Les flux migratoires qui se déversent sur l’Europe inquiètent les populations locales car elles y voient une menace à la fois pour leur sécurité et pour leur identité. Ces flux migratoires vont très vraisemblablement s’amplifier dans les années à venir. Il va donc s’agir, pour les pays de la vieille Europe, d’élaborer, d’urgence, sans plus attendre, un plan d’action de grande envergure au niveau européen, car c’est seulement à ce niveau que les moyens nécessaires pour agir avec efficacité pourront être mobilisés. Il va s’agir, nous allons le voir, d’apporter une aide massive à l’Afrique, et de modifier de fond en comble les manières d’opérer, car les procédures d’aide qui ont été les nôtres jusqu’ici se sont révélées totalement inopérantes.
Note : Dans cette rubrique « Libres propos », les Entrepreneurs pour la France expriment leurs opinions de manière complètement libre. Le point de vue avancé dans cet article ne donne donc que l’avis particulier d’un des membres d’Entrepreneurs pour la France. Il est néanmoins un apport extrêmement intéressant pour comprendre les défis démographiques, alimentaires et industriels qui nous attendent avec les pays en voie de développement.
L’Union européenne, avec sa lourdeur habituelle, a commencé à faire un premier pas pour s’attaquer au problème de l’aide à l’Afrique, en créant en juillet 2017 le Fonds européen pour le développement durable (FEDD), doté d’un budget de 3,5 milliards d’euros. Ce fonds, dont on ignore la manière dont il va fonctionner, est destiné à stimuler les investissements en Afrique et dans les pays du voisinage oriental de l’Europe. Cette initiative, bien timide, a été présentée comme « une nouvelle approche pour éradiquer la pauvreté en Afrique » par le Commissaire chargé de la Coopération internationale et du Développement, Monsieur Neven Mimica. Elle est insignifiante par rapport aux besoins réels des pays africains, et l’on ne peut que s’étonner de l’aveuglement dans lequel se trouvent les institutions européennes de Bruxelles qui ne parviennent pas à prendre la mesure réelle des problèmes de développement qui se posent à l’Afrique. Le gouvernement français, de son côté, pour tenter de protéger notre pays de ces flux migratoires, va vraisemblablement accroître dans son projet de loi « immigration et asile » du printemps prochain, les reconduites à la frontière. Il se doit, en effet, vis-à-vis de sa population, de marquer sa détermination à agir. Mais ces dispositions ne régleront rien : la plupart de ces décisions ne seront pas exécutées, et rien n’empêchera toutes ces personnes refoulées de venir gonfler l’année suivante les rangs des nouveaux arrivants. C’est la quadrature du cercle. Un pays agissant isolément ne peut guère trouver de solution à ces phénomènes migratoires.
On peine à voir qu’il n’y a qu’une seule manière de résoudre le problème pour se sortir du piège dans lequel on se trouve enfermé : reconduire systématiquement chez eux tous ces migrants qui frappent aux portes de l’Europe, sinon nos pays européens se trouveront à terme submergés par ces flux migratoires. Et, simultanément, il va falloir apporter à tous ces pays une aide massive : ce sont des pays « en voie développement » dont les gouvernements se trouvent complètement dépassés par les phénomènes démographiques. Il y aura, d’ici a 2050, sur le continent africain, plus d’un milliard de personnes de plus qu’aujourd’hui : si déjà un grand nombre de ces habitants fuient leur pays faute de pouvoir y trouver des conditions d’existence acceptables, qu’en sera-t-il demain, d’autant que les évolutions climatiques annoncées vont aggraver la situation de bon nombre de ces pays ? La solution réaliste consiste à traiter le problème à sa racine : cela, on le sait, va être extrêmement difficile.
Il va s’agir donc d’une aide massive à apporter à tous ces pays que l’on qualifie aujourd’hui de « pays émergents », afin qu’ils puissent accélérer leur croissance. Cela va demander des moyens considérables, et ne pourra se faire qu’en adoptant une manière totalement nouvelle d’apporter de l’aide aux pays en voie de développement. C’est bien un enjeu qui concerne l’Europe toute entière, et seule l’Union européenne se trouve en mesure de mobiliser tous les moyens nécessaires. Il faudra dialoguer sans tergiverser avec ces différents pays afin de brûler les étapes du développement : au plan politique, le poids de l’Union européenne constituera un atout majeur pour mener à bien ces négociations afin que l’on soit en mesure d’agir avec efficacité.
