La France représente 1% de la population planétaire, 5 % de la richesse mondiale, 14 % de la redistribution sociale dans le monde.
Les Français s’énorgueillissaient de leur modèle, illustré en particulier par la reconnaissance portée à la qualité de leur service de santé. Leur confiance pouvait même justifier, certes bien imprudemment, le coût élevé, et en dérive mal maîtrisée, de leur système.
Soudain, la COVID-19 survient et la crise sanitaire ouvre des failles insoupçonnées au grand désarroi de nos concitoyens :
– l’hôpital paraît à bout de souffle et ne semble résister que grâce à l’énergie admirable des soignants ;
– les capacités de production de médicaments et de matériel médical, réduites au profit de délocalisations lointaines, nous rendent dépendants de fournisseurs étrangers : la pénurie de masques et de vaccins pose la question d’une souveraineté perdue ;
– nos laboratoires de recherche, notre icône historique, l’Institut Pasteur, en tête, se découvrent impuissants dans la course aux vaccins, en passe d’être gagnée par des entreprises étrangères, anglo-saxonnes mais aussi russes, voire chinoises, par de puissants groupes mais également des startup et des PME.
Le choc des réalités surgit, marqué par un effet de sidération teinté de sentiments de déclassement : comment en sommes-nous arrivés à cet état ?
D’abord, le poids de la réglementation des 35 heures affecte profondément l’hôpital
– dans son organisation : jonglage entre des plannings horaires serrés et des programmes lourds de RTT ;
– dans la gestion contrainte des rémunérations des soignants, problème devenu récurrent. (2070 € net pour un infirmier français, inférieur à la moyenne européenne et à celle de l’OCDE : 2600 €).
Ensuite, le fardeau des dépenses publiques – 56,7 %, du PIB – mais aussi de santé – 11,3 % du PIB – et surtout leur dérive constante, ont généré des restrictions budgétaires nationales lourdes de conséquences pour les entreprises en général et pharmaceutiques en particulier.
Il en va ainsi pour les laboratoires :
– de la création de « génériques » induisant une réduction des marges ;
– de la réglementation des prix de vente des médicaments dont les hausses annuelles sont encadrées et dictées par l’Etat : le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique territoriale a, en conséquence, crû de 1,5% seulement, alors qu’il a progressé dans le même temps de 2,5% en Allemagne, de 3,5%, en Italie !
Bloquées par le haut de leur compte d’exploitation – leur niveau de revenu -, rien d’étonnant à ce que ces entreprises, par ailleurs soumises aux autres mêmes charges, soient contraintes de
– délocaliser leur production : seuls 17% des médicaments remboursés par la Sécurité Sociale, sont fabriqués en France ;
– de limiter leur niveau d’investissements : SANOFI atteint 7 milliards de dollars contre 9 milliards pour PFIZER, soit 23% de moins que son concurrent.
Enfin et peut être surtout, les choix, plus que la volonté par ailleurs réelle, des soutiens des entreprises par les Pouvoirs Publics méritent réflexion.
Nous disposons en France d’une société capable d’opérer dans les vaccins avec VALNEVA (cf. Les Echos du 02/02/21), issue d’une fusion entre deux biotechs, l’une française, l’autre autrichienne, dont le siège est installé à Nantes. Avec cette société, nous bénéficions, probablement, comme les Allemands de notre « Bio N’Tech ».
Concentrée sur la recherche d’un vaccin anti-covid, et après s’être adressée aux autorités françaises, lesquelles n’ont pas répondu, VALNEVA a reçu une offre de soutien quasi immédiate de la part du gouvernement britannique. Intéressée de plus par son site de production de vaccins en Ecosse, Londres, dès juillet 2020, a versé 15,8 millions € au laboratoire nantais pour accroître la capacité de production de son usine et la monter ainsi à 200 millions de doses.
Mais aussi, aide majeure et fondamentale, l’Agence du Médicament Britannique, a aidé la société dans son plan de développement clinique en Grande-Bretagne.
Gage de son engagement, le gouvernement britannique a déjà passé une commande de 190 millions de doses et versé immédiatement 470 millions €, tout en se réservant des options jusqu’en… 2025 pour un montant global potentiel de 1,4 milliard € !!! Comble de l’étonnement, la BPI (Banque d’Etat Française chargée d’investir dans les jeunes pousses) est actionnaire à hauteur de 8 % de VALNEVA et n’a rien vu ni fait !
Pourquoi et comment la France n’a-t-elle pas su saisir cette opportunité nationale ?
La taille de l’entreprise. – 137 millions € en 2019 – a-t-elle privé les interlocuteurs de toute attention ? La culture, la lourdeur de l’organisation publique, ont-elles freiné nos décideurs ? En un mot, comme l’exprime un autre français, Stéphane Bancel, PDG de MODERNA aux États-Unis, serions-nous victimes du fait que « l’équation industrielle ne colle pas avec la lenteur de l’administration européenne » ?
Hôpital à apaiser et à revaloriser, entreprise à libérer, culture entrepreneuriale à développer dans l’administration : confrontés par la Covid à la rudesse des réalités, pouvons-nous transformer la violence du constat, bien sous-jacent depuis longtemps, en choc salutaire, source de profondes réformes indispensables et jusque-là quasi impossibles à réaliser ?
La proximité de la campagne présidentielle exige des candidats de prendre ces thèmes de redressement à bras le corps : notre pays les demande, la prise de conscience des citoyens aidera à les soutenir, au moins à les comprendre !
Refusons le déclassement !
2 commentaires
OSE Immuno aussi dans la course au vaccins
Article interessant . Sur le sujet crucial de la recherche et du soutien aux Biotech , ce qui ressort de la crise actuelle a été la prise de risque et la réactivité des nouvelles équipes biotech : allemandes ( BioNtech-Pfizer, Curevac ) britanniques ( Oxford ) , américaines ( Moderna et à l’initiative d’un Francais… ) alors que les grandes Pharma GSK , Sanofi….sont restées sur des modéles éprouvés mais trop lents. En France, 2 biotechs sont dans la course : Valneva avec une approche tres classique et OSE immuno avec une approche nouvelle qui cible plus large. Ce qui est en cause, c’est l’incapacité des grandes entreprises : Sanofi et des investisseurs à évaluer et à valoriser les entreprises Biotech francaises. Peu d’équipes et d’expertise . Les assureurs , banquiers et investisseurs institutionnels roupillent encore plus que les fonctionnaires
Il n’y a jamais eu de « modèle français »
c’est Mitterrand qui se servait de cette expression plutôt « maltapropo »