La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a annoncé qu’Emmanuel Macron souhaitait élever la lutte contre le communautarisme au rang des « grands enjeux de l’année 2020 », et elle a indiqué qu’il se prononcerait à ce sujet début février. L’objectif est de faire en sorte que les musulmans vivant en France, et qui sont français, cessent d’avoir tendance à se regrouper pour vivre entre eux. Un peu partout se sont développées, en effet, des communautés musulmanes qui vivent refermées sur elles-mêmes en revendiquant leur droit à rester fidèles à leur culture d’origine, celle de la civilisation musulmane qui est fortement différente de la nôtre. On a vu, ainsi, dans notre pays, se multiplier ces dernières années ce que certains ont appelé des « territoires perdus de la République ». Il faudrait que toutes ces populations musulmanes qui vivent en France en viennent à se fondre complètement dans la société qui les accueille, adoptant les codes et les mœurs de celle-ci. Le communautarisme est l’ombre portée de l’islam sur nos sociétés : il faudrait, en somme, que tous ces musulmans changent d’identité. Cet objectif est-il atteignable ?
Il faut, pour mesurer la difficulté de combattre le communautarisme qui s’est installé dans notre société, rappeler les raisons pour lesquelles la civilisation occidentale qui est issue de la chrétienté et la civilisation musulmane qui est fondée sur l’islam sont en conflit, et ce, depuis l’apparition de l’islam en Arabie au VIIe siècle. Les motifs de conflit sont de trois ordres : des raisons doctrinales, des raisons historiques et des raisons psychologiques.
Au plan doctrinal, tout d’abord : les musulmans considèrent que c’est Mahomet qui a eu le vrai message de Dieu. Les messages délivrés aux siècles précédents par Moïse et par Jésus ne sont pas les bons. Les juifs et les chrétiens sont donc dans l’erreur : il faut les combattre et les soumettre d’une manière ou d’une autre pour qu’ils adhérent au message véritable délivré par le Prophète Mahomet.
Ensuite, au plan historique : le monde de la chrétienté, devenu par la suite le monde « occidental », et le monde de l’islam n’ont pas cessé, pendant maintenant un peu plus de 13 siècles, de s’affronter pour des conquêtes de territoires. Les cavaliers d’Allah ont envahi très vite, après la mort de Mahomet, une bonne partie de l’Empire romain qui était devenu chrétien, et ils furent finalement arrêtés à Poitiers en 732. Il y eut, en réaction, les Croisades qui s’achevèrent mal, finalement, pour les chrétiens, malgré leurs vaillants ordres guerriers religieux. Ensuite ce fut la Reconquista de l’Espagne, ce qui prit plusieurs siècles. Et le relai de ces affrontements se trouva pris, en Europe orientale, par les Turcs qu’il fallut chasser de leurs conquêtes car ils étaient parvenus jusqu’à Vienne : cela, là aussi, fut long et très difficile. Au XIXe siècle, le mouvement repartit, mais cette fois dans l’autre sens, les pays occidentaux européens allant coloniser un grand nombre de pays musulmans. Cet épisode s’acheva à la fin du siècle dernier par toutes les luttes menées avec succès par les pays musulmans pour se « libérer » du joug des anciennes puissances coloniales, avec cette phase terminale que fut la guerre d’Algérie, un conflit qui a laissé de profondes meurtrissures, de part et d’autre.
Enfin, au plan psychologique, les musulmans se sont trouvés humiliés par le fait que leur civilisation qui avait été très florissante dans ses premiers siècles, au Moyen-âge, notamment en Espagne, s’est trouvée par la suite supplantée complètement par la civilisation occidentale, une civilisation qui les domine donc depuis maintenant plusieurs siècles. La civilisation occidentale, qui est devenue une civilisation sans dieu, est jugée très sévèrement par les savants religieux musulmans.
Ainsi, donc, avec les succès obtenus à la fin du siècle dernier par les musulmans contre les puissances colonisatrices occidentales, et avec les moyens financiers considérables que leur fournit le pétrole, les musulmans se trouvent-ils portés par un courant ascendant. Ils ont pris conscience qu’ils sont en mesure de prendre leur revanche sur les pays occidentaux, des pays sans dieu et aux mœurs dépravés, disent-ils, et ils voient le pétrole comme un don d’Allah à son peuple, un peuple dont il est dit dans le Coran qu’il est le meilleur que Dieu ait jamais créé. Et ils ont la démographie pour eux : c’est une arme redoutable. On se souvient de cette harangue du dirigeant algérien à la tribune des Nations-Unies, en avril 1974, où Boumediene avait déclaré : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis, parce qu’ils iront pour conquérir. Et ils conquerront avec leurs fils : le ventre de nos femmes nous donnera la victoire ».