Quelle est la situation actuelle ?
Les pays développés ont bien pris conscience, depuis des années déjà, de la nécessité d’apporter leur concours aux pays « sous développés », et ils ont ainsi, en 1960, pris devant les Nations unies, l’engagement de consacrer chaque année 0,7 % de leur PNB à l’«Aide Publique au Développement » (APD). Malheureusement, ces engagements, jusqu’ici, n’ont pas été tenus, puisque l’on n’en est qu’à la moitié seulement des montants promis, et ces aides sont apportées d’une manière totalement désordonnée et inefficace. S’il est bien un sujet de controverse, aujourd’hui, entre experts, c’est le jugement à porter sur l’efficacité des APD, des aides qui n’ont cessé de croître d’ailleurs, passant de 23 milliards de dollars en 1960 à 142,6 aujourd’hui. Beaucoup d’études ont montré qu’il n’y avait pas de corrélation évidente entre le montant des aides et le taux de croissance des pays aidés, car bon nombre de ces pays en voie de développement sont gérés avec trop de laxisme : la BIRD[[Banque internationale pour la reconstruction et le développement]] évalue ainsi à 30 ou 40 milliards de dollars le montant des fonds volés, chaque année, par des élites corrompues. Il y a, d’un côté, les aides bilatérales et, de l’autre, les aides multilatérales, et les objectifs sont les plus divers : remboursement des dettes, fonctionnement des administrations, aide aux refugiés, paiement de très nombreux experts étrangers, frais d’assistance technique, etc. Le site Contrepoints rappelle que le président Yoweri Museveni a déclaré, un jour, que l’Ouganda n’a pas besoin d’aide, mais de commerce avec les partenaires au développement. C’est, précisément, de cette manière qu’opèrent aujourd’hui les Chinois en Afrique, et le FMI a reconnu que l’aide chinoise impacte positivement la croissance des pays africains. Il va donc falloir s’inspirer des manières d’opérer des Chinois.
Quelle stratégie adopter ?
L’Europe, qui consacre aux pays en voie de développement 60 milliards d’euros d’aide chaque année, affecte environ 40 % de cette aide aux pays africains, soit 24 milliards. Le reste concerne les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). S’agissant d’accélérer considérablement le développement économique des pays africains, l’effort financier à consentir va devoir être considérable : il va s’agir de prévoir des budgets de quelque 100 à 110 milliards d’euros chaque année, pour le moins. C’est tout simplement le chiffre qui correspond aux engagements pris devant les Nations unies, le PIB des 28 pays de l’Union européenne se montant à un peu plus de 16.000 milliards d’euros. L’aide de l’Europe à l’Afrique passerait ainsi de 24 milliards d’euros aujourd’hui, à un peu plus de 100 milliards demain. L’aide publique serait destinée à la réalisation des infrastructures dont l’Afrique a un urgent besoin, et au soutien des investissements privés par l’alimentation d’un fonds d’assurance des ces investissements qu’il va falloir créer. Il faudra, en effet, que les pays africains s’ouvrent très largement aux investissements privés, car ceux-ci sont vitaux pour des pays en voie de développement : ils sont, pour ces pays, le moteur de la croissance. Actuellement, les IDE (investissements directs étrangers) s’élèvent à quelque 800 milliards de dollars chaque année, dans le monde : 500 milliards s’orientent vers les pays asiatiques, et seulement 60 milliards vont dans les pays africains. Ces investissements étrangers permettent aux pays bénéficiaires d’acquérir les know-how qu’ils n’ont pas et de former leur main-d’œuvre, et ce sont les acteurs étrangers qui permettent aux pays jeunes de nourrir leurs exportations, car des entrepreneurs locaux agissant seuls sont totalement incapables d’accéder aux marchés des pays développés. Les positions sur ces marchés sont déjà prises.
