Les nouveaux économistes « de gauche »[[càd. l’immense majorité des économistes français]] se sont rangés derrière la prix Nobel Stéphanie Kelton, papesse de la Théorie Monétaire Moderne (TMM et conseillère de Bernie Sanders candidat à la présidence des Etat Unis)
« L’inflation n’existe plus grâce à la mondialisation et la politique budgétaire agressive doit remplacer la politique monétariste qui lie l’inflation à l’augmentation de la masse monétaire. »
Eh bien non ! Milton Friedman avait raison et la TMM est mise en flagrant échec ! Mais cette théorie était tellement séduisante pour les politiques … Faire tourner la planche à billet, donner des chèques pour tout et rien (« helicopter money »), y a-t-il un meilleur moyen de séduire et garder ses électeurs ? Alors après l’erreurs intellectuelle, nos politiques (même de droite) et économistes de gauche ont d’abord nié le retour de l’inflation, ensuite, comme le phénomène persistait, ce fut un constat, mais dû à des causes extérieures qui n’allaient pas durer plus que un ou deux trimestres ( « l’inflation est un phénomène transitoire » cf. , la FED (qui a changé d’avis depuis) et Christine Lagarde BCE) … et maintenant que l’inflation est bien là… et pour un certain temps, que faire ? La BCE reste tétanisée et incapable de remplir sa mission : la stabilité des prix, de peur de faire tomber les économies européennes dans la récession. Quelle erreur !! On aura l’inflation ET la récession !! ET l’augmentation des inégalités !!
Le cout d’un climat social délétère est très élevé
Les revendications sociales, justifiées, pour un réajustement des salaires sont en train de ressurgir. Il n’y a pas de raison que le cout de l’inflation soit supporté uniquement par les salariés et les retraités…Alors que faire ?
Dans une situation économique mondiale où l’inflation est due principalement à des causes exogènes (crise de la mondialisation, manque de travailleurs qualifiés etc.) et des politiques budgétaires et monétaires devenues aberrantes (le « quoi qu’il en coute » soutenu par la BCE qui a fait exploser la masse monétaire), l’inflation n’est pas due à une augmentation des salaires. Par contre, si on demande aux salariés de supporter le cout de cette inflation (5,8% en France, 8,1% en zone euro : source Eurostat) le cout social sera très lourd, et l’instabilité sociale coutera très cher aux entreprises et au pays : grèves, refus de travailler, refus d’accepter les réformes nécessaires la remise sur pied de l’économie.
L’indexation de tous les salaires n’est pas une aberration économique. Pour le démontrer, comparons avec les pays de la zone euro qui pratiquent depuis des décennies l’indexation automatique des salaires. Quatre pays de la zone Euros : Chypre, Malte, le Luxembourg et la Belgique.
Des petits pays me direz-vous … mais prenons la Belgique, dont la balance commerciale est largement positive (21 milliards € en 2021) et l’inflation a été, jusqu’il y a peu, inférieure ou similaire à celle de la France : le taux en France aujourd’hui est faussé par la prise en charge par l’Etat, et donc la dette publique, d’une partie de l’augmentation des prix, au frais du contribuable.
Comme le montre l’expérience des pays voisins, indique la Banque Nationale de Belgique, l’absence d’indexation formelle ne conduit pas nécessairement sur le long terme à une érosion du pouvoir d’achat, dans la mesure où l’inflation entre en ligne de compte lors des négociations salariales ; C’est le cas dans les pays n’ayant pas de système automatique d’inflation. En général, les salaires négociés dans la zone euro suivent l’inflation avec un décalage d’un an, illustre Philippe Ledent, senior économiste chez ING.
De la même manière que l’indexation « ne donne pas nécessairement lieu à long terme à une évolution nominale plus rapide des coûts salariaux », poursuit la Banque nationale. Dès lors, le débat sur l’indexation n’est pas de savoir si la compensation de l’inflation est justifiée ou non. « Elle sera toujours présente à long terme, et même souhaitable. Le débat porte sur la meilleure façon de compenser cette inflation. »
En 2020, les salaires belges ont crû moins vite que ceux des pays voisins.
Et cette constatation est valable sur le long terme. Un exemple. Entre 1996 et 2019, les salaires nominaux ont davantage progressé en Belgique qu’en Allemagne. Mais si l’on tient compte du différentiel d’inflation entre la Belgique et l’Allemagne, la relation est inverse.
Impact sur la compétitivité
L’évolution des salaires le prouve : l’indexation ne constitue pas le principal facteur déterminant des écarts salariaux de long terme, assure la BNB. Même s’il se peut « qu’elle ait contribué plus ponctuellement à des divergences pendant certaines périodes ». Le court terme: voilà l’échelle temporelle dans laquelle un choc d’inflation se répercute dans les salaires et les prix. Un « impact considérable, qui se réduit toutefois un an après le choc ».
