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La Suisse : un pays où le bon-sens  est la clé du succès

par Claude Sicard
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La Suisse : un pays où le bon-sens  est la clé du succès

Au moment où notre pays se trouve plongé dans une crise économique et sociale grave dont nul ne sait comment elle va se dénouer, il est bon de se pencher sur le cas de notre voisin, la Suisse, un pays tout à fait exemplaire à la fois par la façon dont il est organisé, par la façon dont il pratique le libéralisme économique et par le succès époustouflant de son économie. C’est un pays où il n’y a jamais de grèves, où le niveau de vie est très élevé, et où les gens sont heureux de vivre. Il nous donne quelques raisons d’espérer pour peu que l’on veuille bien s’inspirer de ses façons de procéder.

Nous débuterons par la sociologie des Suisses car dans les processus économiques et politiques la sociologie de la population est l’élément fondamental. C’est un pays dont la sociologie s’est construite en opposition à la ville : les Suisses ont conservé un bon  sens paysan. Ils sont viscéralement attachés à la liberté et ils aiment l’ordre : ils ont toujours évité l’émergence d’un pouvoir central. Ils respectent les normes sociales et dénoncent facilement quelqu’un qui ne les respecte pas, et ils ont une culture perfectionniste.

Lorsque le 5 juin 1991 le Président de la République française envoya un message au Conseil confédéral suisse, à l’occasion du 700e anniversaire de la Confédération, il dit : « Lorsqu’en 1291 les représentants des trois vallées signèrent le pacte dont est issue la Confédération suisse, ils posèrent au même moment les fondations de la liberté en Europe ». C’est un pays chrétien où les catholiques représentent 71,0 % de la population et l’Église Reformée 26,0 %, et la Constitution commence par : « Au nom de Dieu tout puissant » ; mais il n’y a pas de religion d’État.

Le régime politique :

Au XIVe siècle s’est formée la Confédération des VIII cantons, avec une reconnaissance internationale en 1648, et la Suisse devint en 1848 l’ « État Fédéral Suisse », formé de 26 cantons. C’est un État à trois niveaux : communes, cantons et un Conseil fédéral de 7 membres qui dirige le pays.

Le Conseil Fédéral joue le rôle de chef d’État et de chef de gouvernement. Chaque Conseiller Fédéral dirige un département fédéral ( justice, intérieur, économie, affaires étrangères…). Les 7 membres qui prennent des décisions le font par consensus : aussi, la vice-présidente Karin Keller Sutter nous dit  « En Suisse, nous sommes les spécialistes du consensus : notre système politique est conçu pour cela ».

Le parti libéral-radical Freisinn est la force politique dominante, et les valeurs sont toujours les mêmes : la responsabilité individuelle, la compétitivité et des finances publiques saines.

Ce système permet d’associer unité nationale et diversité. Chaque commune entretient ses infrastructures et bénéficie d’un maximum d’autonomie : les responsabilités ne sont déléguées au niveau supérieur que lorsque cela le justifie ; et chaque niveau perçoit des impôts pour pouvoir mener à bien les taches qui lui sont assignées. Ainsi les dépenses publiques se ventilent-elles de la façon suivante :

Dépenses publiques 
Communes  ……30 %
Cantons………… 40 %
Confédération….30 %

Ainsi, 70 %  des dépenses se font au niveau que nous appelons en France « régional »,  alors qu’il s’agit de 11 % seulement dans notre pays ? Se trouvant contrôlées de très près par les citoyens, les dépenses publiques, en Suisse, se situent à un niveau relativement faible par rapport au PIB du pays.

La Suisse est bien un pays où règne la liberté, mais selon la définition de Hobbes :la liberté consiste à « ne pas être entravé dans ce  que l’on veut faire, en fonction de sa force et de son intelligence : mais l’homme n’est libre  que dans un état civil qui assure sa sécurité ».

Une étude de l’OCDE, en date du 10 juillet 2024 , nous indique que la confiance dans ses institutions n’est nulle part aussi élevée qu’en Suisse (61,9 % des réponses, contre 34,3 % dans le cas de la France).

Les votations populaires :

 Il y a, en Suisse, un recours fréquent au vote : les Suisses y ont été appelés 326 fois depuis 1848. Il s’agit soit de votes obligatoires, soit facultatifs, pour des votes d’initiative populaire portant sur les sujets les plus divers.

Ainsi, par exemple, une votation sur une proposition du parti socialiste, le 10 novembre 1985, qui proposait de faire passer les congés payés annuels de 4 à 6 semaines. Cette proposition fut rejetée par 66,5 % des votants,  au prétexte que ce n’était pas dans l’intérêt du pays. S’il s’était agi de la France où nous avons un syndicalisme qui avec la Charte d’Amiens de 1906 est révolutionnaire, la réponse eut été toute autre.

L’économie de la Suisse .