Les tâches devront donc se répartir entre le secteur public et le secteur privé, les aides publiques étant dédiées à la réalisation des infrastructures et à la fourniture de biens d’équipement et des divers intrants nécessaires à l’agriculture, et les investissements privés permettant la mise en place d’un tissu industriel d’entreprises alimentant le marché local et les exportations. Les Chinois nous montrent l’exemple. En Éthiopie, par exemple, ils ont créé une demi-douzaine de zones franches industrielles où les ouvriers sont encadrés par des personnels chinois, les salariés locaux vivant sur place dans des villages où flottent côte à côte les drapeaux éthiopien et chinois, et les exportations se faisant par le port de Djibouti. Le plus grand parc est celui d’Awassa, construit par la China Communications Construction Company, un parc de 130 hectares qui comporte une quinzaine d’usines textiles.
Un enjeu important pour nos entreprises
Les pays européens devront renoncer, dorénavant, à leurs pratiques d’aides bilatérales afin que se trouvent concentrés dans les mains de l’Europe tous les moyens financiers disponibles. Il va s’agir, en effet, de rendre l’aide au développement, cette fois, vraiment efficace en agissant beaucoup plus directement que précédemment. Et, pour ce qui est des investissements privés, de les épauler en créant un organisme d’assurance des investissements en Afrique, à l’image de la MIGA[[Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA – Multilateral Investment Guarantee Agency).]] créée à Washington par la BIRD. Si les investisseurs privés ne sont pas couverts par une assurance les protégeant contre les risques politiques, rien ne se passera. Ce fonds d’assurance des investissements privés pourrait bien absorber, à lui seul, 10 à 15 milliards d’euros chaque année. L’Europe, à la manière toujours des Chinois, agirait sans assortir son aide de conditions particulières de « bonne gouvernance ». Plus d’intrusion, donc, dans les affaires intérieures des pays aidés. Le temps presse, en effet, et il faut avancer. Sur les quelque 100 milliards d’euros annuels d’aide, on peut estimer que 70 à 80 milliards se trouveraient consacrés, chaque année, à la réalisation d’infrastructures dans tous ces pays où les retards sont considérables : réalisation de voies de communication, création de réseaux d’adduction d’eau et d’électricité, barrages hydro-électriques, aménagement de nouveaux périmètres irrigués, etc. Tous ces travaux seraient confiés exclusivement aux entreprises européennes, et réalisés directement par l’office que créerait spécialement à cet effet l’Union européenne, sans que les financements aient à transiter par les États africains, afin qu’il n’y ait pas de déperditions en cours de route. Et pour les entreprises européennes qui seraient aidées pour s’implanter sur le continent africain, s’ouvriraient de nouveaux marchés : il s’agira, demain, d’un continent peuplé de 2 milliards d’habitants.
Quel dialogue, avec les pays africains ?
Il faudra que les pays africains admettent, dans le cadre de cette nouvelle politique de coopération qui leur est proposée, qu’ils doivent accepter le retour chez eux de tous leurs nationaux que l’Europe leur renverra. Ces migrations posent, actuellement, beaucoup de problèmes politiques aux gouvernements des pays européens. Et, au demeurant, l’Europe se trouve à la veille de la révolution numérique, une révolution qui va détruire un très grand nombre d’emplois dans nos pays. Il faudra expliquer à nos partenaires africains que l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, l’impression 3 D, et les objets connectés, vont bouleverser complètement les économies des pays développés : il s’agit de la quatrième révolution que connaissent les pays industriels, après celles de la vapeur, puis du moteur électrique, et ensuite de l’informatique. Selon une étude réalisée par l’université d’Oxford, 47 % des emplois seraient menacés dans les pays développés. Et ce seront les travailleurs les moins qualifiés qui se trouveront les plus affectés. Johan Van Der Biest, gérant du fonds « Robotics de Candriam », nous dit : « L’explosion de la puissance de calcul des machines et la baisse des coûts de production des robots changent totalement la donne ». L’Europe ne va donc plus pouvoir absorber tous ces arrivants venus des pays en voie de développement. Certes, conformément aux conventions internationales, elle continuera à accueillir les refugiés, c’est-à-dire les personnes qui se trouvent réellement menacées dans leur existence, notamment par des conflits meurtriers.
