en prenant la précaution de ne pas mettre dans la commission d’examen une société directement ou indirectement concurrente.

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lucien fa mai 7, 2019 - 9:14 am

Mauvaise gestion historique du pays
Parmi les pays riches la France est certainement l’un des plus mal gérés. J’ai travaillé et habité, dans le désordre, en France, aux USA, au Japon, à Singapour, en Nouvelle Zélande, en Angleterre et en Suisse. L’intelligence des politiques français n’est pas en doute. Par contre le manque d’honnêteté, de clairvoyance, de courage et d’énergie de nos dirigeants de tous bords handicape lourdement la performance du pays. C’est une faillite collective. J’en suis désolé pour tous les français qui doivent subir cet état de choses dans leur vie quotidienne. La plupart n’ont pas la chance de pouvoir s’expatrier comme je l’ai fait. Et ce n’est pas tant le montant total des prélèvements et autres impôts qui me chagrinait, encore que, mais bien plus l’utilisation qui était faite de mon argent fruit du travail d’une longue et dure vie professionnelle.
Je ne suis pas optimiste pour l’avenir de ce pays. Les confrontations idéologiques, les luttes de personnes et l’incompétence notoire des hommes politiques français me choquent. En plus de la médiocrité des hommes, l’évolution de la société française ne me paraît pas aller dans le bon sens. Tout cela produit un spectacle affligeant. Quel gâchis!

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gerard dosogne mai 8, 2019 - 11:05 am

Travailler beaucoup plus
Le travail crée la richesse et la richesse la possibilité d’ofrfir plus de services à la population . Quand la richesse augmente, comme le montre Claude Sicard, les dépenses collectives augmentent . Partout. Pour augmente la richesse du pays, ( etat et chaque citoyen) il faut travailler plus et augmenter les salaires/revenus au pro rata (mais las les charges bien sur qui doivent rester au niveau actuel en absolu, donc, si les salaires augmentent, une baisse des charges en relatif), Et travailler plus , c’est facile dans le pays du monde où on travaille le moins!!
Revenir aux 40 heures ( payées 40) , aux 4 semaines de congés , à la retraite à 65 ans et le pays verra sa richesse bondir , et par conséquent ses habitants . Ou alors , admettons que nous préférons etre pauvre mais surtout ne rien foutre…

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gaston 79 mai 8, 2019 - 8:17 pm

comparables ?
De bon sens, on ne peut croire qu’il puisse y avoir 280 milliards d’euros perdus entre la gestion de la France et celle de l’Allemagne, cet écart s’expliquant en réalité parce qu’on ne compare pas des choses équivalentes, notamment dans le budget social : en effet le niveau des prélèvements obligatoires français prend en compte la presque totalité des cotisations d’assurances sociales (santé, travail, retraite) – puisqu’elles sont gérée par le monopole sécu – alors que le niveau de prélèvement allemand ne prend pas en compte les cotisations volontaires bien supérieures à celles des français, le système obligatoire allemand étant moins contraignant. Idem pour les dépenses publiques sociales intégrant dans le budget français (via la Sécu) des sommes non comptabilisées mais versées par ailleurs en Allemagne par les organismes privés qui gèrent la santé et le retraite.
S’il n’est pas douteux qu’une gestion concurrentielle et libre des assurances sociales à l’allemande est plus efficiente qu’une gestion étatique à la française, il faudrait pouvoir comparer exactement les montants versés par les uns et les autres, à titre obligatoire et/ou volontaire vs les prestations servies dans les 2 pays pour mesurer l’écart réel de performance entre les 2 systèmes.
Il est probablement de l’ordre de 30 %, mais essentiellement sur les frais de gestion des systèmes, ce qui nous éloigne pas mal des 280 milliards de départ.
L’analyse de Mr Sicard tend surtout à montrer à mon sens le taux d’étatisation dans la gestion du social encourageant la dérive des comptes du fait de la confusion que cet étatisme entretient entre assurance et solidarité.

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