LE décrochage temporaire : tel est également la conclusion de l’étude publiée en 2013 par l’UCLouvain. « L’indexation n’est pas un facteur déterminant de l’évolution à long terme de la compétitivité des entreprises belges. » En revanche, celle-ci « nuit à court terme ». Un impact qui a beau se résorber et disparaître à terme, mais « persiste suffisamment longtemps pour entraîner des pertes de parts de marché ».
Les études montrent cependant que l’impact « négatif » de l’indexation automatique des salaires sur la compétitivité se résorbe après un an
Rappelons alors que l’indexation n’est pas le seul facteur déterminant de la formation des prix : les salaires ne constituant pas à eux seuls les coûts; coûts qui ne sont qu’une variable de la compétitivité.
Pour les secteurs exposés, le coût de l’énergie et la pénurie de main-d’œuvre constituent une plus grande préoccupation. « La compétitivité dépasse la seule question du coût, selon Philippe Ledent. Il est aussi question de savoir-faire, de productivité ou de secteurs à haute valeur ajoutée. Une économie qui n’envisage que le coût et en est réduite à être la moins chère est une économie qui a raté un virage. »
Quels sont les bienfaits de l’indexation automatique ?
Les mérites du système sont reconnus. En tête, la protection du pouvoir d’achat. Tout en soutenant la consommation et en contribuant à financer la sécurité sociale. « Même s’il est imparfait, ce mécanisme contribue à la paix sociale », indique l’économiste Philippe Defeyt. Et garantit une forme de solidarité. « La liaison des salaires vaut pour tous les secteurs, donc également pour les plus faibles où le pouvoir de négociation est restreint », souligne Robert Plasman. « Malgré ses défauts, l’indexation automatique reste probablement le meilleur mécanisme de maintien du pouvoir d’achat« , ajoute Philippe Ledent. (Senior économiste, ING Bruxelles)
Et ses travers ?
La charge contre l’indexation automatique des salaires a ses classiques. Comme celle de la spirale inflationniste, que l’on peut résumer de la sorte: soutenant la demande intérieure et pesante sur les coûts de production, la hausse des salaires se répercute sur les prix, générant une nouvelle indexation. Spirale prix/salaires.
Déjà, rappelons que la critique ne vaut que pour les chocs d’offre, liés aux coûts ou à la productivité ; en cas de choc monétaire ou de demande, l’indexation a tendance à jouer le rôle d’amortisseur. Fin de la parenthèse. « Cette spirale a été identifiée dans les années ’80 mais joue nettement moins à présent », estime l’économiste Robert Plasman. Parce que des garde-fous ont été mis en place, indice santé (lissé) et loi de 1996 en tête. (Voir plus loin le descriptif du mécanisme en place)
Le mécanisme d’indexation automatique en Belgique
Le « panier de la ménagère » voit le jour en 1919. La première version de l’index chiffré des prix de détail, livrée en mai 1919, intègre 53 articles de base; sa version de février 1920 en totalise 15.000. Petit à petit, le couplage entre index, salaires et allocations s’installe.
En 1983, le gouvernement introduit l’indice lissé, produit de la moyenne des quatre derniers mois. L’idée: se prémunir des bonds temporaires de prix. En 1989, l’indexation est secondée par la loi de sauvegarde de la compétitivité, introduisant la première comparaison salariale avec, notamment, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, pour se sortir d’une détérioration de compétitivité.
En 1994, les autorités introduisent l’indice santé, qui exclut des produits jugés nocifs: alcool et tabac. Les carburants (essences et diesel) sont également éjectés. Enfin, alors que se profile, pour 1998, l’entrée dans l’Union économique et monétaire, la Belgique a dû montrer patte blanche et prouver que l’indexation n’allait pas provoquer une spirale entraînant prix et salaires », indique Luc Denayer, chargé de cours d’économie à l’UCLouvain. France, Italie ou Pays-Bas : les années ’80 et ’90 voient d’ailleurs nombre de voisins abandonner le mécanisme – même si un résidu subsiste en France, où le salaire minimum (Smic) bénéficie toujours de cet automatisme.
La Belgique pose un choix politique: préserver l’indexation. La loi de 1996, modifiant celle de 1989, sera sa carte de visite, avec sa norme censée empêcher que les salaires progressent plus vite que dans les pays voisins. Les deux instruments sont intimement liés. Si l’indexation débouche sur un dérapage, la loi empêche, dans la période suivante, de négocier des hausses de salaire réel.
Conclusion
L’exemple belge nous montre que cette indexation automatique a plus d’avantages que d’inconvénients si elle est bien pensée. Les tensions sociales en France, la demande extrêmement forte de préservation du pouvoir d’achat, la lourdeur des négociations salariales, tout cela a un cout politique et économique lourd. Alors pourquoi ne pas tenter l’indexation automatique « à la belge » ?
PS : La partie concernant la Belgique de cet article est basée sur un article paru le 8 mai 2022 dans le journal « L’écho » de Bruxelles.
le 8 juin, 14:19 par Gérard Dosogne
Erreur de ma part : Stéphanie Kelton n’a pas reçu le prix d’économie décerné par l.académie de suede en mémoire de Nobel, mais est bien à l’origine de laTMM . Confusion avec Esther Duflo…