L’Europe, face à la crise migratoire qui l’ébranle aujourd’hui, se trouve aux prises avec un problème d’une extrême gravité. Ses dirigeants paraissent ne pas en avoir pris réellement conscience, du moins se trouvent-ils divisés sur les conséquences à attendre de ce phénomène : certains considèrent que ces flux migratoires constituent une menace sérieuse pour nos sociétés, alors que d’autres estiment que c’est, au contraire, une chance pour nos pays. Ne partageant pas le même diagnostic, ils sont donc dans un attentisme qui s’éternise. Ils s’attachent avant tout à définir les règles permettant de répartir au mieux, chaque année, entre les pays membres, les migrants qui frappent à nos portes, et la chancelière allemande a obtenu de la Turquie qu’elle consente à bloquer les arrivants qui cheminent par son territoire, ce que le dirigeant de ce pays a accepté de faire finalement contre rémunération.
Il faut avoir conscience que pour les pays européens il s’agit d’un problème existentiel. Dans son édition du 17 juin 2017 le journal Les Echos avertissait qu’il s’agit de la crise la plus difficile que l’Union Européenne ait jamais eu à résoudre jusqu’ici, disant à ses lecteurs : « Il ne s’agit pas seulement, pour l’Europe, de son existence, mais de son essence ». Et Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po, n’a pas manqué, de son côté, de tirer la sonnette d’alarme, disant : « L’Europe va imploser si elle ne règle pas la crise migratoire : elle est désormais face à ses responsabilités ». Le problème est réellement préoccupant. La fondation Robert Schuman nous dit de ce choc migratoire : « L’Europe n’en parle pas, et ne s’y prépare pas. Tout se passe comme si le tsunami démographique était moins important que la vague numérique ».
L’Afrique, toute proche, est la cause de ce désarroi. Elle est dans le monde le continent qui connait la croissance démographique la plus élevée, et elle a donc commencé à déverser sur l’Europe ses excédents de population. La croissance démographique des pays africains se fait à une vitesse vertigineuse : 228 millions d’habitants en 1950, puis 476 millions en 1980, et, maintenant, un peu plus d’un milliard de personnes ! Et ce phénomène va se poursuivre, à un rythme toujours très soutenu, en sorte que l’on en sera à 2,5 milliards d’habitants, en 2050. D’ici à 2050, il y aura 150 millions d’habitants de plus en Afrique du Nord ! Entre temps, l’Europe stagne : 513,5 millions d’habitants, actuellement, selon Eurostat, et ce chiffre sera inchangé en 2050. Le danger vient de ce que ces migrants sont issus d’une autre civilisation que celle des pays européens, une civilisation qui est non seulement en opposition avec la nôtre, mais aussi en conflit quasi permanent, et ce depuis quatorze siècles maintenant. En s’installant en Europe, ils refusent de s’intégrer vraiment à nos sociétés, tenant à conserver leur propre identité, ce qui n’était pas le cas de tous les migrants précédents. Il va donc falloir se mobiliser, sans plus attendre, au niveau européen, pour faire face à ces problèmes migratoires qui constituent une menace, les sociétés de nos pays courant le risque à terme de se trouver complètement fracturées, aux plans sociologique et culturel notamment.
Il va s’agir, donc, de s’attaquer à la cause même du mal, c’est-à-dire au problème du sous- développement économique grave de ces pays, alors qu’actuellement on se borne à parer aux effets du phénomène. Il va falloir, avec ces pays, avoir une politique de collaboration, au plan économique, complètement différente de ce qu’elle est actuellement, et revoir de fond en comble nos modes d’intervention en matière d’APD, c’est-à-dire d’Aide Publique au Développement. Cette nouvelle politique, pour être efficace, va nécessiter de pouvoir mobiliser des moyens financiers considérables. L’objectif va être double : d’une part accélérer considérablement les processus de développement économique de ces pays et, d’autre part, les aider à conserver les éléments les plus dynamiques de leur population qui, aujourd’hui, sont précisément ceux qui nourrissent les courants d’émigration.