Avec la mise en place de la stratégie que nous venons à grands traits d’esquisser, une stratégie où l’essentiel de l’effort d’aide de l’Europe aux pays en voie de développement serait focalisée sur l’Afrique, il sera possible de rapatrier dans leur pays d’origine tous les migrants économiques arrivant en Europe, cette condition constituant la contrepartie obligatoire de l’aide massive apportée à ces pays. Les vrais « réfugiés », évidemment, continueront à être accueillis, et leur nombre sera largement suffisant pour pallier les besoins de main-d’œuvre qui seront ceux, demain, des pays européens connaissant un déficit démographique.
Ce faisant, l’Europe pourra sauvegarder la cohésion de ses sociétés et permettre à ses habitants de conserver, comme ils le souhaitent ardemment, leur identité et leur culture. Au plan moral, l’Europe s’acquitterait ainsi de son devoir de solidarité envers les peuples démunis, une exigence qui relève de ses valeurs fondamentales. Et pour nos entreprises s’ouvriraient des marchés considérables.
Claude Sicard
Consultant international, spécialiste des problèmes de développement
3 commentaires
Nous sommes pris entre 2 feux
certaines populations sont prêtes à nous recevoir, d’autres nous haïssent
– l’aide européenne risque quelque soit son niveau va se dissoudre comme d’habitude sauf à l’accompagner de délégués d’une probité exceptionnelle.
– d’un autre coté si nous ne faisons rien, d’autres s’en chargeront et pas pour le bien de l’Europe
– en dernier lieu les nombreuses mosquées ne nous faciliteront pas la tâche . . .
Autres forme d’aides
Quand nous accueillons les migrants c’est un vol de compétences de ces pays . En effet ceux qui viennent sont les plus entreprenants, les plus courageux, les plus dynamiques, les plus volontaires bref ceux qui pourraient avoir le plus de potentiel pour leur pays .
D’autre part les plus doués viennent faire des études en France….puis ils y restent ; on devrait exiger qu’ils repartent chez eux développer leur pays sinon c’est aussi un vol de compétences apreès des dépenses de formation payées par le contribuable Français !!
Leur donner du fric est loin d’être suffisant surtout que parfois il est bien mal utilisé
Déja trop tard
Mr Claude Sicard explique très bien la question….. Sauf qu’il est trop tard depuis longtemps, le choc des civilisations a produit ses effets, la vitesse d’évolution des technologies en occident, ne s’accorde aucunement avec la vitesse de l’accroissement démographique des pays du Moyen Orient et d’Afrique.
Les habitudes culturelles, cultuelles et ethniques enracinées dans le psychisme des humains demandent des siècles pour changer….(même chez nous d’ailleurs) les dirigeants africains sont sans doute les plus grands des cyniques hypocrites, ou sinon les plus stupides des dirigeants, presque tous corrompus par le pouvoir et l’argent. Voir leurs populations quitter l’Afrique ne les empêchent pas de dormir, et doit les faire ricaner en douce, car quand l’Europe sera devenue un lieu de chaos généralisé, certains jubileront intérieurement de voir les nations européennes s’effondrer socialement, sans pourtant améliorer les leurs… La revanche des peuple noirs sur
les peuples blancs (tant souhaitée plus ou moins inconsciemment sera effective).
Les politiciens et dirigeants de la planète n’ont pas de possibilité de vision à long terme, leurs appartenances politiques, leur désir de carrière et leurs ambitions, leurs idéologies s’entre heurtent. La complexité et la démultiplication des problèmes à présent mondialisés, ne leur laissent qu’un champ d’action extrêmement limité, de plus constamment contrariés par les idéologies des individus et des peuples (syndicats – partis politiques – mouvements contestataires – et le manque de véritable discernement d’une majorité de citoyens eux même conditionnés (familles – religions, idéologies politiques, syndicats, médias.. etc…)
L’humanité suit sa course folle, les technologies sophistiquées et bien sûr chères ne serviront progressivement plus qu’une élite privilégié, mais pas éternellement non plus.
Les désordres écologiques sans fin, issus de cette vitesse de consommation excessive, vantées à l’humanité entière, amplifieront ce chaos à venir….
Je ne pense même pas être pessimiste, simplement réaliste et lucide, ce sera juste une question de temps, 50, 100, 150 ans avant le chaos général…