Les mesures de confinement général de la population qui ont été prises par le gouvernement pour lutter contre la pandémie du coronavirus ont mis toute l’économie du pays à l’arrêt. Notre Président, dès l’arrivée du Covid-19 sur notre territoire, n’a pas hésité à donner le cap: sauver des vies quoi qu’il en coûte, empruntant à Mario Draghi sa formule lapidaire: « whatever it costs ». On en est, actuellement, à 27.000 décès, et, la courbe commençant à s’infléchir, on entreprend de procéder à une levée du confinement, mais avec d’infinies précautions, ce que l’on peut comprendre.
Article initialement publié sur Le Figaro
Les dégâts causés à l’économie de notre pays par le coronavirus vont se révéler, à mesure que l’on va avancer, considérablement plus importants qu’on ne l’imagine aujourd’hui, et il faut bien comprendre que la situation de l’économie française, déjà avant la crise du coronavirus, était loin d’être florissante.
Une analyse rapide de l’économie française indique que, parmi les quatre principaux secteurs d’activité, des secteurs structurants que le gouvernement hollandais dans sa politique d’intervention dans l’économie appelle des « tops-sectors », deux se trouvaient déjà en difficulté.
L’industrie automobile, tout d’abord : ce secteur est important (210.000 personnes), mais il est quatre fois moins puissant que son homologue outre-Rhin, et il a manifesté ces dernières années quelques signes de faiblesse. Sa production, en effet, décline : on est passé de 3,5 millions de véhicules en 2000 à 2 millions en 2018. Second problème : la mutation vers le véhicule électrique, ce qui va nécessiter une profonde restructuration des chaines de production, et cela se traduira immanquablement par une forte réduction des effectifs.
Second secteur : l’agroalimentaire. Ce secteur, traditionnellement important dans notre économie, est depuis quelques années fortement concurrencé par les Hollandais et les Allemands qui sont, globalement, plus compétitifs. Ainsi, sur les marchés internationaux les producteurs français sont-ils passés de la seconde place à la quatrième, battus par les Hollandais et les Allemands. En 2018, nos exportations sont montées à 44 milliards d’euros, contre 72 milliards dans le cas de l’Allemagne et 94 milliards dans celui des Pays-Bas. Un économiste réputé pour ses analyses sectorielles, Alexandre Milicourtis, du groupe Xerfi, a même parlé dans un de ses articles d’une « Berezina » ! Notre industrie agroalimentaire a besoin d’être restructurée, nous dit cet expert, car elle est constituée de beaucoup trop de petites entreprises.
Le troisième secteur, celui de la construction aéronautique et spatiale, était avant la crise en plein essor, le carnet de commandes d’Airbus étant bien rempli au point que ce grand constructeur européen était parvenu à se hisser au niveau de son concurrent américain, la firme Boeing. C’est bien un secteur clé de notre économie, un secteur de surcroît de haute technologie, qui représente avec tous ses sous-traitants 350.000 personnes (chiffres du GIFAS). Malheureusement, de par la structure même du groupe Airbus, ce secteur est très fortement importateur de composants et de sous-ensembles provenant de l’étranger, en sorte qu’une bonne partie des emplois et de la valeur ajoutée nous échappent
Dernier secteur : l’industrie du luxe. Ce secteur représente 165.000 emplois, avec un chiffre d’affaires de 90 milliards d’euros en 2018, dont 76 milliards réalisés à l’exportation. Plusieurs grandes firmes du secteur sont, aujourd’hui, des leaders mondiaux : LVMH, KIRING, l’OREAL, HERMES. Ces entreprises dominent complètement le marché. Ce secteur mérite réellement le qualificatif de « top-sector », bien que sa contribution à la formation du PIB reste encore insuffisante.
Pour compléter ce rapide tout d’horizon, il faut ajouter le tourisme, une activité de services qui représente un chiffre d’affaires de l’ordre de 170 milliards d’euros, avec la ventilation suivante : 60 % pour les visiteurs nationaux, et 40% pour les visiteurs étrangers.
Il faut donc comprendre que la France, avant même la crise actuelle, était un pays dont l’économie, d’une façon générale, ne fonctionnait pas bien, et ce depuis la fin des Trente Glorieuses. Le mal qui mine notre économie est constitué par la très grave désindustrialisation du pays. Notre secteur industriel n’intervient plus que pour 10 % seulement, aujourd’hui, dans la formation du PIB, alors que sa participation normale devrait se situer aux alentours de 20 %. La France est à présent le pays qui est en Europe le plus désindustrialisé, la Grèce mise à part. Toutes les difficultés que rencontre l’économie de notre pays viennent de là: un taux de chômage bien plus élevé que partout ailleurs malgré tous les efforts faits par les gouvernements successifs pour le réduire, une croissance du PIB qui est en moyenne inférieure à celle des autres pays européens, un budget de l’État chaque année en déficit, une balance du commerce extérieur toujours négative, et un endettement de l’État qui a crû régulièrement, d’année en année, pour en arriver à se situer aujourd’hui au niveau du PIB du pays. L’État, en fait, recourt chaque année à l’endettement pour alimenter la croissance.