L’Europe consacre aujourd’hui aux pays en voie de développement, environ 60 milliards de dollars chaque année, et cette aide s’étend à l’ensemble des 79 pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Moins de la moitié de cette aide est consacrée aux pays africains, soit 24 milliards de dollars, en moyenne, chaque année. Et il s’agit essentiellement d’aides bilatérales, chaque pays européen ayant sa propre politique d’aide, en fonction de ses propres intérêts. Les actions sont donc extrêmement dispersées, et les fonds octroyés ne sont pas orientés sur les actions susceptibles d’avoir les effets les plus directs sur la croissance économique de ces pays. Aussi considère-t-on de plus en plus que ces aides sont sans aucun effet finalement sur leur économie, certains auteurs allant même jusqu’à les trouver nuisibles. L’économiste zambien Dambisa Moyo, par exemple, a ainsi publié un ouvrage intitulé : « L’aide fatale : les ravages de l’aide Publique ». Il va donc falloir réviser complètement les procédures d’aide actuelles en donnant dorénavant la main aux instances dirigeantes de l’UE, et en portant l’aide de l’Europe à l’Afrique à un niveau considérablement plus élevé. Il va s’agir de consacrer à cette politique d’aide, désormais, quelque 100 milliards d’euros par an, ce chiffre correspondant à 0,7% du PIB de l’Union Européenne. C’est, il faut le rappeler, ce à quoi s’étaient engagés d‘ailleurs les pays de l’OCDE devant les Nations Unies, en 1960, en matière d’APD. Les pays de l’UE renonceraient donc à leurs pratiques actuelles d’aides bilatérales, tous les moyens étant centralisés dorénavant au niveau de l’UE pour agir en faveur du développement de l’Afrique, et, obtenir, en retour de ces pays, qu’ils réintègrent systématiquement chez eux leurs ressortissants qui viennent frapper aux portes de l’Europe. Et pour être efficace, on devra s’inspirer de la façon dont les Chinois opèrent en Afrique, le FMI ayant reconnu finalement que l’aide chinoise « impacte positivement la croissance des pays africains », ce qui n’est nullement le cas des aides occidentales.
Les Chinois réalisent, par exemple, eux-mêmes les travaux d’infrastructure, ce qui évite que l’aide soit dilapidée, ils créent des zones industrielles avec un statut fiscal particulier et y installent leurs entreprises, des entreprises qui exportent pratiquement toute leur production vers la Chine. Et ils ont pour doctrine de ne pas se mêler des affaires intérieures des pays aidés.
La stratégie à mener par l’Union Européenne consisterait donc à :
1- Porter à 100 milliards d’euros par an l’APD de l’Europe, et à consacrer cette aide publique exclusivement aux pays s du continent africain, l’Afrique étant une priorité pour l’Europe.
2-Centrer l’aide sur les trois objectifs prioritaires suivants :
a- Réalisation d’infrastructures dans tous les pays aidés ;
b- Alimentation d’un fonds d’assurance des entreprises européennes investissant en Afrique, pour les garantir contre les risques politiques, une structure à créer similaire à la MIGA (Agence multilatérale de garantie des investissements) de la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement), à Washington ;
c- Aide, enfin, à la réinstallation dans leur pays d’origine de tous les migrants économiques venus frapper illégalement aux portes de l’Europe, leur rapatriement s’effectuant aux frais de l’Union Européenne.
La création d’un fonds d’assurance des entreprises européennes contre les risques politiques serait un élément clé du nouveau dispositif d’aide, car des pays en voie de développement ne peuvent pas se développer sans l’aide des investissements étrangers. Actuellement, les IDE (Investissements Directs Etrangers) se montent, dans le monde, à 1.430 milliards de dollars chaque année, et seulement 42 milliards sont orientés vers l’Afrique. Les pays en voie de développement ne peuvent pas se développer, en effet, sans le concours des entreprises étrangères, et c’est bien ce qu’a montré l’exemple de la Chine, pays qui a fait un développement fulgurant avec le concours des firmes étrangères, américaines notamment : celles-ci apportent à un pays qui est en retard en matière de développement les technologies qu’il n’a pas, forment localement les personnels, et nourrissent les courants d’exportations du fait qu’elles ont accès aux marchés des pays développés, ce qui n’est pas le cas des jeunes entreprises locales. Cet apport des entreprises étrangères est fondamental car tout pays qui amorce son développement voit croître très rapidement ses importations, ce qui nécessite des flux croissants d’exportations pour équilibrer la balance des paiements.
En procédant de cette manière, l’Europe évitera de voir ses sociétés disloquées par tous ces nouveaux arrivants qui sont d’une autre culture, et les flux de refugiés qui ne manqueront pas de continuer à être importants seront suffisants pour compenser le déclin démographique des pays européens qui se trouvent dans cette situation. Et l’Afrique, devenant un continent en croissance, au plan économique, constituera demain des marchés nouveaux et attractifs pour les entreprises européennes.
Il s’agirait donc bien d’un pari gagnant pour chacune des deux parties. Il et donc temps de se retrousser les manches pour se lancer dans cette stimulante aventure.
Claude Sicard,
Consultant international, expert des problèmes de développement économique.
3 commentaires
Est-ce si simple ?
Il faudrait peut-être aller un peu plus loin et regarder au moins si les africains (ou les autres) sont prêts à faire les efforts nécessaires au développement. Pour le moment, l’argent investi est bien souvent revenu sous forme de corruption ou d’avantages au donateur.
Et la defense…
En plus des 450 milliards absolument nécessaire pour reconstituer une défense crédible !
Il faut travailler plus Messieurs et Mesdames les Européen(ne)s !!!
bloquer des musulmans par des musulmans ! Quel est le QI de Merckel ?
C’est la Grèce qui aurait du assumer cette tâche pour le même prix annuel qu’Erdogan (3 milliards par an ?) et ce, sans chantages de lâcher les fauves !