L’économie suisse se distingue par une croissance stable, un taux de chômage très faible, un excédent structurel de la balance commerciale, et un écosystème de R&D performant ; et c’est un pays dont le système éducatif fournit d’excellents résultats.

Les performances de l’économie suisse :

Le PIB per capita des Suisses est actuellement de 93.515 US$, contre 46.315 US$ dans le cas de la France, et on voit que dans la période 1980-2021  il a été multiplié par 4,8, alors que dans le cas de la France le multiplicateur n’a été que de 3,2. Aussi les salaires sont-ils très élevés en Suisse :

 Salaire moyen annuel
France…………43.755 US$
Suisse………… 62.283 US$

L’enquête du « World Economic Forum » sur la compétitivité des pays, indiquait pour l’année 2019 que la Suisse se trouvait en position n°5, alors que la France venait seulement en position n°15,  le pays en tête étant Singapour.

Autre élément : une balance commerciale continuellement excédentaire : les exportations sont très importantes et elles jouent un grand rôle dans la prospérité du pays, représentant 42,7 % du PIB en 2023, alors qu’en France il ne s’agit que de  21,5 % seulement. Elles sont constituées par les produits pharmaceutiques, l’horlogerie de luxe, la bijouterie, les machines et les instruments de précision. Et le pays a une balance commerciale toujours excédentaire, le solde s’étant élevé à 12,4 % du PIB, par exemple en 2023.

Dernier élément d’appréciation : la dette extérieure du pays : elle est faible car il existe en Suisse un « frein à l’endettement». Cette disposition  est entrée en vigueur en 2003 : par une votation populaire il a été  instauré, dans ce pays, un mécanisme d’équilibre obligatoire des finances publiques sur un cycle conjoncturel de quatre années : les excédents de dépenses faits par exemple les deux premières années doivent être compensés par des économies à faire les deux suivantes :

Dette  extérieure (en % du PIB)
(Année 2023)
France………………110,6 %
Suisse………………    38,3%
(Source : FMI)

Indiquons, enfin, que la Suisse est un pays qui a sa propre monnaie, et le franc suisse est une monnaie forte.

Les facteurs clés de succès :

a) Un pays où il y a la paix sociale :

En 1937, un accord a été s conclu entre le patronat et les syndicats, appelé « La paix dans le travail », où il a été convenu que les conflits se régleraient par des négociations et non plus par des grèves ou des look-out ; et, depuis, il n’y a donc plus de grèves dans ce pays.

Il y a aujourd’hui plus de 600 conventions collectives en vigueur. Le droit du travail est très simple : il tient en une trentaine de pages. Un employeur peut licencier un salarié sans même lui fournir une explication : il suffit qu’il respecte les délais légaux : un mois la première année, deux mois de la deuxième année à la neuvième, et trois mois ensuite.

b) Une économie à caractère libéral

L’État intervient peu dans la vie économique, et cela peut s’apprécier au vu de ce que sont les prélèvements obligatoires :

Prélèvements obligatoires
(En pour cent du PIB)
Suisse………..  28,5 %
UE…… …….  41,1 %
Allemagne……. 42,1 %
France………… 48,0 %
(Source INSEE-Suisse 2017)

Aux États-Unis, un grand pays libéral aussi, ils représentent 38,8 % du PIB. 

Le gouvernement suisse intervient beaucoup, toutefois, dans l’agriculture, octroyant des  subventions et garantissant les prix et les volumes achetés ; et il applique des droits de douane pour protéger les productions locales.

c ) Les Suisses travaillent beaucoup

Le tableau ci-dessous indique l’importance du facteur travail dans le succès de l’économie suisse.

Comparaison France-Allemagne-Suisse

FranceAllemagneSuisse
Population active46,7 %53,4 %59,2 %
Durée de vie active36,2 ans38,4 ans42,4 ans
Heures de travail/an1.490h1.612h1.831h
Durée hebdo  Travail35h37h42 à 50h

On entend par « population active »les personnes dotées d’un emploi : en France, le taux est extrêmement faible, et l’on a ainsi 5,2 millions de personnes inscrites actuellement comme chômeurs à « France-Travail » . Et ceux qui travaillent effectuent annuellement moins d’heures que dans les autres pays.

d) Importance de la production industrielle

L’industrie joue un rôle déterminant dans la dynamique de croissance d’une économie, car c’est, des trois secteurs qui composent toute économie, celui où le progrès technique augmente le plus vite. Il y a donc une corrélation étroite entre la croissance de la production industrielle des pays et les PIB/capita.