Ces brefs rappels laissent comprendre que les musulmans qui s’installent aujourd’hui en Europe puissent nourrir des ressentiments à l’égard des Européens, et tout particulièrement des Français qui sont la nation qui a été, historiquement, à la pointe des luttes contre les musulmans. Les musulmans qui s’installent aujourd’hui en France ont donc d’immenses difficultés à s’assimiler, contrairement à ce qui s’était produit précédemment avec les différents flux d’immigrés qui avaient afflué de Pologne, d’Italie, d’Espagne, du Portugal… Tous ces migrants relevaient de la même civilisation que la nôtre. Les anthropologues et les sociologues nous disent, unanimement, qu’à la base de chaque civilisation il y a une religion : il s’agissait donc de migrants « chrétiens ». Aujourd’hui, le problème est différent, car ces nouveaux migrants sont issus de pays islamiques.
Une précision, ici, sur la notion d’assimilation. Deux possibilités s’offrent à des étrangers s’installant dans un pays qui n’est pas le leur : soit s’intégrer, soit s’assimiler. S’« intégrer » signifie conserver les caractéristiques de sa propre civilisation mais en s’adaptant aux coutumes du pays dans lequel on a choisi de vivre. S’« assimiler » c’est abandonner la civilisation à laquelle on appartient pour adopter celle du pays d’accueil. Dans le premier cas les personnes qui s’intègrent conservent leur identité, alors que dans le second elles en changent. Les Italiens, les Espagnols, les Portugais… qui se sont implantés en France n’ont pas eu à changer d’identité, mais seulement de culture : dans une civilisation, il y a, en effet, des cultures différentes, mais les fondements civilisationnels sont les mêmes pour tous les membres. Dans le cas des musulmans s’implantant en France s’assimiler signifierait renoncer à son identité pour adopter celle d’un Occidental : on peut comprendre que cela leur soit très difficile. Ce serait pour ceux qui le feraient, trahir tous les leurs. Les musulmans appartiennent, nous dit le Coran, à la oumma, la grande communauté des musulmans, et chaque musulman a pour patrie la oumma avant d’appartenir à telle ou telle nation dont il est originaire.
Mener une lutte contre le communautarisme va donc être extrêmement difficile : les musulmans qui s’installent en France, ainsi que leurs descendants, veulent conserver leur identité. Bien évidemment, ils ne seront pas tous des islamistes, et seuls quelques individus isolés pousseront leur fanatisme jusqu’à commettre des attentats. Mais il va se poser un problème d’anthropologie sociale et culturelle si l’on échoue dans cette lutte contre le communautarisme. En effet, les musulmans devenant progressivement de plus en plus nombreux, non seulement en France, d’ailleurs, mais aussi en Europe, car c’est finalement à ce niveau qu’il faut appréhender le problème, il va se produire une confrontation entre la civilisation occidentale et la civilisation musulmane. Et c’est alors au grand anthropologue Claude Lévi-Strauss qu’il faut s’en référer. Dans « Race et Histoire » il nous dit : « Lorsque deux civilisations en viennent à se trouver en concurrence sur un même territoire il y a conflit. Il se passe alors une des deux éventualités suivantes :
-Soit désorganisation et effondrement du pattern de l’une des deux civilisations ;
-Soit apparition d’une synthèse originale qui, alors, consiste en l’émergence d’un troisième pattern, lequel est irréductible par rapport aux deux autres ».
La civilisation occidentale, dont l’Europe est la matrice, ne disparaitra pas complètement de ce continent, et la civilisation musulmane, de son côté, ne s’éclipsera pas, les musulmans européens étant en osmose avec l’ensemble des musulmans du monde. C’est donc la solution de synthèse qui va s’imposer : une mutation de notre civilisation vers un « pattern » qui sera nouveau.
Cette mutation est d’autant plus à craindre que le Conseil de l’Europe, auquel la France a adhéré en 1974, a pris position : les nouveaux arrivants qui s’installent en Europe ont le droit de conserver leur culture et leur identité. Il a rappelé d’ailleurs aux gouvernements des pays membres, par sa résolution 1162 qui date de 1991, « la contribution de la civilisation musulmane à la culture européenne ». Et, plus récemment, par sa résolution 1743, qui date de 2010, il a affirmé : « Les musulmans sont chez eux en Europe » (article3).
Certains trouveront naturel que notre civilisation connaisse une mue, d’autres s’en affligeront. Telles sont les perspectives auxquelles nous sommes confrontés, aujourd’hui. On se souvient que Romain Gary, d’origine russe, mort à Paris en 1980, avait dit : « Je n’ai pas une seule goutte de sang français et pourtant la France coule dans mes veines ». Il avait reçu, par deux fois, le prix Goncourt.
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Il est à observer que la communauté musulmane n’est pas (encore) touchée par le COVID-19 ?
Texte de valeur, sans flagornerie aucune !
remarque préliminaire : « à Rome conduit-toi comme un romain ! »
Les musulmans ont droit de rester fidèles à leur culture d’origine, celle de la civilisation musulmane qui est fortement différente de la nôtre : PLUTÔT GRAVEMENT ANTAGONISTE À LA NÔTRE.
Curieusement le conseil de l’Europe n’affirme nulle part le droit des Européens à vivre selon leurs us et coutumes (bafoués par les musulmans-ôtes-toi-de-là-que-je-m’y-mette)