L’un des indices les plus utilisés par l’INSEE et, dans son sillage, par la plupart des administrations publiques comme OSEO, CDC Entreprises, est le taux de survie des entreprises: combien d’années en moyenne survivent les entreprises créées ? Il s’agit de démontrer que celles qui ont été aidées par de l’argent public survivent plus que les autres. Si cette survie est plus longue, la bonne action de l’argent public est confortée.
On retrouve ce critère dans la plupart des enquêtes INSEE comme par exemple l’étude de Claude Picart sur les gazelles [[Claude Picart, « Les gazelles en France », Série des documents de travail de la Direction des Etudes et Synthèses Économiques, INSEE, 2006]] Et sur les auto-félicitations que s’adresse Oséo (voir par exemple : ANVAR,OSEO Innovation : l’illusion).
Pourtant, si l’INSEE s’intéressait aux entreprises pour l’une de leurs fonctions sociales principales, créer des emplois, cet indice est absurde.
C’est donner la priorité aux dinosaures, aux entreprises qui sauront vivre le plus longtemps, pas à celles qui créent des emplois.
C’est un indice important dans une économie de la misère, celle par exemple du micro-crédit, où l’on cherche à donner des emplois aux chômeurs en les aidant à créer des entreprises de subsistance et les sortir des statistiques du chômage. Ce sont les politiques des petits boulots, poursuivies par la droite depuis 2002.
Mais c’est un indice qui est anti-emploi.
Il est facile de montrer en effet que le fait de durer est antinomique de la fonction création d’emplois.
L’étude faite sur les firmes à forte croissance,les High Growth Firms ( HGF en bref) suivant la définition OCDE a montré que la France avait des taux de croissance de l’emploi moitié des Britanniques qui ont eux-mêmes un taux de croissance de l’emploi inférieur à ceux des USA. Or la durée de vie des firmes US listées dans Fortune est seulement de 40 à 50 ans alors que l’âge moyen des entreprises du CAC 40 est de 83 ans si l’on part de leur dernière fusion et de 10, ans si l’on prend la date de naissance de la première compagnie ayant donné naissance au groupe.
Si l’on reprend le modèle développé par David Birch qu’une économie d’entreprises est un nuage qui, de loin, paraît immobile mais au sein duquel existent des courants ascendants et descendants féroces, comme dans un stratocumulus, nous avons pu mesurer que la vitesse ascensionnelle dans le nuage anglais est environ double de celle dans le nuage français mais la chute aussi beaucoup plus fréquente et rapide.
On peut le traduire par une autre image : quand des organismes vivants se développent plus vite que d’autres, ils sont plus fragiles et sujets à des morts rapides. C’est en somme le processus schumpétérien où l’innovation propulse vers le haut une économie mais élimine de ce fait une partie des dinosaures qui sinon auraient subsisté.
Il ne faut pas être un grand scientifique pour comprendre que ces économies dynamiques créent beaucoup plus d’emplois dans ce processus que dans celles, statiques, à la française.