On a pour différents pays les chiffres suivants :

 Production indus/personne

(US $)

Inde621
Brésil2.230
Grèce3.700
Turquie3.726
Espagne6.787
France8.323
Italie8.666
Danemark14.745
Allemagne15.084
Australie18.880
Suisse24.444

Il s’agit, dans ce tableau, de valeurs ajoutées calculées à partir des données de la BIRD, organisme qui donne l’importance de l’industrie en pour cent des PIB et  qui incorpore la construction dans sa définition de l’industrie. On aboutit ainsi à la corrélation suivante :

La Suisse, avec une production industrielle importante /personne obtient un PIB/capita particulièrement élevé. La France qui s’est très fortement désindustrialisée et très loin derrière.

e) Importance des dépenses de R&D

Les dépenses de Recherche-Développement sont importantes en Suisse, comme l’indique le tableau ci-dessous :

Dépenses de R&D (en % du PIB)
France………….. 2,2 %
Suisse………….. 3,0 %

Dans ce pays, les chercheurs sont très bien payés.

Salaires moyens/mois( Euros)
Horticulture ………..4.655
Commerce…………..5.362
Industrie……………  7.490
R&D………………… 9.008
Finance………………10.321
(Source :Planète :Grandes Écoles -2024)

Mais, pour procéder véritablement à une comparaison, il faut calculer ces dépenses per capita : on  voit qu’il s’agit de 979 US dollars par habitant dans le cas de la France, et de 3.027 dollars dans celui de la Suisse, c’est-à-dire trois fois plus.

f) Importance des investissements étrangers

La Suisse, par sa neutralité politique et sa fiscalité, attire aisément les investissements étrangers. Aussi, le stock d’IDE (Investissements directs étrangers) existant dans ce pays est-il très important :

 Stock d’IDE ( en % du PIB)
France………… 32,0 %
Suisse…………128,4 %
(Source : OCDE)

Les IDE, notamment ceux qui se traduisent par des investissements dans  le secteur industriel, sont très précieux pour un pays : ils complètent avantageusement les capacités d’investissement des agents locaux, et contribuent ainsi au renforcement de l’économie du pays  qui les accueille.

La Suisse : un pays où les gens sont heureux de vivre et qui a su conserver la maîtrise de son destin.

Grace à la vigueur de son économie, la Suisse n’a pas eu besoin de se fondre dans l’Europe, étant soucieuse de conserver la maîtrise de son destin. Et les Helvètes sont tout à fait satisfaits de leur sort, comme le montre le dernier  « World Happiness Report » de l’ONU où l’on voit que ce pays se situe en 9e position, bien devant la France qui se place seulement au 27e rang, le pays en tête dans ce classement mondial étant la Finlande.

François Garçon, un universitaire spécialiste de la Suisse, dans un article sur Atlantico en date de janvier 2023, nous dit : « La comparaison entre la France et la Suisse est bien cruelle ».

Et on remarquera que le  cas de la Suisse contredit  la thèse qu’on nous rabâche journellement, et qui est celle  de notre Président Emmanuel Macron, qui voudrait que dans le monde actuel, face à des colosses économiques comme les États-Unis et la Chine, un pays de dimension limitée devrait, pour survivre, obligatoirement se fondre dans un ensemble beaucoup plus vaste : en 1992, la Suisse a dit non à l’Espace Économique Européen (EEE).  

Le professeur Fabio Wasserfallen, spécialiste de  politique européenne à l’Université de Berne, nous dit : « La Suisse est trop riche et trop stable pour vouloir adhérer à l’UE ». Elle est fière de sa souveraineté, de sa neutralité, de sa structure fédéraliste, et la démocratie y règne. On la voit mal se plier aux oukases des hauts fonctionnaires de la Commission de Bruxelles qui émanent de  personnes qui, aux yeux des Suisses, ont une autorité artificielle car elles ne sont pas issues du  suffrage universel.

La Suisse est un État  démocratique qui a opté pour une économie libérale et elle nous démontre que, dans le cadre de la mondialisation, elle sait être très prospère. On aurait bon nombre de leçons à tirer de notre tout proche voisin, et il faudrait que l’on ait enfin l’humilité de commencer de le faire.

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1 commenter

moulin janvier 10, 2025 - 8:40 pm

Excellent billet. Par où commencer les réformes les plus efficaces pour nous sortir de notre très mauvaise situation?

L’auteur n’a pas eu le temps de rappeler qu’historiquement la suisse est un pays pauvre dont on émigrait. En 1970 les niveaux de vie France Suisse étaient équivalents. Mais, avec les atouts décrits dans le billet, les Suisses se sont mieux adaptés à la mondialisation alors que les Français, entreprises, syndicats et salariés, sont restés sur les processus des trente glorieuses et ses dévaluations régulières. En faisant, chaque année, un petit % de mieux que nous, ils nous ont largement distancés.

Les rattraper ne sera pas facile, compte tenu de l’effondrement du niveau de formation moyen.
Deux priorités : vraie décentralisation avec principe de subsidiarité à l’initiative dès le plus petit niveau administratif ET régionalisation plus libéralisation de feu l’éducation nationale , véritable catastrophe nationale.

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