Tout cela résulte de la propension de l’État à par trop intervenir dans la vie économique du pays, un travers, diront beaucoup d’observateurs, bien français, ce qui empêche les ajustements du marché de s’opérer naturellement. Les réglementations sont trop nombreuses et trop pointilleuses, et elles brident le dynamisme des acteurs, la fiscalité, trop lourde, empêche les entreprises d’être compétitives, et le Code du travail, bien plus astreignant que dans les autres pays, modère par trop le dynamisme des chefs d’entreprise. Il faut ajouter à cette description un facteur aggravant : un dialogue social qui, dans notre pays, ne fonctionne pas, à la différence de ce qui se passe en Allemagne ou en Suisse : la culture des syndicats reste par trop marquée par l’esprit de la Charte d’Amiens qui date de 1906, une charte qui prône la lutte des classes.
Tout cela se traduit par un niveau de PIB/capita qui situe notre pays au onzième rang seulement, en Europe. Notre PIB par tête est inférieur de 32 % à celui de la Suède, de 48 % à celui du Danemark et il est tout simplement la moitié de celui de la Suisse. Les Français paraissent ignorer totalement la situation dans laquelle se trouve le pays et cela explique, par exemple, la fronde des gilets jaunes qui s’est déclenchée en novembre 2018, et qui a fortement perturbé la vie du pays pendant plus d’une année.
Il s’agit donc que la crise actuelle ne vienne surtout pas aggraver la situation dans laquelle se trouve l’économie du pays, et le danger est réel: nous en sommes à un peu plus de 12 millions de personnes placées en «chômage partiel» et il va falloir très vite remettre la machine économique en route. Les pays du Nord repartent plus vite que nous, nous dit Philippe Varin, le président de France-Industrie: leur industrie tourne déjà à 80 % de sa capacité, et l’Allemagne n’en est pas loin, alors que dans notre cas il s’agit de 56 % seulement. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a déclaré le 29 avril, devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, qu’il voulait attendre la rentrée pour présenter un plan de relance, un plan, a-t-il dit, qui « doit marquer un véritable changement de modèle industriel et environnemental ». On ne peut, en attendant, demeurer sans rien faire.
Ce plan sera certainement le bien venu, mais il faut dès à présent, agir, et au plus vite. Dans la situation dans laquelle se trouve le pays, qui est une situation d’urgence, il faut s’extraire de la façon dont on fait fonctionner l’économie en temps normal : cela nécessite que les responsables des destinées de notre pays aient l’audace de déployer tout un arsenal de mesures d’exception, ce qui ne pourra se faire que si le chef de l’État, lui-même, est à la manœuvre. Il faut donc, selon la procédure prévue constitutionnellement, qu’il décrète sans plus attendre, « l’état d’urgence économique », un cadre juridique qui permet d’adopter pour une période déterminée des manières exceptionnelles de fonctionner pour nos entreprises. Il va s’agir de revenir à des temps de travail hebdomadaires normaux, de raccourcir la durée des congés payés, et d’alléger un certain nombre de dispositions existant dans notre Code du travail. Un des points préoccupant pour les chefs d’entreprise est constitué par les dispositions de l’article 4121-1, complétées par la loi Fauchon. Et les mesures à prendre pour sauver la planète devront être repoussées de quelques années, ce qui n’est pas très grave car notre pays n’intervient que pour 1 % seulement dans les problèmes à régler.
Les organisations patronales ont adressé le 2 mai une lettre au ministère du Travail pour exiger que les tribunaux cessent de mettre en cause systématiquement la responsabilité des chefs d’entreprise dans les accidents pouvant survenir dans leur entreprise à des membres de leur personnel, d’autant que la loi Fauchon prévoit une « responsabilité pénale pour des délits non intentionnels ». Il ne s’agirait pas, évidemment, de ne pas sanctionner les chefs d’entreprise vraiment défaillants, mais de réviser les textes pour que la loi soit plus équitablement appliquée.
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les écarts de PIB par tête doivent être corrigés en ppa
les écarts de PIB par tête doivent être corrigés en ppa
par exemple, la Suisse est nominalement au double de la moyenne française mais à slt +50-60% en ppa.
et la France est très hétérogène entre régions et territoires : deux régions sont à niveau européen Ile de France et Rhone-Alpes et sont de tailles proches des petits pays homogènes cités.
Le problème de la France, ce sont quelques régions qui ont du mal à se bouger comme se bouge la Vendée.
Plan National ???